Journal de bord

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Journal de bord - Ostende - Mercredi 18 Avril 2018

Ce matin l’air est uniformément gris, parfois semé de quelques nuages d’altitude qui glissent le long de la côte. Des lames de vent à intervalles réguliers, des oiseaux marins y planent indéfiniment. Peu de gens dans les rues. Impression de vide et aussi, corrélativement, de liberté. Je ne sais ce que je vais découvrir dans les salles du Museum. J’espère seulement y trouver, non uniquement de la beauté, c’est bien le moins que l’on puisse demander à l’art, mais surtout du dépaysement, de la magie, de l’émerveillement et comme une altitude autre que celle d’un réel immanent qui nous consigne à la lourdeur de la terre. Cela fait tant de bien à l’âme de prendre son envol, de se confier aux volutes ascendantes de l’air, de planer longuement dans la manière d’un oiseau de proie à la vue panoptique. Alors on voit plein de choses étranges au-delà de l’horizon, des étincelles de temps inconnu, des écharpes d’espace qui faseyent tout contre le zéphyr de l’imaginaire.

La bâtisse du Musée est haute, blanche, façade sertie de pavés de verre, toit pyramidal de couleur saumon. Je franchis la porte voûtée de l’entrée à l’heure de l’ouverture. Je suis le premier visiteur. C’est une habitude, entrer dans les salles alors que le calme y règne encore, que les œuvres et moi pouvons dialoguer à loisir. Le premier tableau que j’aperçois, ‘Jeune fille devant un temple’, me fait inévitablement penser à l’architecture chiriquienne, même pose olympienne, liturgique, de ses personnages qui semblent de simples scènes antiques scellées dans la pierre. Immobilité, postures de l’au-delà, pensées fixes, êtres si étranges et l’on penserait être dans quelque crypte n’autorisant que des présences marmoréennes, des visages burinés par le long écoulement de l’Eternité.

Alors voici que surgit, sur le mur blanc criblé de stupeur, ‘SOLITUDE’, œuvre de 1955. Unique en son genre. C’est elle dont j’attendais la venue pareille à un mystère sur le point d’éclore, d’ouvrir sa large corolle. Soudain, de façon hypnotique, magnétique, je me sens happé par ELLE qui me fait face, par cette toile qui ruisselle de pure beauté, par cette Sublime Présence Féminine rendue énigmatique au motif que l’Inconnue qui m’attire m’aliène au sens propre, étymologique, à savoir que je ne peux que constater mon propre éloignement de qui-je-suis, presque une manifestation hostile, comme si, dédoublé, mon être pouvait se défenestrer lui-même, procéder à sa propre extinction.

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