Hors des sentiers battus 3/

3 minutes de lecture

À mesure qu'il approchait de son foyer, son métier et les préoccupations liées à leurs diverses manœuvres politiques prirent le pas sur toute autre pensée. Il salua Albin partant à la caserne, et s'entretint avec ses aînés des diverses affaires en cours. Il excusa son absence par du temps passé à la verrerie, où il continuait de se rendre.

Le dîner et les conversations terminés, il enfila sa cape et rejoignit les Fêlés via son chemin habituel, par les toits. Il releva l'absence d'Albin, et se demanda s'il avait mis la main sur de nouveaux espions envoyés par Bernard. Que pouvait-il bien promettre, pour s'attirer autant de sympathisants ?

Au campement des Fêlés, Adelin profita que seuls cinq membres de la bande soient présents pour passer la nuit à tenter de développer une nouvelle bombe avec Souffreux. Les deux amis s'amusèrent à calculer à la fois le rayon d'action et les effets de la déflagration d'une bombe artisanale de leur invention. La nuit fila à une vitesse folle, l'Allumé aurait juré avoir juste posé quelques calculs avant que sa montre ne sonne les deux heures du matin. Pourtant, quand il feuilleta leurs notes, neuf pages avaient été noircies de calculs, de schémas et d'estimations diverses.

Au matin, il trouva de nouveau Albin plongé dans son traité de techniques de l'Inquisition. La double-page présentait le système nerveux connu. L'Allumé allait se détourner pour laisser son aîné à ses réflexions, quand il ouït un soupir de dépit qui le ramena auprès de son modèle.

  • Un problème ?

Albin tressaillit, puis leva des yeux caves vers son puîné.

  • Oh... c'est toi...

Il bâillla.

  • Rien... je sens que quelque chose m'échappe...
  • Ce n'est pas toi, qui me moralisait au sujet de l'importance du sommeil ? Tu as une petite mine aujourd'hui...

Grognement agacé. Adelin s'assit à son côté et se permit de lire en diagonale les connaissances de l'Inquisition sur la douleur. Des choses très poussées, il devait le reconnaître, qui le dépassaient de beaucoup.

  • Tu veux de l'aide ?
  • Quel genre d'aide tu pourrais m'apporter, Adelin ?
  • Nous pouvons le lire tous les deux. Voire, expérimenter.

Cette dernière proposition perturba son frère. Le temps s'égréna en silence, juste perturbé par la vie du domaine en cette heure matinale, et les cliquetis de la montre d'Adelin.

  • Tu sais que cela implique de la torture ? souffla enfin le milicien.
  • Avec tous les soupçons d'hérésie qui me ciblent, je risque d'y avoir affaire tôt ou tard. Et d'après ce paragraphe, il existe des méthodes pour y devenir résistant. Détails chapitre douze...
  • ... non... C'est une folie, Adelin.
  • Toi tu deviendrais plus efficace et tu agirais avec de l'expérience derrière toi. De quoi monter en grade, gagner en importance et délier plus de langues. Et de mon côté... si cela peut te servir... et me permettre de repousser des limites. Nous savons tous les deux que quelqu'un me traînera en justice tôt ou tard pour hérésie, et le recours à la torture dans ce cas arrive très vite. Si cela peut m'éviter de finir encore plus brisé que maintenant, et éviter à notre famille d'être traînés dans la boue parce que j'aurais cédé...

Adelin perçut que ce dernier argument fit mouche. Son roc se plongea dans une intense réflexion, hésita, tergiversa en son fort intérieur. Puis finalement, secoua la tête.

  • Hors de question.
  • Si tu changes d'avis, tu sais où me trouver. Et si je me ravise, tu le sauras.

Grognement las. Les deux s'étirèrent d'un même geste, le second fils renonça à poursuivre sa lecture et partit dormir, tandis que le cinquième enfant dévorait son petit-déjeuner. Depuis qu'il était notaire assermenté, tous deux se réunissaient souvent le matin dans une remise aménagée, un peu à l'écart.

Adelin savoura le calme. Seul à sa petite table, face à une fenêtre donnant sur les champs environnants qu'il s'imagina ondoyants sous les effets d'une fournaise flamboyante. Il se prit à rêver des effets de leur bombe, à lui et François, sur ces mêmes champs dont sa famille et leurs gens dépendaient. Quelle beauté, quels doux chants il entendrait... et ces senteurs merveilleuses...

Sept heures du matin sonnaient à sa montre, l'arrachant à sa rêverie. Il retourna à ses pénates se laver les dents, se maquiller pour tenter de prendre apparence humaine, puis descendit au rez-de-chaussée vérifier son courrier. Comme de coutume, aucun message ne lui était adressé. Il soupira. Ne lui restaient que deux contrats de mariage à préparer, des recommandations pour un divorce et sa journée de travail serait terminée. À force de manque d'activité, il risquait de perdre de bonnes habitudes...

Huit heures du matin, encore une heure avant que sa famille ne reçoive divers rendez-vous, il quémanda de quoi s'occuper et obtint enfin de quoi s'occuper une demi-journée complète.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Hilaze ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0