La ville idéale

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« Cesse de penser à cette gamine, avec sa jupe courte et ses bottes ; c’est malsain ! »

Là j’ai commencé à paniquer !

Depuis des semaines, j’étais inondé de prospectus, de mails de SMS qui me vendaient la « VILLE IDÉALE ».

La pub montrait une île paradisiaque, dotée d’un nom imprononçable et en lettres capitales le slogan martelé ad nauseam : «TOUS TES RÊVES LES PLUS FOUS DEVIENDRONT RÉELS ! »

J’avais décidé d’ignorer ce matraquage horripilant jusqu’à la réception de ce message : « Cesse de penser à cette gamine, avec sa jupe courte et ses bottes ; c’est malsain ! »

Il faut vous dire que quelques jours auparavant j’avais monté plusieurs étages derrière une demoiselle avec de longues jambes (et cuisses), et ce souvenir envahissait mes jours et mes nuits.

Personne ne le savait et certainement pas ma compagne, personne sauf ?

Là j’ai commencé à paniquer !

Toute la nuit j’ai cherché

la ville.

Rien , je n’ai rien trouvé, les coordonnées GPS conduisaient en plein milieu de l’Atlantique, aucune île, aucune terre : rien !

Aucune carte, aucune base de données, aucun récit de voyageur ne la mentionnaient.

Je finis par sombrer d'épuisement devant mon écran.

Ils arrivèrent au petit matin, les hommes en noir me soulevèrent de mon siège et me forcèrent à entrer dans la voiture, une sorte de taxi où était écrit : destination la « VILLE IDÉALE ».

Je m’endormis vite et quand je me réveillai, les hommes en noir me conduisirent dans la salle d’attente d’un cabinet médical.

Une voix dit : « Monsieur Philippe K ».

Toujours silencieux, les deux hommes en noir me firent entrer dans la pièce, sans violence, mais aussi sans ménagement.

Blanche, la pièce était entièrement blanche.

Pour être franc, je m’attendais à tout, absolument à tout mais pas à cela.

Une belle blonde aux yeux bleus me souriait.

En d’autres circonstances, j’aurais immédiatement tenté d’engager la conversation, mais je choisis de rester silencieux.

La divine beauté s’adressa à moi :

« Ah Monsieur K, ravie de vous rencontrer.

— Tout le plaisir est pour moi, répondis-je ironiquement.

— J’ai beaucoup apprécié votre intervention sur Rousseau : j’aimerais prendre le temps d’en discuter avec vous.

— Vous m’avez vraiment forcé à venir pour cette raison ? répondis je en hésitant entre rire et colère.

— Non, mais je suis sincère, comme vous, j’aime la philosophie et j’aimerais vraiment prendre le temps d’une conversation amicale.

— Cela va me changer, car vos deux sbires ne semblaient pas avoir l’humeur philosophique, rétorquai-je, mécontent.

— Quand les hommes en noir

Viendront te chercher

Tu ne seras pas prêt

Mais personne ne l'est

Quand les hommes en noir

Viendront te chercher

Tu ne seras pas prêt

Mais personne ne l'est »

Interloqué, je me tus. Là, je ne comprenais pas.

La jeune femme me regarda fixement. Le bleu de ses yeux devint intense, quasi surnaturel, et je me mis à frisonner.

De nouveau, elle reprit le dialogue :

« J’aime bien votre poème, c’est amusant, c’est un peu comme si vous aviez une prescience de ce qui allait vous arriver.

— Vous avez lu tous mes poèmes ? balbutiai-je.

— Allons Monsieur K, Monsieur Philippe K, abandonnez vos préjugés, ce n’est pas parce que l’on est jeune et blonde que l’on est une petite cervelle et que l’on ne sait pas apprécier la philosophie et la poésie ! J’ajoute que je sais tout, absolument tout de vous !

— Non, ce n’est pas ce que je veux dire, répondis-je un brin gêné. Seulement, cela veut dire que vous me surveillez depuis longtemps et que vous êtes donc un …

— Flic ? Quel vilain mot, rétorqua la douce Vénus en riant. Non je me vois plutôt comme une protectrice, une prêtresse chargée d’âme.

— Bon, assez tourné en rond, suis-je au Paradis ?

— Disons plutôt dans les limbes, précisa l’ange blond. »

Un long , très long silence se fit. Ma désirable interlocutrice finit par poser la question qui lui brûlait les lèvres :

« Comment avez-vous deviné ?

— Oh c’est simple, là- bas tout le monde se doute que nous vivons dans une simulation. Il y a ce film Matrix et même Musk a vendu la mèche.

— Oui, nous avons donné des indices, confirma la jeune femme. Mais, à part vous, personne n’a trouvé la vérité ?

— K Dick était très proche. Votre messager, le Christ nous avait mis sur la voie et K Dick a compris le sens de l’évangile. Il a vu que nous étions dans les temps évangéliques. J’ai juste fait un pas supplémentaire : l’humanité vit hors du temps.

— Ne vous sous-estimez pas Monsieur K, dit la belle en souriant. Personne n’a découvert la Vérité, à part vous ?

— Oh, je suis juste le premier, répondis-je. Vous m’avez éliminé avant que je prévienne la Terre entière : nous sommes tous morts et nous vivons dans une simulation où nous revivons notre vie.

— Pas mal pour un ressuscité, me félicita l’ange blond.

— Ressuscité ? La formule est correcte mais un peu condescendante. Que vais-je devenir maintenant ?

— Je vais m’occuper de toi, murmura mon interlocutrice. »

Sans crier gare, elle m’embrassa avec fougue. Je fus surpris, je ne pensais pas qu’une IA pouvait donner tant de plaisir !

La belle blonde répondit à ma question avant même que je la pose :

La ville idéale
Elle est là fatale
Belle
Trop belle

Tu es si innocent
Et si inconscient
Que tu n'as pas compris
Elle est dans ton esprit

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