32. Le coup de couteau

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Je vivais donc ma nouvelle vie de célibataire. J'avais eu une grosse déconvenue avec Fred et cela n'a pas forcément arrangé les choses dans mon boulot. Je n'étais plus si enthousiaste, je n'avais plus trop la tête dans "l'équipe".

J'avais cette impression de m'être encore fait avoir. Je ne suis pas contre le coup d'un soir, le tout c'est de le savoir, que les règles soient établies dès le début.

Quand on a voulu renouveler mon contrat, c'est tout naturellement que j'ai refusé. C'est ainsi que, quelques mois plus tard, je suis retournée vivre sur Lyon.

On a de nouveau échangé avec celui que j'appelais dorénavant mon ex. Je me disais, qu'avec le fait d'avoir passé tant de temps ensemble, on pourrait rester copains, presque comme des meilleurs amis. Je ne me rendais pas vraiment compte de la douleur que je pouvais lui infliger en faisant cela. Il l'a subi, je le sais maintenant.

Je me suis également de nouveau bien rapprochée de mon frère et de sa fameuse bande de potes qui n'avaient pas changé depuis le début. Il y en avait un, Sam, qui m'avait toujours plu quand j'étais ado et je me rendais compte que c'était encore le cas.

Regrets d'ado, nostalgie ou réel désir... qui sait ?

Entre apéros et soirées chez mon frère, je m'installais donc petit à petit dans le groupe. Un soir, une fête dans un bar quelconque de Lyon, une sorte de café concert. Un groupe de rock jouait sur cette scène. Une soirée sympa en perspective dans laquelle je me suis rendue pour rejoindre mon frère et sa copine. Là bas, on avait retrouvé toute sa bande de potes. La chose positive quand on bouge avec un frère comme le mien, c'est que la sortie ne nous coûte rien. L'ambiance était bonne et, petit à petit, je me suis rapprochée de Sam. Et, doucement, on a parlé, et on a bien déconné.

J'étais transportée et surtout désinhibée par tout le whisky ingurgité. Sec et sans glace.

Toujours.

J'étais habillée simplement, jean, chemisier décontracté. J'ai alors avancé doucement mes pions, pour ne pas le brusquer. Pour changer de mes dernières "conquêtes", c'était un petit brun trapu, typé latin, avec un look genre skater. Plus je buvais ses paroles, plus je sentais le moment arriver.

Mon moment.

Ma revanche sur toutes ces années de "petite soeur", moi qui était devenue adulte maintenant. J'attendais donc en quelques sortes mon heure. Elle arriva. Je voyais qu'on était proches lui et moi, il m'a effleurée sans le vouloir :

- Pardon, excuse moi.

Les yeux fixés sur lui :

- Ce n'est pas grave.

Et bien sûr, je tentais de conserver ce contact physique le plus longtemps possible. Je me suis alors approchée pour l'embrasser. Il a un mouvement de recul.

- Attends, Carole, mais, mais qu'est-ce que tu fais ?

- Sam, j'ai envie de t'embrasser.

- Non Carole, tu ne peux pas, ton frère c'est comme mon frangin et tu es comme ma petite sœur.

- Quoi ?

- Ce n'est pas possible, Carole. Là, je crois que tu as trop bu.

Les années "petite sœur" me sont revenues dans la figure comme une bonne gifle. J'étais vexée et surtout blessée par ce vent monumental que je venais de me prendre.

J'ai alors quitté les lieux. Abasourdie je me suis installée dans ma voiture. Triste et émêchée, j'ai alors roulé, roulé sans but sur le boulevard périphérique. J'ai abaissé la vitre et l'ai laissée entrouverte pour tenter de garder les idées claires. J'ai également mis la musique relativement forte. Perdue dans mes pensées, les lumières du périph dansaient sur le capot de ma voiture. J'étais défaite.

C'est alors que j'ai eu l'idée : une seule personne pouvait me consoler.

Mon ex.

J'ai donc décidé de prendre la route du Nord-Isère, et, ce, avec détermination, car je sais que, lui, me réconfortera. Je me gare devant la maison de ses parents, il est deux heures du matin. Sa voiture est là. Tout est calme, endormi. Je descends de mon véhicule, oula, ça tangue. Je tente de l'appeler sur son portable, messagerie. Je passe le portail et fais le tour de la maison. Une chance, sa chambre était au sous-sol. En fait, nous avions aménagé ce petit nid pour être tranquilles. plus qu'un sous-sol, pas vraiement un rez de jardin, quand on ouvrait les volets, on avait le niveau du sol à hauteur de nombril. C'était une pièce mitoyenne du garage avec à proximité, une salle de bains et des toilettes. Les fenêtres, donnaient sur le potager.

Je m'approchai donc doucement. Je tape doucement sur les volets puis :

- Christophe ! J'ai appelé plusieurs fois en tapant sur le bois. La fenêtre s'ouvre, les volets toujours pas.

- Christophe , c'est moi, ouvre moi !

- Carole ?

Les volets s'ouvrent, il est en caleçon, les cheveux en pétard, je le trouve encore minci. Je me penche, et "descends" dans la chambre.

- Mais qu'est-ce que tu fais là ?

Je le regarde, il a la tête dans le seau.

Je lui dis d'un air triste, avec la voix alcoolisée :

- J'ai pris un râteau !

☆Pour moi le râteau dans la face, pour lui le couteau dans le coeur

- ah.

Je titube un peu. Je fais ma petite tête misérable :

- Je ne savais pas où aller.

- Mais, regardes dans quel état tu t'es encore mise. Viens.

Il a pris soin de moi. Il est allé me chercher un coca. Il m'a aidée à me débarrasser.

- Ça ne te dérange pas si je dors avec toi. J'ai pas envie de dormir toute seule.

- Ben, de toute façon, dans l'état où tu es, je ne te laisse pas repartir... viens tu connais la maison.

Je m'assieds sur le lit et le regarde s'allumer une cigarette, un peu nerveusement, à la fenêtre. Nous n'avons pas beaucoup parlé le temps de fumer cette cigarette partagée et de boire mon coca, je lui ai raconté mon râteau, je ne le remarque pas mais chaque mot prononcé le larde comme des coups de poignards dans tout le corps. Moi, sur le coup, j'étais contente d'avoir retrouvé "mon ami". Lui, ne montrait pas beaucoup d'émotion si ce n'est l'inquiétude de savoir que j'avais conduit plus de trente kilomètres dans cet état. Le petit détail, le seul, qui me hante encore aujourd'hui, il n'avait plus cette lumière dans le regard que je lui connaissais tant.

Éteint.

Mais bon, ce que je me dis cette nuit là c'est qu'être réveillé à 2 heures du mat' par son ex passablement émêchée. Qui ne serait pas éteint ?

Il retourne dans le lit. Je me déshabille doucement, pose mes vêtements sur le fauteuil comme je l'ai toujours fait, je me glisse sous la couette seulement vêtue de ma petite culotte. Il éteint la lumière.

- Christophe ?

- hm ?

- Je peux venir contre toi ?

J'entends un léger soupir puis :

- Allez viens.

Je me rapproche de lui, il a ouvert son bras, je m'installe doucement contre son cœur. Sa main se dépose sur ma peau. Je sens son coeur battre. Je crois qu'il ne se rend même pas compte des petits mouvements de ses doigts sur mon dos. Je suis tellement bien contre lui. Des mois que cela n'était pas arrivé. Je ne sais pas ce qui m'a pris, la main que j'avais posée sur son torse est devenue soudain vagabonde, elle glisse doucement vers son ventre et plus bas. Son ventre n'est plus aussi rebondi qu'avant, il a effectivement bien minci, ce sont des muscles que je passe en revue. Son corps est tout chaud, ma main descend. Le cœur me répond avant l'homme. Il commence à me cogner fort à l'oreille.

- Qu'est-ce que tu fais ?

- j'ai, j'ai envie de faire l'amour...

- Carole, il ne faut pas...

- Ne me dis pas non, s'il te plaît. J'en ai besoin.

Il résiste mollement :

- Carole, non, s'il te plaît...

- Allez en souvenir du temps passé... La main qu'il avait glissée pour retenir la mienne s'efface doucement. Je m'échappe donc pour glisser cette main sous l'élastique de son caleçon. Le propriétaire des lieux avait beau dire non, il y en a un autre qui commençait déjà à me dire oui en redressant la tête l'air intéressé. Je tire sur son caleçon pour le faire glisser, il m'aide en soulevant les fesses. Je le reprends en main, il ne dit plus un mot, seulement une respiration qui semble saccadée et son cœur dans mon oreille. Je caresse ce sexe dans le noir, ce sexe maintes fois parcouru, que je connais par cœur, ma main y a presque encore tous ses automatismes, et pourtant... J'ai tellement envie de faire l'amour que je ne tiens pas longtemps avant de retirer ma culotte. Je me glisse sur lui, et le glisse en moi. J'ai la tête qui tourne un peu et je roule doucement du bassin. Un premier temps passif, il glisse ses mains sur mes fesses. Toujours sans un mot. Je vais et viens tout doucement, c'est tellement délicieux. C'est étrange comme sensation, je fais l'amour avec mon ex mais... pas seulement. Je le fais aussi avec Sam, celui là même qui n'a pas voulu de moi. Et bien, je lui fais quand même l'amour malgré son refus.

Christophe , lui, comme si c'était son dernier combat, se fait plus actif et me fait l'amour comme depuis longtemps on ne me l'avait pas fait. Ses mains sont douces et fermes. Dans le noir, je ne pouvais déceler son regard, ni qui il était. L'alcool m'a permise d'être libre cette nuit là.

Je sais que ce n'est pas bien.

Mais dans le noir et complètement désinhibée, ce n'est pas avec Christophe que j'ai fait l'amour.

J'ai fait l'amour parce que j'avais envie de faire l'amour.

Des mots durs à écrire, à assumer.

Le couteau planté certes, mais une lame bien remuée dans une plaie ouverte depuis quelques mois maintenant.

Je me suis endormie contre lui. Un parfait gentleman. Il m'a enveloppée de tout cet amour trahi. Le matin, il s'est levé, et pendant que je finissais de cuver ma soirée, il a subi les foudres de ses parents qui se demandaient pourquoi ma voiture était garée devant chez eux. Ils avaient évidemment compris que j'étais là, ils ne comprenaient pas pourquoi il m'avait encore accueillie, ils l'avaient ramassé à la petite cuillère sans jamais trop savoir comment l'aider dans le deuil de ce couple. Je me suis réveillée, nue dans ce grand lit, baignant dans le mélange de nos odeurs. Christophe avait posé une serviette sur le fauteuil pour que je puisse me doucher. Une tasse de café à la main, il fit son entrée dans la chambre. Il était très doux. Il a encore pris soin de moi.

Quand j'y pense, il devait vachement prendre sur lui, car il était prévenant mais sans montrer les éventuels sentiments qu'il pouvait encore ressentir pour moi, doux et gentil sans être... romantique, j'ai du mal à l'expliquer il était prévenant mais il dégageait une espèce de froideur.

Et, je suis partie comme j'étais venue ce matin là après que nous nous soyons serrés dans les bras, la dernière fois du millénaire.

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