Chapitre 82

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     C'est un fait indéniable que pendant mon Service militaire j'ai fait partie des privilégiés. J'ai pu poursuivre mes études en me rendant tous les lundis à la faculté de médecine et en validant ma troisième année du CES de psychiatrie. Régulièrement je retrouvais à Paris Aksel et Louis R. dans des bars accueillants pour échanger nos nouvelles expériences, renforcer notre amitié. Et par la même occasion, pour commencer à étudier un plan de travail, une méthodologie, des recherches bibliographiques, afin que je puisse commencer à rédiger ma thèse de doctorat en Médecine. Louis R. se révélait un conseiller précieux et efficace, ce qui ne surprendra personne. Il espérait bien qu'avec ce diplôme en poche, je viendrai le seconder en tant qu'adjoint du secteur de psychiatrie infanto-juvénile qu'il dirigeait depuis peu en région parisienne. Cela ne correspondait pas vraiment à mes projets d'avenir tant je demeurais attaché à ma province natale. Il était persuadé que son vœu serait exaucé. Moi pas.


J'ai pu également obtenir des permissions pour me présenter aux concours d'internat psy, à Lyon, Marseille et Paris. Concernant ce dernier, nous étions Aksel et moi à l'heure au rendez-vous. La nuit précédente, nous fûmes logés chez une amie célibataire qui, malgré nos agapes, abus d'alcool et frivolités, a su nous sortir du lit au bon moment. Compte tenu des qualités de pilote de mon ami, la traversée de Paris se fit à la vitesse d'une voiture de police lancée à la poursuite de délinquants en fuite, toutes sirènes hurlantes,


Ma mémoire a jeté à la corbeille le nombre de candidats ainsi que le nombre de postes à pourvoir, mais nous savions que nos chances de réussite se trouvaient fort limitées. Toutefois pendant l'épreuve de clinique psychiatrique, notre plan fit merveille. Pour moi du moins, car Aksel n'était jamais parvenu à le retenir par cœur. Au final je fus admis aux trois concours et envisageai, non sans réticence et hésitation, de rallier la capitale. Aksel fut recalé. Cela ne faisait l'affaire ni de l'un ni de l'autre. Il ne m'en a pas voulu car il a pu se récupérer et devenir par la suite assistant, puis chef d'un Service adultes dans l'un des plus grands hôpitaux psychiatriques de la Seine.


  Et c'est ainsi qu'après avoir loyalement servi sous les drapeaux, accompli mes devoirs de citoyen, après avoir été démobilisé en conservant ce bel uniforme flambant neuf et son majestueux képi trop étroit, je rejoignis au volant de ma 204 Peugeot, avec pour tous bagages une valise et quelques cartons de livres, un gigantesque H.P. de la banlieue parisienne, un asile qui n'avait quasiment pas changé de paradigme depuis le Moyen-Âge.

Plutôt stressé, j'étais cependant loin de m'imaginer que j'allais y vivre les trois pires années de mon existence, un enfer innommable. Un enfer dont je suis sorti lentement grâce à une magicienne un peu sorcière, déguisée en jeune élève-infirmière psy, mignonnette à lunettes, accrochée à son amour pour moi sans jamais désespérer, intelligente, créative, emplie d'humanité. Une « belle petite grande âme » comme disait Victor Hugo.




FIN

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