Arrivée à Gap

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La moto bascule dans le vide. Je pousse un cri de panique, mais Enzo garde son calme. Il écarte les jambes et appuie sur le véhicule pour s'en séparer, m'attrape par le col au passage et s'agrippe à la paroi pour nous empêcher de suivre l'engin dans sa chute. Ce dernier explose en touchant le sol. Je suis en train d'observer les flammes en contrebas lorsque j'entends nos deux compagnes nous appeler :

- Enzo ! crient-elles en choeur.

- Jessica ! poursuit Noëmie, qui était jusque là la seule d'entre eux à connaître mon prénom.

Leurs têtes apparaissent bientôt au-dessus de nous et Gwenn lance :

- Tiens bon, Enzo ! Nous allons vous remonter !

La jeune femme blonde disparaît pendant un instant pour revenir avec une corde, qu'elle déroule.

- Attrape-la, me dit mon sauveur.

Je m'exécute et les deux femmes me hissent jusqu'à la terre ferme, avant de répéter l'opération pour remonter leur camarade.

- Est-ce que tout va bien ? s'enquiert ensuite Noëmie. Vous n'êtes pas blessés ?

- Ça va, la rassure-t-il.

- Je n'en suis pas sûre. . . le contredis-je en entendant des bruits de pas dans notre dos.

Je me retourne pour voir approcher un soldat de l'ASP. Ses vêtements sont déchirés, les parties visibles de son corps sont couvertes d'égratinures, dont certaines saignent, et il boîte, mais il brandit son épée en hurlant :

- Je ne vous laisserai pas vous en tirer ainsi ! Je ne vous laisserai pas gagner !

Prise d'une soudaine rage face à cet individu à cause duquel j'ai failli mourrir sans même savoir pourquoi, je saute sur mes pieds et passe sous son arme pour loger mon poing dans sa figure de toutes mes forces. J'entends son nez se briser, mais sens aussi mes os craquer sous la puissance de mon coup. Je réprime une grimace de douleur, tandis qu'il est projeté au sol.

J'attrape ma main et observe mes phalanges douloureuses. Ce n'était décidémment pas une bonne idée de le frapper aussi fort, mais je ne le regrette pas. Je laisse échapper un sourire de satisfaction, qui s'efface lorsque j'entends mon adversaire hurler :

- Ennemie du Christ !

C'est sur ces mots qu'il me lance son épée. J'ai à peine le temps d'écarquiller les yeux que la capitaine de l'ASC apparaît devant moi. Elle contre l'arme ennemie avec la sienne, puis plante la lame dans son coeur. L'homme s'écroule définitivement au sol en lâchant un ultime soupir.

- Bien, dit-elle. Nous allons devoir partager les deux motos qui nous restent. Jessica, c'est ça ?

J'acquiesce. Elle poursuit aussitôt :

- Tu montes avec moi. Nous arriverons à Gap dans quelques minutes.

Nous prenons tous les quatre place sur les véhicules et redémarrons.

Quelques minutes plus tard, nous arrivons devant une cathédrale à la façade blanche. Un vieil homme se tient debout au sommet des marches. Il est vêtu d'une soutane noire, dotée d'une croix pectorale, et d'une calotte. L'un de ses doigts est orné d'un anneau.

Nous descendons des motos et mes escortes, à ma plus grande surprise, s'agenouillent aussitôt devant l'inconnu. Gwenn prend même sa main pour embrasser l'anneau en le saluant :

- Bonjour, Monseigneur.

- Bonjour, mes enfants, dit-il avec un sourire bienveillant. Je vous attendais. Je suis heureux de constater que vous êtes arrivés avant la nuit, même si avec un peu de retard.

- Nous avons rencontré un obstacle en chemin, mais nous voilà.

- Pourquoi est-il si important d'arriver avant la nuit ? demandé-je.

- La nuit est le temps des démons, m'explique l'évêque. C'est là qu'ils sont les plus redoutables, surtout entre minuit et trois heures du matin. Ce n'est pas pour rien que nous parlons d'heure du Diable. C'est là qu'ils atteignent l'apogée de leurs pouvoirs maléfiques.

- Ils peuvent tout de même répandre le mal en pleine journée, m'avertit la capitaine, alors méfie-toi d'eux.

- Trêve de bavardages, mes enfants. Rentrons.

Les trois soldats se redressent et suivent le religieux à l'intérieur. Je leur emboîte le pas. Quelques hommes et femmes sont assis sur les bancs, mains jointes. Certains nous jettent des coups d'oeil lorsque nous passons à côté d'eux. L'évêque de Gap nous rassure dans un murmure :

- Ils auront tous quitté la cathédrale d'ici le coucher du soleil. Nous vous installerons alors des matelas et des couvertures pour vous permettre de vous reposer.

- Merci, Monseigneur, lui répond Gwenn. Nous partirons une fois que nous aurons prié les laudes.

Il acquiesce et nous conduit à son bureau. Il s'installe sur son fauteuil et nous désigne un plateau où reposent du thé et des douceurs :

- Voici une modeste collation en attendant le repas de ce soir.

Nous prenons place sur des chaises face à lui et Enzo s'occupe de nous servir à boire. Je demande alors au responsable des lieux :

- Pourquoi est-ce que les membres de l'ASP tiennent tant à s'emparer de moi ?

- Les membres de l'ASP ? dit-il en fronçant les sourcils.

- Nous avons été pris en chasse par quelques uns de leurs soldats, lui explique la capitaine. Il s'en est fallu de peu, mais grâce à Dieu, nous nous sommes débarrassé d'eux. Ils nous ont certainement repérés à Lyon, où nous nous sommes arrêtés quelques minutes. Cette ville contient une importante communauté protestante en raison de son histoire. Leurs soldats sont donc nombreux à cet endroit. Nous tenterons d'éviter ce genre de lieux à l'avenir.

- Cela ne répond pas à ma question, répliqué-je. Aucun de vous n'a la moindre idée de pourquoi je les intéresse tant ?

- Je t'ai déjà répondu, me rappelle le jeune homme aux cheveux châtain clair. Cesse donc de te tracasser, nous sommes hors de leur menace, maintenant. Les protestants sont minoritaires, en Italie, nous ne risquons pas de croiser beaucoup de leurs soldats. Il est même probable que nous n'en croisions aucun.

Cette réponse ne me satisfait toujours pas, mais je garde le silence. À quoi bon insister ?

- Le principal est que nous soyons tous sains et saufs, déclare Noëmie en posant sa main sur mon avant-bras.

Elle dit ces mots en m'adressant un sourire rayonnant, que je ne peux m'empêcher de lui rendre. J'apprécie la douceur dont fait preuve cette jeune femme avec moi. Elle est terrible envers ses ennemis, mais tendre avec tous les autres. Même si sa supérieure et son camarade m'ont sauvé la vie, ce pourquoi je leur suis reconnaissante, et que ce dernier s'est en plus montré gentil envers moi, Noëmie est celle qui fait le plus preuve d'intérêt et de compassion à mon égard.

Me rappelant soudainement de la raison pour laquelle j'ai accepté de les suivre de mon plein gré, je me tourne vers la capitaine de l'ASC pour lui annoncer :

- J'aimerai entrer dans votre armée.

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