Chaperon progresse

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Chaperon progresse à pas menus, comme si elle voulait tirer de son propre réel un genre de potion magique, si elle voulait phagocyter tout ce qui vient à elle dans le luxe inouï de l’instant. Être elle en la plus vive impression qui se puisse imaginer, être le Monde tout autour qui n’est présentement là que pour elle et, sans doute grâce à elle. Oui, à mesure que la lumière bouge dans le ciel, que les oiseaux s’éveillent au bord soyeux de leur nid, à mesure que les Hommes battent le pavé dans l’enfer libre des villes, Chaperon crée la toile sur laquelle repose son existence.

Elle avance : et c’est la Lune.

Elle avance encore : et ce sont les rails

qui montent au ciel à perte de vue.

Elle avance toujours : et c’est la porte de la Gare

qui communique avec les quais,

qui s’ouvre et s’efface avec grâce.

Chaperon entre dans la salle d’attente aux sièges de bois revêtus de cuir et, l’espace d’un instant, la rivière blonde de sa chevelure disparaît à mes yeux. C’est comme un coup de canif qui entaille ma conscience, comme si mon âme saignait de ne plus s’apercevoir que mutilée, genre de chiffon inutile flottant au vent mauvais d’une infinie tristesse. Elle, Chaperon, je la veux comme un enfant veut un jouet, comme un amant attend son amante avec la lèvre qui tremble et les yeux perdus dans l’infini du ciel. Je la veux telle une partie de moi-même, infiniment disponible au songe romantique qui se love en moi de la même façon qu’un animal plonge dans le tunnel de sa tanière, le corps moulé par ce qui l’accueille et le détermine en qui il est. Nulle distance entre le blaireau et sa tunique d’argile. Nul écart entre Chaperon et celui que je suis devenu dès l’instant où son image a envahi l’horizon courbe de mes yeux.

Toujours elle a existé en moi, pliée dans les fibres de ma chair, collée au revers de ma peau, spiralée au sein même de ma graine ombilicale, attachée au môle de mon imaginaire, soudée à la coursive de mon esprit. Elle/Moi, dans le creuset unique d’une identique présence. J’étais hanté par Chaperon, ce qui, souvent, expliquait ma climatique orphique, moi toujours en perte de mon double, moi amputé de quelque membre et claudicant sur la vaste scène du Monde, cherchant, ne sachant que la recherche et non ceci même qui la motivait, cette Lueur Rouge au large de mon immense solitude. Mais qui donc, sur cette Terre, n’est un être solitaire ? Jamais de complétude et la poursuite de fantômes qui ne laissent dans nos mains meurtries que la poudre à jamais consolée de la question. Mais ai-je donc le temps et le loisir de ruminer dès le moment où la joie est à portée de main ? Gamin qui a tiré une pochette-surprise et sent au travers du papier glacé la forme entière de son désir. Ses doigts sont mouillés du plaisir anticipateur de la découverte.

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