Cassetti

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22 Novembre, milieu de journée.

Coco a réglé le cas des références en deux temps trois mouvements, aidé par l'identité de la victime dont les papiers avaient été gracieusement laissés par l'assassin dans la poche revolver de sa proie. Un ressortissant américain, un certain Cassetti. Le tueur ayant épargné la tête, la concordance entre ces papiers et le visage a été immédiatement établie.

Les premiers défrichages internautiques du capitaine n'ont pas donné de résultats probants. Et pour cause ! En tapant le matronyme, les occurences se sont multiplées, des visages anonymes se sont bousculés au portillon. Des tas de types et de filles s'appellent Cassetti, et manifestement, cela leur cause une indiscutable fierté, vu qu'ils trouvent nécessaire de le révéler à toute la toile.

Or, quand tu ajoutes le prénom Samuel, tout s'éclaire. Exit les inconnus ; exit Paul Cassetti, responsable marketing dans une boîte qui commercialise du matériel électronique ; exit Thomas Cassetti, juriste, bardé d'un épais CV sur Linkedin, dont les dates élastiques laissent apparaître des zones d'ombre, et qui semble impudemment gonflé aux hormones ; exit Melvina Cassetti, influenceuse beauté, parlant avec des cuirs (1), pas découragée par le nombre famélique de followers, tous dans la fraîcheur de l'âge, qui s'égarent sur ses tutoriels maquillage ; exit tous ces quidams qui rêvent de ne plus l'être.

Samuel Cassetti n'existe pas !! Ou plutôt , la désignation ne fait nullement référence à une personne réelle. Elle renvoie à un personnage de fiction : Samuel Ratchett, de son vrai nom, le cruel kidnappeur de la petite Daisy Armstrong, assassiné dans l'Orient Express par les membres et les amis d'une famille aussi vindicative qu'éplorée.

Les indices abandonnées dans la funeste chaufferie prennent alors toute leur signification : le wagon de train électrique, la casquette de contrôleur...

En ce qui concerne le montage photographique, bien qu'il ne détienne pas un gyrus fusiforme (2) développé comme celui de Beate Lonn, l'héroïne de Jo Nesbo (3), Corindon a très vite reconnu le haut du visage de Johnny Depp, interprète de Ratchett dans la version la plus récente du "Crime de l'Orient Express" réalisée par le Nord-Irlandais Kenneth Branagh.

À partir de cette constatation, le capitaine Caïm n'a pas tardé à identifier le bas du visage de Richard Widmark, directement issu de l'adaptation de 1974, celle prise en charge par Sidney Lumet, toujours à l'aise dans les huis-clos (4), et bien supérieure, de l'avis de notre juvénile limier, à la version du sujet de sa gracieuse majesté...

Deux Ratchett pour le prix d'un, finalement. L'assassin n'a pas voulu faire de préférences. Scrupules qui l'honorent. De la déontologie des monstres.

Autre rapprochement incontestable : le nombre de coups de poignard assénés à Samuel Cassetti par le meurtrier constitue l'ultime confirmation de la correspondance : douze, comme dans le roman de Christie.

Ce qui laisse Corindon sur les fesses , c'est que la procession des meurtres épouse l'ordre du programme de l'émission "crimes célèbres" sur SP one. Sa cheffe voyait juste. Le doute n'est plus permis.

— Les deux premiers meurtres renvoient-il au continent américain ? La première émission a été intitulée " Les Amériques, jeune continent, crimes de sang".

— Le troisième fait-il référence à l'homicide d'un président français ? L'émission numéro deux s'intéresse aux "hommes politiques 'hexagonaux' assassinés ou victimes de tentatives".

— Le quatrième quitte-t-il les rives de la réalité pour évoquer un personnage imaginaire, ainsi que Perle l'avait bien deviné ? L'émission suivante portera sur "les meurtres dans la fiction et leurs invraisemblances".

Lors de la mise en commun des dernières déductions de son Corindon, Perle pointera une fois de plus l'hétérogénéité des meurtres, des indices et des références.

(1) https://www.synonyme-du-mot.com/les-articles/qui-parle-avec-des-cuirs

(2) https://blogs.mediapart.fr/michel-de-pracontal/blog/271012/samedi-sciences-63-le-gyrus-fusiforme-ou-le-cerveau-physionomiste

(3) "Rue sans souci".

(4) "Douze hommes en colère", 1957.

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