Sorcière ou démone ?

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Sorcière ou démone ?

Half-witch ou Half-pixie,

Magie tu réaliseras.

Half-morphe ou Half-formes,

De tes griffes tu déchiquetteras.

Half-vampire ou half-ghoul

De chair et sang tu te repaîtras.

Quel que soit le demi-sang que tu es et que tu resteras,

N’oublie pas que notre magie est en toi.

Comptine pour enfants.

-

ANASTASIA

-

La perspective d'une nouvelle union parmi mes proches me mettait toujours en joie et je pressentais que pour une fois je n'aurais pas vraiment mon mot à dire. Isaak était un espèce d'électron libre et sa mystérieuse union semblait promettre bien des surprises.

Même si mes propres visions me perturbaient beaucoup, j'étais certaine d'une chose : si cela avait concerné un de mes proches, la vision aurait pris le pas sur tout le reste. Si j'avais dû voir l'âme-sœur d'Isaak, cela aurait déjà été fait, alors l'avenir amoureux de mon ami n'était pas entre mes mains.

J’aimais avoir des visions de mes proches, les voir heureux était bon pour mon moral. La plupart de mes visions concernaient un avenir très lointain et me dévoilaient des scènes de vie qui se déroulaient des années après la mise en couple des concernés : je les voyais avec leurs enfants, en train de dîner, dormir enlacés, se disputer, se réconcilier... Parfois, tous ces couples heureux me rendaient également jalouse à m'exposer ainsi leur bonheur.

Moi-même je n'aurais jamais cru que quand mon avenir me serait dévoilé, je rechignerais autant à l'accepter... C'était en un sens hypocrite de reprocher aux autres de ne pas toujours accepter cet état de chose que je leur lançais à la figure et de faire de même quand cela finissait par me concerner.

Entre mes parents qui m'avaient abandonnée sans même prendre le temps de me connaître et en ne se préoccupant que de mon patrimoine génétique et mon enfance malheureuse auprès de sorciers qui me considéraient comme trop faible, comme le mouton noir de la lignée et du coven, je n'avais décidément pas été gâtée par la Déesse. Comme si une enfant était capable de supporter un tel mépris ! Avec le recul, j'avais pitié de ma mère qui avait été méprisée pour ses choix, mais elle n'avait pas fait preuve de plus de mansuétude envers moi que ceux qui lui avait reprochée ce qu'elle ne pouvait changer, sinon elle ne m'aurait pas ainsi jetée seule dans la cage aux lions... Je n'étais pas plus responsable de ma nature, qu'elle de l'homme que lui réservait le destin au mépris de nos coutumes intemporelles.

J'étais bien pire aux yeux de mon clan qu’une sorcière de peu de pouvoirs, j’étais une « demi », en anglais une Half-Witch. La moitié d'une sorcière et d'un sev-demon parmi les plus vicieux : Luxure. J'avais en moi le sang d'un démon des sept péchés capitaux, et même les sorcières pourtant descendantes d'Hécate, Déesse de la mort, avaient en horreur les démons. Ils étaient, malheureusement pour moi, les grands honnis de notre univers, même s'il était rare de les croiser puisque comme beaucoup de surnaturels ces derniers ne vivaient pas sur terre, mais dans des univers parallèles.

Mon père était un démon de luxure. Les démons de luxure étaient ceux qui avaient naturellement le physique le moins désagréable parmi tous ceux qui peuplaient les Enfers, puisqu'ils devaient se nourrir du plaisir qu'ils faisaient ressentir aux autres. Bien qu'ils se nourrissent majoritairement d'humains qu'ils pouvaient plus aisément manipuler avec leurs pouvoirs d'illusion qu'avec leur physique hors normes, l'absence de laideur était tout de même une sinécure. Parmi les Sept, celui que nous voyions donc le plus souvent était Luxure.

Dans leur globalité, les démons étaient munis de cornes difformes qui formaient des tourbillons et se finissaient en pointes à cinquante centimètres au-dessus de leur tête. Leur peau se caractérisait par les multiples écailles qui la paraient, si cette dernière n'était pas simplement craquelée comme les terres désertiques et rougeoyantes de leur pays d'où jaillissaient parfois des geysers de flammes. Leurs yeux avaient les couleurs de l'enfer et leurs cheveux aussi noir que l'ébène se consumaient en des flammes magiques tout droit venues de leurs contrées où régnaient la chaleur et les geysers de soufre. Certains possédaient même ces fameuses queues dans le prolongement de leur coccyx qui se finissaient par une excroissance pointue. Leur corps était démesurément grand et leurs muscles massifs.

Le plus craint des Sept était Colère. Il avait l'exceptionnelle capacité de générer avec ses mains les flammes infernales qui n'apparaissent sur terre que sous la forme d'émanations à travers les yeux ou les cheveux des autres. Ces flammes infernales étaient pratiquement indestructibles, elles broyaient véritablement les os, les chairs, les métaux... tout ce qui était sur leur passage. De plus, l'apparence de ce démon était encore plus frappante que celle des autres. Tout en lui était noir, de sa peau jalonnée d'excroissances qui représenteraient le nombre de vies prises- du moins à ce que nos espèces détractrices se plaisaient à dire- en passant par ses pupilles qui se fondaient totalement dans l'œil, rendant les prunelles d'un noir opaque. Ses cheveux d'encre étaient toutefois illuminés d’inattendus reflets rubis. Son corps était massif, ses cuisses comme des troncs d'arbres et ses poings aux doigts griffus étaient à taille de tête humaine. Quiconque ne frissonnait pas de sa simple apparence, le faisait en ressentant les ondes magiques infernales qui émanaient de son corps. Tout en lui signifiait le danger, de ses pouvoirs en passant par ses impénétrables yeux qui semblaient promettre la mort et non sans douleur.

De mes ascendances démoniaques, je ne tenais que mes cheveux infiniment foncés et le reflet rubis que prenaient mes prunelles quand j'étais sous l'emprise de puissantes émotions. Certains diraient également que j'avais tiré de mon père une aura séduisante, mais personnellement, je pensais que cela avait plutôt tout à voir avec ma magie sorcière. Mes yeux étaient ce qu'il y avait de plus frappant chez moi. Ils avaient une apparence surnaturelle accentuée par une mutation génétique. Ils étaient hétérochromes, d'un mélange en fusion de bleu et de lila. Outre cela, j'étais plutôt petite et mince pour une semi-démone. Certaines d'entre-elles mesuraient plus d'un mètre quatre-vingts, rivalisant sans problème avec la prestance des métamorphes. Alors avec mon mètre soixante-dix, je pouvais aller me faire voir en Enfer ! De plus, mon caractère plutôt discret ne correspondait pas à la séduction impertinente qu'on associait d'ordinaire aux démons de la chair. J'étais donc en bien peu de chose démone et en de nombreux points sorcière, raison pour laquelle j'avais été laissé à mon clan, plutôt que gardée par mes parents. Mais mon clan n’avait guère plus voulu de moi.

Mais, je n'étais pas une sorcière lambda, j'étais une voyante. La voyance ne désignait pas simplement la double-vue dans notre monde. Il s'agissait d'une discipline bien plus large que cela. Il y avait la Clairvoyance que je possédais, mais aussi tout type de capacité permettant de voir des choses que personne d'autre ne percevait. On appelait cela les PES -Perceptions extrasensorielles-. Flavie d'Hécatombe ne possédait par exemple qu'un don de clairvoyance très limité qui s'apparenterait d'ailleurs plutôt à de la Précognition. Sa spécialisation était en fait la lecture des auras. Elle s'était intéressée à la Clairvoyance parce qu'elle pouvait également lier les âmes-sœurs en fonction de leurs auras. Elle liait donc les partenaires magiques depuis des années grâce aux pouvoirs de ses compagnons de coven qui étaient capables de distorsion spatiale ou encore de trouver n'importe qui avec très peu de détails. Elle voyait les âmes, un de ses amis localisait la personne recherchée et un autre faisait usage de son don de distorsion pour aller chercher la personne susnommée et hop !

Je secouai la tête. Fini de rêvasser !

Il fallait que je retourne à mon laboratoire. Cette potion à la lavande ne se ferait pas toute seule et puisque mon inattention l'avait réduite en poussière ce matin, je ne me pouvais me permettre de perdre encore davantage de temps. Plus j'attendrais, moins je serais en capacité de réaliser la potion, puisque tout mon être m'attirait lentement en direction de mon âme-sœur. Ce diable d’homme que je ne cessais de voir et que toute mon âme et ma magie appelaient. Cette potion devait me permettre de bloquer un temps mes visions, sans faire de mal à personne. Puisqu'il était hors de question que je subisse encore des visions de ce sorcier qui m'était apparemment destiné, mais que pour autant je ne pouvais me permettre de faire souffrir mes loups par inconscience.

Je savais que tant que je ne me bougerais pas, mes visions gagneraient en intensité et je ne pouvais permettre cela. Cette potion était une solution provisoire avant que j'en trouve une plus définitive ou que je me décide à faire face à la réalité.

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