Chapitre 7.1 - L’archer

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Le roi d’Algrava venait de rendre son dernier souffle dans les bras de March. Il n’avait rien pu faire, la flèche l’avait touché en plein cœur, aussi rapide qu’un éclair. Une étrange énergie émanait de la flèche, alors March s’en empara et l’extirpa de la poitrine du roi. Il n’eut qu’un instant pour examiner sa pointe d’un noir ébène, car lorsqu’elle quitta le corps du défunt, elle se dissipa en une vapeur blanche que March connaissait trop bien.

Il ferma les paupières du souverain et se releva vers la fenêtre. Dans la tour opposée, l’archer était toujours là, immobile, pour s’assurer qu’il avait atteint sa cible. La tour était bien trop éloignée pour accomplir un tel coup et comme March le craignait, seule la Magie pouvait accomplir un tel prodige.

Comme pour confirmer ses soupçons, l’archer-mage tendit la main vers son avant-bras qui tenait l’arc. Une flèche à pointe noire apparut dans sa main par magie. Il banda son arc, le pointa sur March et décocha une flèche qui arriva à une vitesse fulgurante. Heureusement, March se déporta à temps pour l’éviter, mais réalisa trop tard qu’il n’était pas la cible de l’archer.

La flèche frappa une cloche posée sur la table de chevet du roi et March comprit. Le tintement de la cloche résonna dans la pièce et la porte s’ouvrit immédiatement. Un garde se présenta, croyant être convoqué par le roi.

— Votre majesté… commença-t-il avant de voir la scène devant lui.

Il se figea devant le cadavre du roi, puis scruta March, qui s’était mis à couvert au rebord de la fenêtre.

— Assassin ! cria le garde.

Il brandit son épée et se rua sur March.

— Non ! dit-il en essayant de l’arrêter.

À peine fut-il dans le champ de la fenêtre qu’une flèche lui transperça la gorge. Il s’effondra au pied de March, son sang couvrant déjà le sol.

Dans le couloir, d’autres gardes approchaient. March n’avait pas de temps à perdre. Il détroussa le garde de son casque puis le lança devant la fenêtre pour faire diversion. Une flèche transperça l’objet de métal et March en profita pour bondir par la fenêtre et se jeter dans le vide.

L’archer lança une nouvelle flèche. Le trait se dirigea vers March qui tombait en chute libre vers le sol de la citadelle. Il invoqua ses cimeterres et détourna la flèche au dernier moment. Avant de s’écraser au sol, il tendit les bras et stoppa sa descente à l’aide d’une bourrasque. Il atterrit lourdement, mais sain et sauf.

Il fixa de nouveau la tour opposée. L’archer avait disparu, et une escouade de gardes approchait dans sa direction. March comprit qu’il n’avait d’autre choix que de fuir, l’archer devait déjà être loin. Les espoirs de March de mettre la main sur les coupables venaient de s’évanouir.

Des gardes apparurent à la fenêtre d’où March s’était jeté.

— Là ! C’est lui, l’assassin ! cria l’un d’eux.

March se mit à courir alors qu’on sonnait le tocsin derrière lui. Il bondit par-dessus la muraille de la citadelle à l’aide de ses pouvoirs, de la même façon qu’il y était entré, puis s’échappa vers la ville.

Les pensées tourbillonnaient dans sa tête alors qu’il se mêlait à la populace, camoufler par le capuchon qui lui couvrait la tête.

Le roi était sa seule piste, sa seule chance d’établir la vérité. Maintenant, cette chance s’était envolée, d’un coup de flèche en plein cœur.

Il n’avait plus rien à faire dans cette ville. Au moins, les assassins avaient atteint leur but, peut-être laisserait-il March en paix s’il se cachait loin d’ici. L’unique chose qui lui restait, c’était Saira… Il lui avait promis de quitter la ville avec elle, maintenant plus rien ne le retenait. Après tout, son ancienne vie n’avait rien de bon, alors pourquoi s’entêter à lui courir après.

Il rejoignit l’hôtel miteux où Saira l’attendait et monta immédiatement dans la chambre, sous l’œil mauvais du gérant avachi à l’accueil de l’établissement. C’était un homme gras, au regard avide et intéressé qui, pour toute conversation, avait simplement grommelé à chaque passage de March. Le tricot court sali de graisse qu’il portait laissait voir le symbole d’un serpent tatoué sur son épaule. L’effigie du gang des Serpents Bruns.

March n’y prêta pas plus d’attention et rejoignit la chambre qu’il louait à l’étage. La porte était entre-ouverte. Il entra discrètement pour trouver une pièce vide. Saira l’avait abandonnée…

Il se dirigea d’un pas lent vers le lit aux draps crasseux et s’assit pour se morfondre. Quel imbécile il avait été de croire qu’il aurait pu avoir une seconde chance. Une larme coula sur sa joue. Il l’observa tomber sur le plancher craqué. Ploc.

Son regard fut attiré par une tache rouge près de la marque humide laissée par sa lame. Il se baissa pour l’examiner. Du sang. Et frais, qui plus est.

Il chercha les alentours et trouva d’autres petites traces écarlates témoignant d'une scène de violence. À en juger par la quantité, ce n’était rien de grave, une lèvre ouverte ou un nez meurtri.

Saira ne l’avait pas quitté, on l’y avait forcé !

March se leva d’un bond pour rejoindre la réception de l’établissement, du moins, la malheureuse table en bois faisant office d’accueil. Le gérant était toujours là et en voyant March approché si brutalement, il tendit la main vers une machette posée contre le pied branlant de la table. L’homme de main du gang était censé dissuader les clients de ne pas essayer d’escroquer les prostituées avec lesquelles ils venaient passer du bon temps dans l’hôtel. Les Serpents Bruns géraient les affaires du quartier et ne pardonnaient pas les mauvais payeurs. L’arme posée à ses pieds ajoutait un argument non négligeable.

Mais March n’avait que faire des conséquences. Il avait déjà la ville tout entière à ses trousses, une poignée de racketteurs n’allaient pas l’arrêter.

Il attrapa le poignet du lourdaud avant même qu’il ne puisse mettre la main sur le manche de son arme. March voulait lui faire mal, bien plus qu’il n’aurait pu se l’avouer.

Alors c’est ce qu’il fit. Le craquement des os résonna dans le hall vide, puis le gras du bide y ajouta une cacophonie de hurlement de douleurs.

— Où est-elle ? demanda March.

Il parlait calmement, pourtant, sa voix était autoritaire et forte.

— Tu vas me le payer, sale…

March le frappa à la mâchoire, tout en tenant toujours son poignet d’une main. L’imbécile lui donnait trop d’occasions de le cogner, et March avait besoin de libérer sa tension. L’hôtel n’avait qu’une issue. Si quelqu’un avait emmené Saira de force, le gérant les avait vus sortir. Il les avait même certainement aidés.

Le mastodonte sanglota en tenant sa mâchoire de sa main libre.

— Où est-elle ? répéta March, si calmement qu’on aurait dit un murmure.

— Ze… ze ne zait pas…

Pas facile de parler avec une mâchoire disloquée. Mais March n’en avait que faire.

Il tira sur le poignet déjà brisé et les hurlements reprirent. Il s’empara de la machette couchée au sol et la leva.

— Ta prochaine réponse devra me satisfaire, sinon tu peux dire adieu à ta main.

La peur envahit les yeux du gangster.

— Où est-elle ? hurla-t-il comme un fauve.

— Z‘est Arán qui l’a prize ! Pitié, laizé moi, ze n’ai rien fait !

— Où l’a-t-il emmené ?

— Là où elle payera za dette, au Petit Paradis.

March connaissait ce nom. Le lieu le plus dépravé de la ville. Un lieu où le respect de la vie humaine était facultatif.

— Pitié, lazé moi !

March le lâcha et le gros prit sa main pendante dans son bras. Il s’accouda sur la table, à bout de souffle et en sanglot.

Il avait eu son compte, pourtant March ne pouvait détourner son regard de la machette qu’il tenait dans la main. Elle le suppliait d’être utilisé.

— Oh, j’ai failli oublier ! Voilà votre arme, dit-il simplement.

Il frappa et la lame trancha la main encore valide du gérant. Cette fois, March était satisfait.

Il tourna les talons et quitta l’établissement croulant, les yeux pleins de rage et de colère.

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