Des toiles sans âmes

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 Il est dix heures passées, Alexandre ne tarderait pas à m’importuner. C’est son petit plaisir et puis, ça lui donne une bonne excuse pour sortir de son bureau. Au moins, ça me fait lâcher mes pinceaux un moment, en plus des cours. Une pause quelque peu forcée, mais sans lui je n’en prendrai pas.

  • Oh mais que c’est beau ! Je parle du bureau de monsieur le professeur d’art en tout genre.

 Il est rentré, le numéro pouvait commencer. Toujours le même, certes, mais ça n’enlevait rien à son charme. Alex est un type bien.

  • Tu penses conquérir le monde avec la même plaisanterie quotidienne, Alex ?
  • Parfaitement, tu serais étonné à quel point les gens aiment ce qui redonde.

 Il n’a pas tort, la masse est de mauvais goût. C’est bien pour ça qu’un physique « banal » pour prendre leur terme comme celui de Claire n’intéressait que peu de monde et ne serait jamais un canon si je n’en fis pas la demande. Mais je n’en leur en veux pas, après tout, ils sont aveugles à ce qu’il y a de beau, au charme.

  • Par contre, j’insiste, comme hier et pour demain je ne suis pas un vulgaire prof d’art en tout en genre. Insulter un ami n’est pas très courtois.
  • Le meilleur !
  • Non plus, simplement pas en tout genre.
  • Ne sois pas modeste Gabi, on ne paye jamais décemment un mauvais artiste, parfois même un bon. Ce qui est loin d’être le cas pour toi.
  • Je me mets simplement au goût du jour, mes œuvres et ce que je leur rends n’ont rien à voir.
  • Ne dis pas ça à voix haute, malheureux ! Manquerait plus que tes boches te mettent à la rue…
  • Ce ne sont pas mes boches et je serais bien heureux d’être simplement renvoyé.

 Un silence aussitôt plombe l’ambiance. A moins que ce soit l’un de nous deux.

  • N’y pensons plus Gabriel ce n’est pas comme s’ils avaient vraiment les moyens de se séparer de nous.

 Il n’avait pas tort dans le fond. Il est coutume que les artistes soient orgueilleux et méprisent le travail des autres, mais à ma défense, c’est particulièrement vrai à mon époque. Il ne suffit que de voir ce que fait Picasso. Un nouveau silence, interrompu une fois de plus par Alexandre, il avait un talent pour ça.

  • Bon et… sinon tu la vois ce soir.
  • Putain mais comment vous pouvez être tous au courant. C’est Claire qui te l’a dit ?

 Il me dit ça avec tant de complaisance… Je lui pardonne, car sa sexualité était plutôt morose, mais je n’ai jamais pu supporter que l’on me rapporte des ragots. Enfin, ceux qui me concernent. Quand bien même qu’ils soient vrais.

  • Je ne suis pas collabo, l’ami, d’autant plus que Claire est une femme bien plus effrayante que de grands blonds bien gras aux yeux bleus.

 Cette dernière remarque me fait sourire malgré tout. Il a le chic pour tourner n’importe quelle situation à la dérision. Et puis, de cette façon il confirme par détour les déboires de la jalousie de Claire.

  • Sur ce point tu n’as pas tort, Alexandre.

 Il partit claquer la porte tout en s’esclaffant comme à son habitude, à la quête d’un autre collègue.

 Je retourne à mes pinceaux, quel gachis pensais-je en me voyant dans la glace. Répendre de la peinture sur des toiles sans âmes.

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