Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt.

4 minutes de lecture

Ce matin, alors que les oiseaux roupillent encore sur les branches, serrés en rang d'oignon pour limiter les effets du froid mordant d'un automne qui nous emmène doucement vers les rigueurs de l'hiver, je me lève tôt. La nuit est là, les étoiles brillent en tremblottant un peu, elles aussi.
Moi, je m'en fous. Planqué derrière les épaisses vitres des baies vitrées, je dégugste mon premier café de la journée. Brûlant, trop sucré.

Et c'est avec la même gourmandise que j'actionne la télécommande de la télé. Je me branche sur les chaînes d'information, direct.

Nous sommes aux prémices d'une campagne éléctorale qui promet d'être absolument minable, violente, injuste et propagandiste à souhait. Un régal pour moi. Et si, ce dimanche, je me jette presque sur ma télé, c'est parce que j'ai hâte de savoir qui, parmi les notables, les célèbres ou les puissants est enfin passé chez Satan.

Souvent, la sanie meurt la nuit. Enfin, c'est ce que j'ai cru remarquer. C'est vrai, ils crèvent souvent la nuit. Est-ce à croire qu'ils plongent dans le sommeil pour ne plus en sortir, se dispensant ainsi de la cruauté de se savoir mourant sous les yeux de ceux qui leur survivront ? Je l'ignore, n'étant pas encore moi-même passé par là.

En attendant, je regarde la liste des infos qui défilent au bas de l'écran. C'est là qu'on annonce les disparitions moins importantes que les autres. Par défi, je m'impose de ne pas lire les bandeaux principaux, ceux dont la propagande d'état voudrait me gaver. Curieux paradoxe d'une presse audiovisuelle que je m'acharne à lire, pendant que les journaux imprimés se démènent pour survivre en vidéo... Faut dire que tous ces apôtres journalistes prêchent leur Bonne Parole, celle édictée par les magnats qui les emploient ou, plus directement encore, par le gouvernement. Le comique de la situation, c'est que tous ces émissaires parlent en même temps, débattent, argumentent avec véhémence, voire avec une hargne digne d'un dictateur en plein délire, et que tout ceci ne forme plus qu'un immense brouhaha qui rend tout inaudible, incompréhensible. Ils ont tous la Bonne Parole, mais c'est jamais la même, ce qui surmultiplie la chose, la rendant plus stupide encore.
Bref, ils me saoûlent, tous ces cons. Même les moins vénéneux des journalistes, à savoir les tordus de la météo.

C'est le même carnage quotidien : une quizaine de malheureux éparpillés sur les murs de terre séchée d'une ville orientale. Une bombe artisanale, comme il convient de dire. Pourtant, quand l'artisanat arrive à un tel niveau de production, on finit par se dire que les artisans sont tous en costards cravate et qu'ils produisent leurs bombes à la cadence d'une Citroën française construite en Chine... Ensuite, quelques brèves qui tentent depuis des semaines de faire la lumière sur un fait divers dont tout le monde se branle. Encore des nouvelles qui n'en sont pas et puis rien d'autres. Bon... Tant pis. Je me résouds à lever les yeux d'un cran.

Le dégoût me prend quasi instantanément. Gros caractères noirs sur fond d'un large bandeau blanc. Campagne électorale qui fait marcher le commerce des journalistes mais qui me prend rapidement la tête... La gonzesse de Gauche qui n'arrive pas à décoller dans les sondages fait l'objet des soins les plus attentifs des journalistes. Ensuite, ils parleront probablement de Zemmour, du candidat de la Droite et, pour bien me foutre la gerbe, me refileront deux ou trois combines pour limiter les dégâts sur ma consommation de gaz et d'électricité.

Bon, rien à espérer de ce côté-là non plus, ce matin. Je dois donc me fader les commentaires des journalistes propres sur eux qui se réjouissent bêtement de me retrouver face à eux, privé de parole. J'ai toujours le sentiment de n'être qu'un malheureux taureau au centre d'une arène où une foule toujours plus compacte de cyniques et d'enfoirés s'amusent à agiter des chiffons rouge pour me rendre fou. Débats qui confrontent des idées définitivement incompatibles, comme pour mieux me faire comprendre qu'on ne pourra jamais mélanger l'huile et l'eau. Propos absurdes assenés par des cons qui, à force de parler pour ne rien dire, n'ont plus d'autre solution que de lancer anathème sur anathème, obscénité sur obscénité, sacrilège sur sacrilège. Triste profession, en fait. Je ne voudrais pas être à leur place, sous les feux colorés des plateaux où ils se battent au quotidien pour mieux affadir le monde, le rendant toujours plus hostile à la vie humaine.

Rapidement, je constate que personne de célèbre n'est claqué dans la nuit. Dommage, ça en aurait fait un de moins sur Terre. Demain, peut-être ? Un peu dépité, je me rends dans mon bureau.

La sérénité revient bientôt. Les idées aussi. Je laisse errer mon esprit à la pêche d'une idée un peu iconoclaste, histoire de me faire rire un peu.
Et en voici une que je me promets de creuser un jour prochain pour en faire une histoire noire et sarcastique. Juste une idée, rien d'autre.

Les morts du dimanche matin meurent malgré eux pour mieux servir une campagne en mal d'électeurs convaincus. Les politiciens, avides de se faire élire pour mieux desservir leur nation natale ou pas, tueraient les célébrités vieillissantes pour, ensuite, se lancer dans d'émouvantes homélies fédératrices...

Héhéhé... Je sens que je vais m'amuser comme un petit fou. Heureusement que tout cela ne paraîtra jamais nulle part.  De toute manière, je m'en fous : tôt levé ce matin, le monde m'appartient !

Vive le dimanche à la campagne.




Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Frédéric Leblog ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0