30. Lassitude

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Enfin. La fin de l'année approche.
Christophe va prendre le chemin du service civil au cœur de Lyon et non de la forêt équatoriale de je ne sais quel pays ou contrée d'outre mer.
Mes mots avaient été : "Si tu pars, je ne t'attends pas".
Moi pour ma part, j'ai pourtant cherché dans le ailleurs-land. Cest clair que je voulais laisser derrière moi, sur Lyon, non pas mes vieux démons mais plutôt ces récentes expériences qui m'ont fait tant de mal.
Cela faisait quelques mois déjà, et notre vie de couple avait repris ses droits, enfin presque, car j'avais goûté l'interdit, et mon quotidien me semblait bien fade, même si je savais que cet homme qui partageait ma vie depuis quelques années savait encore être plein de surprises pour moi.
Je n'ai plus revu Jean, sa traîtrise avait été de trop. Là où il n'avait pas été fin, c'est toujours pareil avec les hommes, l'impatience, c'est qu'il ne m'avait vraiment pas préparée à cela. Je sais qu'il avait jubilé en me voyant saisie dans ce bar de malheur. Mais je pense que si nous avions d'abord joué à ce jeu entre nous, à deux, je crois qu'il aurait pu m'amener beaucoup plus loin sur ce terrain. Je ne crois pas, j'en suis certaine. Mais là, plus possible de revenir en arrière, j'avais subi cela presque comme une agression. J'en étais sortie humiliée il m'avait mise plus bas que terre.
Il avait raté le coche, du moins, il l'avait forcé. J'avais en moi ce fantasme du sexe tarifé et il l'avait dévoyé.
Je ne vous cache pas, que vécue dans une relation extraconjugale, toute cette aventure restée secrètement cachée est revenue souvent me hanter, pendant des jours et des nuits.
Je fais partie de ces gens fiers qui ne reviennent pas sur leurs décisions même s'ils sont dans l'erreur.
Pourtant, je me mentirais à moi-même si je niais le fait que j'avais encore l'envie de retourner voir Jean. Il avait un sacré pouvoir sur moi, sur mon corps. Mais non. Me faire traiter comme une pute ?

À une seule condition : si je le veux bien.

En amour et dans le sexe tout est autorisé mais rien n'est obligatoire tant que c'est entre personnes responsables et consentantes.

Au cours des semaines et des mois qui se sont écoulés, j'ai redécouvert mon corps, par mes propres mains. Nous faisions encore l'amour avec mon homme certes. Nous avions encore nos petits scénarios, mais avec moi-même j'explorais mes rêves interdits, mes souvenirs maudits.
En mon corps j'avais vibré devant ces images, mais aussi quand j'y repensais. Quand mon mec me prenait de manière un peu vigoureuse, je crois que j'aurais voulu plus. Oui, en fait, j'avais vraiment envie au fond de moi d'être bousculée, malmenée, j'avais besoin de sentir une tension sexuelle intense qui flirtait presque avec le danger. L'amour un peu brusque, me tendait les bras.
C'est bête à dire, mais je voyais plus Jean m'amener à cela. Il me dégoûtait de ce qu'il m'avait fait et, pourtant je me caressais en pensant à lui, à ce que nous avions fait, à ce qu'il pourrait me faire.


J'en ai fait des rêves, où attachée les bras écartés, je me faisais punir et simplement baisée par Jean et ses comparses. Je me revois en train de presque supplier de recevoir comme une punition, le corps ruisselant de sueur dans ces rêves embrumés. Je me rappelle de ce songe où je me retrouve attachée au milieu d'une pièce sombre, une espèce de geôle, où je suis éclairée par la lumière d'un spot.
Habillée d'une robe légère, j'attends dans cette pièce étouffante de chaleur moite, la respiration haletante. Dans l'attente que cette première porte s'ouvre sur ces hommes qui me toisent, me jaugent, ils sont, évidemment accompagnés par Jean.
Ils tournent autour de moi comme des vautours autour de leur proie.
Je reste là, docile, à attendre ma sentence. On me tâte, on me palpe.
J'ai l'impression soudaine de n'être que de la marchandise.
Jean se rapproche de moi en souriant. Son regard me transperce. Tout à coup je me sens rassurée. Il me caresse la joue. Il bouge les lèvres, aucun son, mais je lis sur sa bouche charnue : "ma petite catin".
Je le regarde dans les yeux, il ne bouge pas.
On soulève le jupon de ma robe, on tire sur les bretelles.
C'est fait de manière un peu brusque, j'entends le tissu craquer et je sens que ça me tire aux endroits où ça résiste, la robe tombe, les sous-vêtements arrachés, des mains malaxent mes fesses, triturent mes seins. Mais je souris, à cet homme qui me regarde sans bouger.
Oui, je sens l'irritation aux endroits où le tissu a résisté. Oui ça me chauffe sur mes rondeurs que l'on a claquée... mais je suis bien.
Un homme s'agrippe à moi et glisse son sexe tendu entre mes fesses. Il semble vouloir me prendre par la voie classique. Je me laisse pénétrer, je gémis face à Jean. Besognée devant cet homme, je ne peux fermer les yeux, je le fixe en intensifiant mon regard à chaque coup de reins. Et lorsque l'inconnu se retire, des bras soulèvent mes cuisses et les tiennent écartées. Je suis assise dans le vide pendue par les poignets et tenue par des bras musclés.
Les pénétrations s'enchaînent alors, à leur bon gré, prise par ces gens plus âgés que moi.
Je tourne la tête et la seconde porte s'ouvre, derrière il y a comme une grille de prison.
Je l'aperçois.Christophe. Il me regarde l'air triste et je lui souris.
Je lui balance mon plaisir au visage comme on donnerait des coups de poings.
Il s'accroche aux barreaux comme on s'accroche à mes fesses pour me besogner.
Je le sens de plus en plus mal et commence à me sentir mal, culpabilité, puis je tente de résister mais je ne peux rien. Je ressens même du plaisir contre mon gré. Lui la mine triste qui s'efface dans la pénombre pour disparaître d'un air affligé et défait.

Tu l'as voulu, assume le.

Jean s'approche et me pince un téton en le tordant. Il le fait en me fixant l'air plein de défi. Il me contourne pour se se coller en mon dos et il présente son érection devant ma petite fleur et me pénètre brutalement... je sens ses doigts pénétrer la peau de l'intérieur de mes cuisses. On me détache les mains et plusieurs hommes se tiennent debout pendant que Jean me prend nerveusement.
Je me retrouve ensuite allongée sur le sol nue, seule dans la pièce, le corps meurtri de toute cette débauche sexuelle qui s'est abattue sur moi.
Je relève la tête, la porte où était apparu Christophe est toujours ouverte. La grille est toujours là. Mais pas lui.

Ô oui, j'en ai passé des instants sous la douche, dans le fond de ma couette à imaginer, et même rêver ces moments.

Ceux-ci allant en s'espaçant, en s'amenuisant et, ainsi, petit à petit, jour après jour, je digérais les événements de cet hiver. J'avançais vers une relation à moi-même plus apaisée.

Juin était là.

Il y avait bien sûr une dernière échéance qui prenait une place de plus en plus importante dans mon existence : les examens, mes tous derniers.
Je me suis donc concentrée à fond sur mes révisions. Et grâce à cette implication, j'ai eu ma spé.
Il a fallu, ensuite chercher du travail, je ne vais pas aller jusqu'à dire "du vrai", car ce serait dédaigneux vis à vis de tous les petits boulots qui m'ont fait du bien au porte-monnaie. Non, il fallait maintenant trouver un travail pour lequel je m'étais formée, en adéquation avec mes études.
J'ai, ainsi, décroché un job, dans une petite boîte en Savoie.

Mes actes ont été : "Je pars, tu m'attendras... ou pas".

Au service national, ils étaient payés une misère, bien qu'ils faisaient un vrai boulot à part entière. Ainsi, par souci économique, nous avons rendu notre appart'.
Il est retourné chez ses parents. Moi j'avais la chance d'avoir un logement sur place prêté gracieusement. Je passais donc la semaine là bas, et le week-end avec Christophe chez nos parents.
Un autre changement est apparu, et pas des moindres, le téléphone portable s'était enfin démocratisé. J'ai pris un abonnement, il ne faisait pas partie des tous premiers mais était de ceux qui commençaient à être abordables financièrement parlant.
Je suis ainsi partie "loin" de mes terres lyonnaises pour atterrir chez les savoyards, pas comme une extraterrestre mais presque. Là, je rencontre une équipe plutôt dynamique et sympa d'une moyenne d'âge plutôt jeune.
Je partage un appartement de fonction avec Caroline. Dans notre équipe, hormis les plus âgés, il y a Fred et David. Fred, avec ses cheveux longs clairs frisés ça fait comme des dreadlocks, on a les même goûts musicaux.
David c'est différent, il est plus.. classique.
Au début tout se passe bien, je rentre chaque semaine. Christophe, je le vois, fait des efforts pour rattraper le temps perdu de la semaine.
Professionnellement, je m'entends de mieux en mieux avec ceux de mon équipe.
Les automatismes rentrent. On prend pour ainsi dire un rythme de croisière.
On se marre bien, l'entente avec Caroline est sympa, on ne se marche pas sur les pieds, et on arrive à s'organiser dans l'appartement.
Je me sens bien. J'avance dans ma vie. Ce petit éloignement me fait du bien, je me reconstruis.
Le travail nous rapprochant les uns et les autres, je sens bien que Fred cherche à me séduire.
Un soir, pourtant, quand Chritophe était venu me chercher, ils avaient fait connaissance mais apparemment cela ne freinait pas Fred, au contraire, il continuait de plus belle, connaissant Christophe ou pas.
Petit à petit, de mon côté, je me rends compte que je commence à être lasse de la bienveillance et de la gentillesse de mon mec et, que, pour moi, ça va, je vis bien. En fait, je trouve un équilibre, je vois un peu mon homme mais pas tout le temps et, il ne me manque pas trop.
Fred de son côté, avec un air un peu moins sérieux commence à me faire de l'effet.
Un jour, d'ailleurs, dans les serres, nous nous sommes mis à jouer avec le tuyau d'eau.
Je n'avais pas pensé avant de commencer que j'étais habillée d'un petit débardeur clair sans soutien-gorge.
Évidemment, avec Caroline, on a été plus mouillées que mouilleuses...
Je me suis donc retrouvée avec un vêtement transparent devant Fred et David. Et cela ne me laissait pas indifférente.
Nous avons ensuite travaillé ensemble Fred et moi, et ce petit jeu de séduction me faisait du bien. Je voyais bien, qu'il jetait des coups d'oeil appuyés sur ma poitrine. Je faisais semblant de ne pas prêter attention, et pour enfoncer le clou, j'ai roulé un peu mon haut, sous l'effet de la chaleur, vous comprenez bien, pour rester le ventre à l'air.
J'avais chaud, la poitrine collée par le vêtement trempé et mon ventre plat tout bronzé en évidence. Je voyais bien aussi qu'il était bien bâti, notamment lorsqu'il a retiré son vieux polo trempé pour continuer le travail torse nu.
Les papillons s'agitaient dans mon ventre, le désir était bel et bien là.
Tout se mettait donc en place, je me laissais, une fois de plus porter par les événements. Au fil du temps, je me laissais petit à petit séduire par ce collègue qui s'avérait très charmant et qui, lui, je pense ne m'enfermera pas dans une espèce de douce routine.

Je crois que je peux tenter l'aventure, il n'y a aucun risque, ou plutôt si, il y a du risque mais ce que je pensais c'est que de toute façon à une centaine de bornes de là, Christophe ne verrait rien. Effectivement dans Lyon même, à quelques kilomètres, il n'avait rien vu, alors là.
Je trouvais mon homme de plus en plus fade. J'en suis venue à lui reprocher d'être trop gentil, trop mièvre, tout ce que je détestais.
Je vidais mon sac sur ce mec qui était le mien, et en mon for intérieur, je me motivais pour aller voir ailleurs car j'en arrivais à être persuadée que Fred serait clairement mieux pour moi.
Fermée dans mon schéma de pensée, dans mon petit égoïsme, je venais de lui planter un couteau dans le cœur, je le savais, je m'en foutais. Et pourtant, il saignait dans le fond de son âme, lui qui avait toujours été là pour moi.
Mais, la vie est ainsi faite. Elle est injuste.
Je suis injuste.

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