GITANES SANS FILTRE

2 minutes de lecture

Nous nous considérions comme une mère et son fils.

C'était il y a longtemps : le vice a ses complices...

Je regarde au passé, sans espoir désormais...

Au présent, je suffoque, en sourdine, assommé.

Le futur m'a déjà assigné à jamais :

En attendant, je souffle, épuisé, tes fumées...

Nous nous considérions comme des confidents...

C'était il y a longtemps : de la race et du sang.

Les morts ont parlé, la victime a renoncé :

Elle s'est entourée de crétins hébétés.

Elle se rassure en se croyant éveillée

Mais son corps violé, lui, hèle un exilé.

Nous nous considérions comme de vrais amis,

C'était il y a longtemps, finie l'hypocrisie.

Ton regard pervers s'est trahi : il a fui

Dans les pauvres dénis, hantés dès qu'il fait nuit...

La lumière allumée, pour effacer ta suie,

Ne s'éteint qu'au matin : le démon s'est enfui !

Je te considère comme la pire ennemie !

Ici, c'est au présent : j'expose l'infamie !

Le silence t'enfouit ou te déterre, en pleurs...

Je t'examine de près, t'observe de loin :

Tu suces les fientes, au ras du sol, ton groin...

La truie a dans le cul la bite du sapeur !

Nous nous considérions comme femme et mari

C'était il y a longtemps, depuis tu m'as trahi.

Arrachée de ma bouche, tu l'as engloutie !

Tu es la femme à queue ; l'oxymore est en vie :

Elle est secousse et folle enculerie,

Elle est spasme dernier : j'éjacule et je crie !

Nous nous considérions à tort : tué de profil,

Je t'enterre avant l'heure en me rêvant viril...

Ta dépouille pourrie effarouche les mouches

Majesté déposée, ton cadavre est farouche.

Mais les vers affamés ont envahi ta bouche

Et c'est bien la première fois que tu accouches...

Je me considérais sauvé : presqu'avorté,

Bocal au destin brisé, j'ai longtemps rampé.

Dos voûté, voix chuchée, les oreilles dressées,

A l'affût, sans repos, des questions à poser,

Pour garder bien vivant, un discours proclamé :

Pourvoyeur d'illusions à la sphinge érigée.

Nous nous considérions seuls, perdus, à la dérive :

J'étais seul en effet, soumis à l'invective !

Tu volais, à l'esquive, l'estime à mon adresse...

Déchaînée, la fureur déviée, enflée d'ivresse,

Pouvait être amortie : garantie de caresses,

Enfin reçues à temps, au seuil de la vieillesse.

Nous nous considérions comme une mère et son fils.

C'était il y a longtemps : le vice a ses complices...

Le fouet rubis et le svastika de saphir

Cinglant nos flux souillés vont bientôt nous flétrir :

Nous, nous pourrons à nouveau nous considérer,

Frère et sœur, sacrés, contemplant l'Immaculé.

A tout considérer, sans effort, c'est la paix :

L'immobile est mouvant et c'est le grand secret...

« Nous » s'est évanoui et « je » est hors objet,

Féminin, masculin, c'est un choix hors sujet...

En la Source suprême, il n'y a qu'un décret :

Spontané et varié, le réel est parfait.

Annotations

Vous aimez lire JOAN LONCAN ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0