16- Alka : La Bulle des combattants

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Dans bulle 15, Alka avait cherché douze heures d’affilée dans l’ADN de ces rustres. Noway avait veillé à son confort : il leur avait préparé les repas, été vigilant à ce que tout propre et ordonné.. Quand Alka était tombée de sommeil les douze heures suivantes, il s’était débrouillé pour qu’on ne la dérange pas.

Malgré son acharnement, elle n’avait rien trouvé, rien qui puisse être le début du quart d’une explication. Il ne lui restait qu’une seule piste à explorer : l’ADN primaire, celui de infras d'une Bulle Ter produisant des combattants.

Alka pensive, ôta ses mains du tableau de commande de son aérojet. Ils venaient d'atterrir dans Bulle Ter et étaient attendus au Ring d’entrainement. Elle voulait voir ces hommes en chair et en os. Les entraineurs qui étaient prévenus, les firent entrer.

Aussitôt, leur attention se porta sur Noway, ils le jaugaient, comme au marché. Alka se fustigea intérieurement. Où avait-elle la tête ? Elle aurait dû anticipé cette réaction.

Quelques minutes plus tard, son malaise se confirma lorsqu'ils essayèrent de le provoquer.

— C’est ça votre garde du corps, madame ? Il ne m’a pas l’air très combatif, l’interpella l’un d’eux, en lançant un regard méprisant à Noway.

— Nous ne sommes pas ici pour parler de mon personnel, lui rétorqua-t-elle froidement. Veuillez-vous occuper de ce qui vous regarde, monsieur.

Cela sembla les calmer. Ils les escortèrent sans rien dire jusqu’à l’arène où elle put observer les combattants à l’entraînement. Elle sortit son holopad pour pouvoir consigner ses réflexions. Elle constata, sans surprise, que bouger et exercer leur force physique leur plaîsait. Néanmoins les tensions et l’agressivité entre eux demeuraient latentes. Tout était configuré pour éviter les conflits pourtant elle repéra de multiples regards de défi entre eux et même si elles étaient rares, ils ne rataient pas une occasion de se bousculer.

Très vite, elle en conclut qu’il fallait qu’elle assiste à un combat. Elle demanda donc aux entraîneurs de les raccompagner vers la sortie.

Ils n’empruntèrent pas le même chemin qu’à l’allée. Cela raviva l’inquiétude d’Alka car leur trajectoire longeait l’arène. Alors qu’elle passait, tête baissée, tout près des combattants, l’un d’entre eux lui sauta dessus. Elle cria, certaine de ne pas pouvoir s’esquiver. En un éclair, Noway s’interposa et dévia la trajectoire du combattant. Ils chutèrent.

Quand Noway se releva, Alka s’était placé entre lui et son agresseur. Elle devait à tout prix éviter qu’il se batte devant ces entraineurs, ces chasseurs de têtes.

— Poussez-vous, maîtresse, lui intima-t-il.

Elle l’ignora.

— Rappelez votre combattant ! ordonna-t-elle aux entraîneurs.

— Pourquoi ? demandèrent-t-ils en riant grassement.

— Si vous n’avez pas la capacité de contrôler vos chiens, alors qu’ils s’apprêtent à attaquer une première ceinture, je devrais faire un rapport et vous savez ce qui se passera ! les menaça-t-elle en haussant encore le ton.

— Sauf s’il vous tue, lui siffla l’un d’entre eux, avec un regard torve.

Leur attitude la glaça d’effroi. C’était logique pourtant, elle tint sa position.

— S’il me tue, vous mourrez aussi, répliqua-t-elle durement.

Les deux hommes échangèrent un regard et parurent abandonner leur attitude de défi. Soulagée, elle regarda l’un d’entre eux sortir une commande pour ordonner à son guerrier de s’arrêter. Celui-ci opina avant de s’en aller. Elle ne lui prêta plus attention, elle n’avait qu’une hâte : quitter cet endroit le plus vite possible.

— Attention, lui murmura Noway qui se tenait derrière elle.

Le combattant revenait à la charge. Droit sur elle. Pétrifiée, elle eut l’impression que le temps s’arrêtait. Elle percevait chacun des mouvements de sa course avec une précision terrifiante. Il bondit vers elle. Aussitôt, des bras la ceinturèrent. D’un mouvement puissant, Ils l’écartèrent in extremis du danger. Pourtant, elle ne parvenait pas à détacher son attention de son agresseur. Une lueur apparut autour de sa cheville. Il fut électrocuté au moment où il touchait le sol. Il s’écroula en gémissant aux pieds de la Bullite. Sans Noway, il l’aurait écrasée.

Une fois hors de danger, Alka musela la peur terrible qu’elle venait de vivre pour faire face aux entraineurs qu’elle toisa d’un regard outré.

— Ce que vous venez de faire est inqualifiable ! J’en réfèrerai à vos supérieurs !

Elle essaya de réduire au silence la petite voix qui remarquait que ce qu’elle venait de faire était complètement irrationnel puis, tâcha d’adopter une attitude digne se son rang pendant qu’elle se dirigeait vers la sortie du ring suivie de Noway.

Dès leur retour dans leurs quartiers, elle s’installa devant son unité pour envoyer un message au Directeur des lieux en faisant mine de ne pas s’apercevoir de l’air interloqué de Noway.

Il quitta finalement la pièce sans poser de questions.

À son retour, sans préambule, il l’apostropha.

— Maîtresse, pourquoi vous êtes-vous interposée ? Ne suis-je pas sensé vous protéger, être votre garde du corps ?

Alka soupira. Il avait raison sur un point, son attitude suscitait bien des questions. Mettre sa vie en danger pour un HC relevait de l’inconscience ou de la bêtise. Cependant, après une introspection rapide, Alka avait mis le doigt sur ce qui expliquait son comportement étrange : son amitié profonde pour Maya.

Noway avait beau être intelligent et observateur, il lui manquait encore bien des clefs pour comprendre les règles complexes et implicites qui régissaient la vie des Bullites et il prenait le rôle qu’elle lui avait inventé dans l'urgence, bien trop à cœur.

— Ces entraineurs ont provoqué cet incident, Noway.

— Pourquoi auraient-ils fait ça ?

— Ils voulaient que tu te battes, lui expliqua-t-elle patiemment. Ils avaient certainement entendu parler de ce qui s’est passé à l’usine…

L’expression dubitative du HC lui apprit qu’il ne comprenait pas. L’intuition de la jeune femme lui soufflait avec insistance qu’elle aurait dû en rester là pourtant, elle poursuivit.

— Noway, tu es un excellent combattant. Mais s’ils t’avaient beaucoup abimé, Cela aurait fait beaucoup de peine à Maya.

Le regard tranchant de Noway la transperça. Il n’était pas dupe.

  • Vous croyez vraiment que ce tas de muscles sans cervelle aurait pu m’abimer ? Je vous pensais plus observatrice…
  • C’est très peu probable, admit-elle. Quand bien même, j’avais d’autres raisons. Si les entraîneurs avaient pu confirmer leur intuition, ils auraient fait une offre pour t’acheter, une offre que Maya ne pourrait peut-être pas refuser… Alors on cartographierait ton ADN et tu finirais ta vie en combattant du Dernier Cercle.

Alka baissa les yeux, consciente que son discours ne tenait pas la route.

— Je ne comprends pas. Vous venez de dire que Maya ne supporterait pas qu’on me fasse du mal. Pourquoi Maya me vendrait-elle alors ? En plus, je fais tout ce qu’elle me demande. Je lui donne mes dessins pour son travail.

— Parce qu’ils proposent généralement une grosse somme et Maya est attachée à toi mais elle n’est pas…

— N’est pas quoi ?

— Elle attend plus de toi.

— C’est-à-dire ?

La jeune femme fut tétanisée par son regard plus dur et plus froid à chaque seconde.

— Elle veut qu’on couche ensemble ? cracha-t-il, sur un ton amer.

La Bullite et acquiesça en silence.

— Pas seulement, murmura-t-elle, mal à l’aise. Elle veut une histoire d’amour… elle est tombée amoureuse de toi, elle voudrait que tu la désires et que tu l’aimes, corps et âme.

Les yeux du HC se transformèrent en trous noirs.

— Combien, avant moi, l’ont aimé corps et âme ?

— Je ne sais pas, avoua-t-elle en détournant le regard. Quelques-uns.

— Et après ?

— Elle les a vendus.

— À qui ? Une autre femme en mal d’amour !

— Au Dernier Cercle.

Alka sursauta au bruit du poing de Noway s’abattant sur la table.

— Monstrueux ! C’est monstrueux ! Ah ! Tu ne veux pas que je sois vendu maintenant ! Pourquoi ? cria-t-il hors de lui. Tu n’as pas fini de jouer avec le doudou de ta copine… Ou peut-être que toi aussi, tu veux mon ADN pour fabriquer des pseudo-combattants décérébrés ? Tu… Vous… méprisez les êtres vivants, les humains, la vie ! Mais c’est vous qui êtes méprisables ! Vous me dégoûtez, tous !

Il quitta la pièce. la porte de sa chambre claqua.

Alka resta debout les bras ballants, les yeux posés sur le vide, sidérée. Elle s’était elle-même pris les pieds dans son propre raisonnement, cette explication qu’elle trouvait si juste quelques minutes auparavant. Cela ne tenait pas ! Comme elle l’avait sous-entendu malgré elle à Noway, si Maya tardait trop à obtenir ce qu’elle voulait, elle le vendrait sans états d’âme, qui plus est pour une somme conséquente.

Pourquoi l’avait-elle protégé alors ? La réponse qui se dessinait dans son esprit ajoutée à la colère de Noway, la fit vaciller.

Elle n’avait jamais vu un HC s’adresser ainsi à un Bullite. C’était inconcevable. Si cela devait arriver, il serait aussitôt mis au rebut ou jeté dans le Dernier Cercle.

Elle savait déjà qu’elle ne le ferai pas, c’était cela qui la terrifiait le plus. Dès qu’il s’agissait de Noway, elle perdait toute rationalité.

Une grande fatigue s’abattit sur ses épaules. Lassée de se torturer l’esprit, elle se convainquit qu’elle était encore capable de retrouver un état émotionnel stable. Elle décida de prendre un sédatif et d’aller se coucher dans l’espoir de plonger dans un sommeil réparateur.

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