Le samedi 3 décembre 2502 à 16h25

J’adore ça. Sentir le vent dans mes cheveux. L’air sur mon visage. Les mouvements du cheval au galop. Voir les paysages défilés, plus ou moins sauvages. Tout oublier. Il y a juste Lazarus et moi.

Mais mon rêve s’arrête vite. J'aperçois au loin les grands batiments blancs du centre équestre. Ces batiments abritent les box des chevaux qui en ont un, c'est-à-dire les chevaux de haut niveau, ou les plus fragiles. Mais Lazarus n'en a pas, il ne supporte pas d'être enfermé...

« Mais arrête de nous semer comme ça ! Tu sais bien qu’en ce moment Perle est fatiguée ! Déjà que Lazarus est super rapide… s'exclame Mia, ma meilleure amie, lorsqu'elle arrive à mon niveau.

-Eh ouais ! Mais c’est mon cheval. Et ne te plains pas, tu vas avoir un poulain !

-Ouais ben c’est aussi beaucoup de boulot… râle Mia.

-Donc une bonne excuse pour venir au centre.

-… et je ne pourrais pas la monter !

-Ok, je te l’accorde. Mais je te prêterai Lazarus ! » Mon cheval hennit pour montrer son mécontentement.

« Ok, pas sûr qu’il soit d’accord… traduis-je.

-Ne t’inquiète pas, il y a d’autres chevaux géniaux au centre, dit mon amie en rigolant. Bon, on rentre?

-On est obligée…

- Ne t’inquiètes pas, on a encore plus d'une demi-heure pour panser nos chevaux avant que ta mère arrive," me dit Mia pour me détendre.

Mais, alors que nous allons repartir, une voix s'exclame derrière nous:

"Eh les filles ! Vous montez ou vous discutez ?"

Surprise, nous nous retournons et voyons Ambroise, le fils du propriétaire du centre. Il a de beux cheveux crépus et une belle peau noire qui fait ressortir ses yeux bleus. Je rêve d'avoir la même depuis toute petite! C'est sur qu'elle est mieux que ma peau blanche qui rougit au moindre rayon de soleil... Mais bon, j'aime bien mes cheveux roux et mes yeux couleur noisettes.

Malgré l'éloge que je viens de lui faire, je ne suis pas du tout amoureuse d'Ambroise: c'est mon ami d'enfance, ce serait presque comme si je tombais amoureuse de mon frère...

" C'est dommage, tu es arrivé un peu trop vite, on allait partir pour t'éviter..." lui répond Mia.

Si Ambroise et moi sommes complètement opposés au niveau du physique, Mia est un mélange de nous: sa peau légèrement matte et ses longs cheveux bruns sont magnifiques! Mais bon, c'est ma meilleure amie, alors je ne suis pas sûre que mon avis soit très objectif...

" Bon, on a qu'à faire la course, au moins je vous sèmerai et vous n'aurez plus besoin de m'éviter... dit Ambroise en lançant Adrien, son cheval, au galop.

- Tu vas le regretter!" dis-je en lançant à mon tour Lazarus au galop.

Je dépasse mon ami, Lazarus s'arrête devant la stabue, un grand hangard recouvert de pailles où les cavaliers comme moi, dont les chevaux n'ont pas de box, s'installent pour le brosser et le seller avant de le monter. Puis je me retourne et voit Ambroise s'arréter derrière moi.

"Bon alors, c'est qui la meilleure? dis-je d'un air moqueur.

- La meilleure, c'est vite dit, ton cheval est un descendant des mustangs sauvages, bien sûr qu'il est rapide!

- Je pensais qu'Adrien était un cheval de compétition, il n'est donc pas censés être rapide? je répond aussitôt.

- Bon, ok, un point pour toi, dit mon ami en rigolant. D'ailleurs, elle arrive, Mia?

- Je ne pense pas qu'elle fasse galoper Perle, elle est fatiguée en ce moment.

- A cause de sa grossesse?

- Le vétérinaire ne sait pas exactement. Normalement, les juments sont un peu fatiguées pendant la grossesse, mais d'habitude, ça ne commence pas avant le 6ème ou 7ème mois, alors que Perle n'en ai qu'au début du 5ème. Mais comme c'est sa première grossesse, cela doit sûrement être ça, je lui explique alors que Mia arrive.

- Vous parlez de quoi? demande-t-elle.

- De ta jument, lui répond Ambroise. Bon, on va déseller nos chevaux?

- Bonne idée, allez dans les box, on se rejoint tout à l'heure", je lui réponds en descendant de mon cheval.

Adrien étant un cheval de compétition, il a un box en permanence, mais Perle n'en a un que provisoirement parce qu'elle est enceinte. En effet, Perle appartient à Mia, (comme Lazarus m'appartient) mais elle (comme Lazarus) vit au centre équestre: ces parents doivent donc payer une pension (son père étant ministre, il en a les moyens...) Mais, le box étant un coût suplémentaire, ses parents préfèrent garder l'argent pour autre chose, ce que je comprends totalement. Et puis, les chevaux sont également bien dans les prés, même s'ils sont moins abrités de la pluie, il y a un petit abri dans chaque pré pour cela.

Lazarus de retour dans son pré, je rejoins mes amis au "quartier général", la salle principal du centre équestre. Elle n'est pas très grande et a un style un peu vieux que j'adore! Les murs sont en brique, de vrais briques! Les médailles et les diplomes du club sont accrochés un peu partout, accompagnés de quelques photos pour compléter le tout.

La pièce est composée de trois parties: la première, sur la droite en entrant, est le bureau où les parents d'Ambroise accueillent les nouveaux arrivants et s'occupent de l'administration. Juste après se situe la cuisine, avec un grand frigo, un lavabo, un plan de travail et un micro-ondes. Cette cuisine sert durant les stages d'équitation qui ont lieu pendant les vacances: les enfants (ou pas, je viens également souvent pendant les vacances) arrivent le matin et repartent le soir, après deux séances d'équitation d'environ 3h. Ils restent en général manger le midi et aident à s'occuper des chevaux. Pour finir, le reste de la pièce est occupé par un coin salon avec un canapé, trois fauteuil plutôt confortable, et une table basse. Il n'y a pas de table pour manger, nous mangeons souvent dehors où il y a des tables de pique-nique.

Je m'affale sur le canapé à côté de Mia.

"Sinon, vous venez au laser games demain? nous demande Ambroise en nous servant un verre d'eau bien frais sortant du frigo.

- Non, je ne peux pas, je dois réviser mes cours d'économie, je réponds.

- Sérieusement? s'étonne Ambroise. Mais on s'amuse comme des fous au laser games! J'espère au moins que tu viens Mia...

- Oui, ne t'inquiète, je suis loin des 9 de moyenne d'Emma en économie..." répond mon amie alors que je lui tire la langue, provoquant un fou rire chez mes amis ( au fait, c'est moi Emma).

" Tu n'as qu'à dire que tu viens au centre d'occuper de Lazarus! s'exclama soudain Ambroise, pensant avoir une idée de génie.

- Si seulement c'était si simple... Tu croies vraiment que je n'y ai pas pensé? Mais mes parents m'autorisent seulement deux sorties équitation par semaine, une heure le mercredi et deux heures le samedi après-midi.

- Mais c'est horrible! s'ecrit Ambroise, toujours sous le choc.

- Ne t'inquiètes pas, je vais la faire bosser et sa moyenne remontera très vite," nous dit Mia.

C'est alors que nous apercevons ma voiture arriver. Les voitures sont électriques et autonomes, elles n'ont pas besoin de conducteur mais, même si elles peuvent se déplacer vide, il est préférable qu'il y ai quelqu'un dedans, surtout lorsque l'on quitte la ville, des animaux pouvant débarquer sur la route de manière imprévisible.

« Salut les filles ! Bonjour Ambroise ! s'exclame ma mère en sortant de la voiture.

-Bonjour madame ! lui répondent mes amis.

-Salut maman.

-Mia, je te ramène ?

-Ce serait gentil, merci. A demain, dit-elle ensuite en se tournant vers Ambroise.

- A demain, répond-t-il, et à mercredi Emma.

- A mercredi, et amusez-vous bien demain", dis-je en fermant la portière de la voiture.

Mia et moi habitons dans le même immeuble, c'est pour cela que ma mère la ramène. Ce sont d'ailleurs souvent ses parents qui m'amènent au centre équestre.

Nous roulons environ un quart d’heure. L’inconvénient d’aimer les chevaux, c’est que les centres équestres sont hors de la ville… Mais pour moi, ça en vaut la peine. Durant le trajet, Mia et moi tentons en vain d'expliquer quelques trucs sur les chevaux à ma mère, mais elle ne s'y connait tellement pas que je la considère comme désespérée dans ce domaine... Mais bon, elle a d'autres points forts.

Puis nous arrivons en ville. Elle est cachée sous un dôme afin de la rendre invisible et de ne pas gâcher le paysage de la campagne. C’est aussi une mesure de sécurité car les autorités peuvent ainsi rendre la ville infranchissable. Cette fonctionnalité a été inventée durant la guerre nucléaire. Elle a fait environ deux milliards de morts, mais ces dômes ont limité les dégats. On peut croire que c’est beaucoup, mais nous sommes encore 10 milliards d’êtres humains sur Terre... Bien sûr, il y a en plus tous les dégâts sur la nature, mais elle est plus résistante que nous, et revit petit à petit. De plus, nous ne la polluons plus aujourd'hui, ou très peu, contrairement à la pollution en augmentation continue autrefois...

Pour y rentrer, la voiture s'arrête automatiquement à quelques mètres du dôme. Nous connaissons l'endroit exact où elle s'arrête, mais cela sert qu'elles s'arrêtent seules pour les touristes, même s'ils sont peu nombreux. En effet, à cause de la guerre nucléaire, toutes les villes se ressemblent plus ou moins, les vestiges anciens ayant pour la plupart étaient détruits. Mais certaines villes restent attractives en étant à côté de merveilles naturelles comme la mer, la grande barrière de corail en Australie (qui a réussi à renaitre malgré sa destruction dûe au réchauffement climatique), la montagne et ses pics enneigés...

Une fois arrétées, un scan vérifie que nous n’avons aucun microbe. Une fois, j’ai attrapé la gastro. Avant même de m’en rendre compte, j’ai été amenée dans un hôpital et mise en quarantaine une semaine (jusqu’à être complètement guérie) … Bref, si le contrôle est bon, alors une ouverture se forme dans le dôme et nous pouvons rentrer.

La ville est composée de grands immeubles, haut de plusieurs centaines de mètres. Le plus haut, qui abrite le conseil des députés, mesurent 3km !! Tout le monde vit dans un appartement, mais ils sont très spacieux : ils font environ 100m² chacun ! Il y a aussi des centres commerciaux, des parcs d’attractions, des musées, des salles de sports… Tout ça dans des immeubles pour économiser de la place. En effet, j’ai lu qu’autrefois les hommes prenaient de plus en plus de place sur Terre et détruisaient tout, surtout l’Amazonie pour faire des cultures. Beaucoup d’espèces mouraient à cause de la pollution. Mais aujourd’hui, tout ce que nous consommons vient de forêt ou de champs pas loin de chez nous, gérés durablement, nous n’utilisons plus d’engrais chimiques, nous ne détruisons plus aucune forêt car, avec les nouvelles villes, la place ne manque pas. Et, pour l’énergie, nous n’utilisons plus de pétrole (qui a presque entièrement disparu de la planète) mais l’énergie solaire, hydraulique et éolienne. Je m’explique : les immeubles étant très hauts, lorsqu’il pleut, l’eau est contenue dans des gros bassins sur les toits. Puis, lorsque l’on a besoin d’électricité, l’eau tombe des immeubles sous forme de grandes cascades : c’est juste MA-GNI-FI-QUE ! Quant aux énergies solaires et éoliennes, elles dépendent plus de la météo. Les éoliennes sont également placées en haut des immeubles, afin d’être exposées au vent, qui souffle pratiquement en permanence là-haut ! Les panneux solaires sont positionnés aux niveaux de l'eau que nous utilisons pour l'immeuble. Les panneaux solaires perdant beaucoup d'énergies en chaleur, cela permet de les refroidir afin de produire encore plus, et de chauffer l'eau pour notre usage quotidien.

On pourrait penser que ce monde n’a pas que des avantages, qu’il a aussi des points faibles, des gens qui vivent dans la pauvreté la plus totale. Mais non. Il y a certes un quartier pauvre dans la ville. Enfin, pauvre… Ce n’est rien comparé aux bidonvilles d’autrefois. Les gens vivent quand même sous le dôme, ils ont juste des appartements plus petits et n’ont pas toujours la dernière technologie : mais ils ont tous à manger et accès à l’éducation ! Je ne fais moi-même pas partie des plus riches, même si ma famille est plutôt aisée, et je vis très bien! Je sais que cela peut paraitre bizarre que je dise ça alors que je vis dans le même immeuble qu'un ministre. Mais l'appartement de Mia doit être environ deux fois plus grand que le mien, et elle voyage beaucoup plus (même si elle m'emmène parfois avec elle).

Certaines personnes, les agriculteurs par exemple, vivent à la campagne, comme Ambroise dont les parents possèdent le centre équestre. Mais, grâce aux satellites, ils ont une connexion internet (presque) aussi bonne que celle de la ville. Ils n’ont juste pas tous les commerces de proximité…

Certains jours, j’aimerai bien y habiter pour faire plus d’équitation. Mais sans compter le fait que je ne pourrai plus faire les vitrines aussi souvent, c’est très dur d’obtenir un permis pour habiter à la campagne. En effet, les gens s’étalaient de plus en plus et la nature avait de moins en moins de place. Le gouvernement a donc décider que seules les personnes travaillant à la campagne pouvaient y vivre. Et je ne pense ni devenir agricultrice, ni propriétaire d’un centre équestre…

Lorsque nous arrivons devant notre immeuble, la voiture s'arrête et nous laisse le temps de récupérer nos affaires dans le coffre. Puis elle part, seule, se garer dans la parking sous l'immeuble.

Nous montons dans l'ascenseur. Ce dernier est sur le côté de l'immeuble et entouré de vitres, nous permettant d'avoir une vue superbe. J’y suis un peu habituée à force de le prendre tous les jours, mais ça m’émerveille à chaque fois… D’ici, je vois le jardin des fleurs. C’est le seul de la ville. Il est magnifique : il possède des millions de plantes diverses et variées, et autant d’insectes. Les gens y vont pour profiter de la nature lorsqu’ils ne veulent pas prendre la voiture, puisqu’il faut faire beaucoup de kilomètres avant de quitter les champs.

J’adore vraiment y aller. Il y a de grandes allées pour marcher, mais aussi pleins de lieux ombragés, juste pour se poser et se détendre. Sans oublier les nombreux marchands de glaces, gaufres, crêpes et fast food… Ce lieu est vraiment magique.

Juste derrière se trouve le centre commercial où mes amies et moi allons souvent. C’est pratique que les deux soient à côté, pour finir une bonne journée de shopping par une bonne glace au parc...

En arrivant au troisième étage, où se trouve mon appartement, ma mère et moi sortons en disant aurevoir à Mia, qui habite deux étages plus haut. Mon père et mon soeur ne sont pas là, mon père est surement parti la chercher à son cours d'escrime.

"Allez, prends une bonne douche puis va réviser. Tu pus le crottin! me dit ma mère en rigolant.

- A vos ordres, chef!" je lui réponds sur le même ton.

Je pose mes chaussures dans l'entrée, puis, en passant par ma chambre afin de prendre un jogging et un sweat, je vais dans la salle de bains. Ces vêtements ont été inventés il y a environ 500 ans, mais ils sont tellement confortables que nous les portons toujours. Et puis, contrairement au jean qui existait également à cette époque, leur fabrication n'est pas trop polluante...

Ma salle de bains est composée d'une douche- baignoire, même si nous utilisons très peu la baignoire, qui consomme beaucoup d'eau. Il suffit de dire la température que nous désirons pour que la douche la mette automatiquement.

Un lavabo qui détecte la présence des mains est également présent dans la salle de bains. C'est pratique pour économiser de l'eau et ne pas avoir à passer son temps à appuyer sur des boutons. Un placard dans lequel nous rangeons nos affaires se situe sous le lavabo.

Pour finir, il y a un tuyau dont le trou est masqué par petit volet roulant de la même couleur que les murs dans lequel nous jetons notre linge sale. Il va directement aller dans une machine à laver, qui se lancera automatiquement, la nuit car la consommation d'électricité est moins grande, lorsqu'elle est pleine. Puis, le matin, la femme de ménage de l'immeuble s'occcupe d'étendre notre linge. Mais c'est à nous d'aller le récupérer et de le mettre dans notre bac de repassage si besoin.

Je m'apprête à poser le sytème qui me permet d'écrire tout ça quand je me rends compte que je ne l'ai pas décrit! Bon, je vais le faire, assise dans ma salle de bains, avant d'aller à la douche.

Je me sers donc d'un dispositif que j'accroche au niveau de ma tempe et qui retranscrit à l'écrit les signaux électriques que sont mes pensées. Je peux le désactiver mais en général, lorsque je ne veux pas m'en servir, je le pose. Il ne retranscrit pas toutes mes pensées (ce serait un désastre sinon) mais seulement celle que je formule, les plus claires. En gros, je pense ces phrases dans ma tête et le piensus (c'est le nom de ce système) l'écrit. Parfois, mes pensées ne sont pas très claires, alors les phrases paraitront un peu bizarre, mais bon tant pis. Il peut également, selon le mode que j'active (il me suffit d'appuyer légèrement dessus) écrire les actions que je suis en train de faire. Bien sûr, il enregistre la date et l'heure à laquelle j'écris.

Si un jour quelqu'un lit mon journal, il se demandera sûrement pourquoi j'explique tout cela: justement pour qu'il soit lu. Vu comme l'homme a évolué, je me dis qu'un jour, la société que je connais disparaitra, et ce journal (si les scientifiques ou historiens arrivent à le lire) sera peut être une des seules choses qui restera de notre société actuelle. Alors je serai Emma, la fille au journal! Je veux vraiment qu'une trace de notre société reste dans le temps, car pour moi, elle est juste parfaite.