J'ai peur du silence
Je suis rentrée chez moi à pied aujourd'hui, ma maison ne se situe pas très loin de mon école. Comme tous les jours, j'avais les écouteurs vissés dans les oreilles. J'écoute tout le temps de la musique : les mélodies rythment ma journée. Généralement, je connais toutes les paroles des chansons, que je chante à tue-tête. Chez moi. Debout dans la rue. En voiture. Avec des amis, et même lorsque le lieu paraît inaproprié. C'est peut-être, me direz-vous, parce que j'aime la musique. C'est ce que je pensais aussi. Mais, réflexion faite, c'est peut-être parce que j'ai peur du silence.
Il parait que la musique nous aide à nous détendre, c'est scientifique. Des nouveaux appareils nous permettent d'avoir toujours nos chansons préférées à portée de main, ce qui peut paraître absolument miraculeux, au final. Mais personne n'a t-il jamais pensé aux risques ? J'en viens à me dire que, pour moi, la musique est morte. Ce n'est plus qu'un murmure, ce n'est plus qu'un bruit de fond. Un bruit auquel je suis habituée et dont je ne peux me défaire. Car après tout, la normalité n'est qu'une question d'habitudes.
Il faut dire que dès que je dois faire un trajet dans le silence, je suis comme angoissée. Pressée de retrouver les battements rassurants, comme un foetus dans le ventre de sa mère. Car dès que la musique s'arrête, le rideau tombe et les paroles affluent. Elles coulent, tourbillonnent et emprisonent mon esprit. Elles accaparent mon être tout entier, jusqu'au dernier sursaut de vie.
Alors j'écoute de la musique. Tout le temps. Pour preuve, à l'heure où j'écris ces lignes, les paroles tourbillonnent autour de moi et brisent le silence oppressant. Alors je chante. Ca m'évite de penser aux autres, d'avoir des discusions génantes. Ca m'évite de comprendre que je suis malade, à mi-chemin entre un être blessé et une personne qui semble respirer la joie de vivre.
Les Hommes ne sont que des animaux sauvages, qu'on contonne à une façon de penser. On les innonde de sons, de bruits qu'ils sont censés trouver harmonieux et jolis. De telle sorte qu'ils n'aiment plus les bruits de la nature : le simple murmure de l'eau, le bruissement dans les feuilles, tout cela ennuie. C'est banal, c'est tellement habituel qu'on n'y fait même plus attention. On veut que ça bouge, on veut autre chose que simplement rien.
Alors je continuerai à dire que j'aime la musique. Que ça me rend heureuse, sereine et vivante. Mais peut-être que je me voile la face, peut -être est-ce simplement parce que la musique m'enferme dans une bulle, m'empêche d'apprécier la mélodie de la vie. Peut-être qu'elle change mes critères, et qu'à cause d'elle, j'ai peur du silence.
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