UN JOUR EN FRANCE
Il interpréta le doux sourire de la jeune femme comme un bon signe :
- Vous pensez que votre note sera changée ?
- C'est cela !
- C'est le cas, vous perdez deux points , asséna Catherine.
Le quinquagénaire se recroquevilla dans son fauteuil :
- Ce n'est pas possible ?
- Pourquoi donc ?
- Il doit y avoir une erreur.
- Je vais reprendre votre dossier, répondit la jolie brune d’une voix douce.
Monsieur K lorgna vers le décolleté de Catherine, il n'aimait guère les petites poitrines, mais elle avait, de façon assez étrange, choisi de mettre ses formes en valeur.
- Revenons au départ.
- Si vous le souhaitez.
- En 2026, vous aviez émis des réserves sur la mise en place du fichier numérique universel, pourquoi ?
- En fait, à l'époque, je craignais un recul des libertés individuelles, avoua Monsieur K.
Et c'était une erreur, la société pouvait ainsi mieux contribuer à notre sécurité.
- Oui, c'est la bonne réponse nota Catherine.
- En 2028, vous avez signé une pétition en ligne contre la mise en place d'une notation individualisée universelle, pourquoi ?
- Pour les mêmes raisons : je pensais que le but était d'introduire une hiérarchie, une méritocratie.
- Ce qui n'était pas totalement faux, remarqua Catherine ?
- Oui, mais à l'époque, je n'avais pas compris que le gouvernement voulait notre bien, à tous.
- Oui, c'est la bonne réponse.
- En 2029, vous avez manifesté contre l'attribution d'avantages et de droits , en fonction de la note obtenue, lors de l'évaluation individuelle, pourquoi ?
- Je craignais la victoire de l'injustice et de l'arbitraire, se défendit le vieil homme.
- Et, en réalité ?
- En fait, je n'avais pas compris que ce système de punitions et de récompenses permettrait de donner à chacun ce qu'il méritait d'avoir, en fonction de son engagement au service du Bien Commun,ce sont bien les paroles exactes de notre nouveau chant de credo républicain ?
- Oui, c'est la bonne réponse …
- Je vous en supplie, Madame, ne baissez pas ma note, par pitié !
- Oui, c'est la bonne réponse …
L'homme en costume noir pleurait à chaudes larmes.
Catherine vint s'asseoir à côté de lui, elle lui prit la main et la caressa.
Il sentait l'odeur entêtante de son parfum :
- Allons, ne pleurez pas !
- Deux points !
- Oui deux points : de 98 à 96 .
- Les droits universitaires des enfants vont doubler.
- C'est exact, je concède que vous ne serez pas à la fête, ironisa le jeune femme
- Dites moi ce que je dois faire.
Catherine se rapprocha de monsieur K, elle commença par caresser son genou, puis lentement remonta vers l'entrecuisse.
- Vous donnez toutes les bonnes réponses.
- Oui, Madame.
- Ce n'est pas normal, il y a toujours des réserves, des doutes.
- Oui, Madame.
- Votre femme est absente, demain ?
- Oui, Madame, avez-vous une idée pour me sortir de cette situation ?
- Je viendrai , nous trouverons vos légers points de divergence.
- Et ?
- Nous passerons un moment agréable, ensemble, assura la jolie brune.
Rouge, suffoquant, l'homme quitta la pièce, Catherine lui dit « à demain ».
Elle se retrouva seule et prit l'appel de son supérieur :
- Alors ?
- Cela a marché !
- Oui, j'ai vu . Vous pensez que ...
- Oui, entre la carotte et le bâton , il va parler, assura Catherine.
- C'est bien : j'en ai assez de tous ces hypocrites qui nous ont dénigrés, en prétendant être dans leur bon droit quand ils crachaient auparavant sur nos nouvelles lois, avant de faire semblant d'accepter toutes les mesures gouvernementales éructa son chef d’un ton méprisant.
- Et vous me donnerez ?
- Tous les points qu'il perdra !
- Je me dévoue corps et âme .
- Corps , surtout ?
- Avec ce vieux , gros, myope, il faut de la sainteté !
Tous les deux éclatèrent de rire.
Catherine resta seule, songeuse . Si elle arrivait à bien lui tirer les vers du nez, elle pourrait récupérer 10 points.
10 points ! Enfin , elle aurait son appartement parisien de 3 mètres carrés.
Une pensée, politiquement incorrecte lui traversa l'esprit : contrairement à ce que racontait la propagande gouvernementale, elle ne s'arrangeait guère cette crise du logement et elle devait vite en profiter avant l’inéluctable Révolution !
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