Le raid de trop
3781.
Aussi dénommé "Raid de la mule" - Lang. pop.
Guerre de mille ans (aussi dénomée abusivement "Guerre éternelle" - Lang. pop.).
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L'éclaireur revint en se fondant dans les bruits ambiants. Il réintégra l'esprit de la horde dès qu'il le pu.
Partage niveau Horde. A 500 mètres derrière le repli de terrain sur la gauche. 57 piétons en formation serrée se dirigent vers nous. Contact auditif estimé 300 secondes. Destructeurs en début de mission "terre brûlée" - indice de probalité 4.9. Armes défensives possibles. Vivre possible. Butin probable. Accès boueux et étroit. Formation recommandée : carré de 8 lignes sur 5 de face, espace de 1.3 croupes entre les lignes. Intensité recommandée : trot allongé en fin de charge (150 mètre), Amble 50 mètre avant contact. Indice de danger estimé 3.9. Fin de message. Auto-dissolution et assimilation niveau Horde.
La décision fut immédiate et unanime malgré l'infériorité numérique. Depuis trop longtemps ils erraient sur ce territoire, sans rien à se mettre sous la dents, sans rien à piller, sans rien à collecter. Les piétons, les "deux-pattes" pour utiliser le sobriquet habituel des troupes sur le terrain, appliquaient tous, avec méticulosité, la politique de la terre brûlée. Tout était détruit, tout anéanti, tout réduit en poussière, tout saccagé.
Plutôt que de demander une exfiltration honteuse sans aucune prise de guerre ni fait d'arme intéressant , un baroud d'honneur s'imposait. Plus encore, semblait indispensable.
Données techniques :
Pas : 3,88 m/s
350 m : 1 min 30 secondes.
Trot : 7 m/s
150 m : 21 secondes
Amble : 12 m/s
10 derniers mètres : 1 seconde.
A moins qu'ils ne soient des soldats aguerris, la charge devait être une totale réussite - probabilité supérieure à 98% - malgré la faiblesse numérique de la horde et les incertitudes de terrain. Et même dans le cas contraire, l'effet de surprise étant acquis, la prévision restait bonne : 83. L'IA confirma la décision.
Le carré se format rapîdement en silence, les plus expérimentés formant le périmètre pour cerner ceux qui présentaient un risque de défaillance toujours possible. La peur, la volonté de survie, une panique incontrôlable, tant de facteurs émotionnels qui pouvaient générer un refus d'engagement, une tentative de fuite... désertion punie d'une mise à mort immédiate par les encadrants, quelque soit la raison.
Une minute et trente secondes plus tard la horde tournait à gauche, débouchait sur le chemin boueux, entrait en contact sensoriel avec le groupe compact des Destructeurs, passait au trot.
Encore 22 secondes.
Croupes contre croupes, poitrails fiers, mécanique sans faille de muscles, de vibrations, de sueurs, l'esprit de groupe déferla sur les combattants, la cadence sonore se faisant l'écho de la volonté impitoyable de destruction qui les animait. Cependant que la peur, terrible, irrépressible, s'infiltrait dans chaque conscience, au même rythme ; face cachée et obscure de toute charge ; course avec soi-même, avec la mort, à l'issue incertaine.
1 seconde.
La première rangé s'empala sur les lances déployées par les Destructeurs. Mais l'impact irrésistible du choc sépara et disloqua la masse des piétons. Une fois la horde passée dans leurs rangs, elle devait faire demi-tour le plus rapidement possible pour anéantir les hommes dispersés, vulnérables tant qu'ils ne s'étaient pas regroupés.
Moment délicat remarqua l'IA. D'autant plus qu'ils se trouvaient dans un goulot étroit entouré de deux grands talus de terre. Une configuration idéale pour une embuscade, comme une putain de simulation parfaite. Piégé ! Merde, se dit l'IA en activant son programme de destruction prévu dans ce cas de figure.
Privé de son soutien, les Centauriens étaient devenu plus lent, désorganisés, sujet à la panique et à l'effroi. Les humains planqués dans les talus firent ce qu'ils devait faire.
Le message reçu ce jour-là par l'état major de la confrérie des Bayards Blancs est connu de tous les écoliers de France et de Navarre (encore une expression impossible de Mgr Mirellebo) : "Mission Mule accomplie. Succès implantation. Activation de Gabriel dans 314 micro-temps univers. Gloire et fourberie ! Bayard vaincra !"
Le silence s'était finalement imposé. La fureur sonore des combats lui laissait la place libre et la terrible mélodie se terminait sur le massacre prévu.
-"Combien de morts, Ivan ?"
-"45% de perte, sergent."
-"Combien, Ivan ? Je te demande combien d'hommes sont morts ? pas de pourcent, j'en ai rien à foutre de Pourcent, je le connais pas Pourcent. Il n'a pas de parents Pourcent, pas d'enfants, personne qui lui soit cher, qui compte sur lui, il est personne Pourcent !"
Ivan et le sergent se connaissaient depuis longtemps. Ils s'appréciaient, différement, mais il y avait du respect. Ivan ne lui tiendrait pas rigueur de son saut d'humeur.
-"33 en comptant ceux qui ne survivront pas."
-"Merci doc."
33. Moins que la statistique prévisionnelle de l'IA. Les IA et leur stat. Un grand amour de merde qui les empêchait d'être au monde, de le sentir, de le vivre. Comme les malades qui le dirigeaient et qui ne juraient plus qu'a travers elles. 33 lettres à écrire. 33 face à face avec ceux qui attendaient à l'arrière le retour du fils, du père, du... Plus tard...
Le scientifique binoclard psychopathe spécialement détaché pour la mission auprès de la brigade examinait les centauriens un par un.
-"Sergent, j'ai un candidat convenable." lui dit-il sans le regarder "Vous pouvez finir les autres, certains sont toujours en vie. Gravement blessés pour quelques uns mais vivants."
Le silence ne s'était pas encore totalement imposé au fond.
-"Magnus, t'as entendu ?"
-"Oui Sergent, on s'en occupe."
Cette manie de Magnus d'utiliser le "on" pour dire "je". Se maintenir à l'écart. Ne pas s'impliquer. Laisser les darons donner les ordres. Surtout les plus barbares. Juste obéir. Bon gars Magnus. Ferait pas de mal à une mouche. Sauf si je lui demandais de lui arracher les pattes une par une et pour finir de la bouziller. Bon gars Magnus.
Le scientifique binoclard psychopathe insérait une espèce de tuyau, vivant semblait-il, sous l'oeil du centaurien, vivant lui aussi, à priori.
-"Hé Prof, vous faites quoi ? Vous l'avez endormi au moins ? Une dose de cheval j'espère ? Qu'il ne se réveille pas et ne foute pas la merde dans ma brigade ?"
-"Vous ne croyez pas si bien dire, sergent. Un centaurien c'est comme un cheval avec un buste d'homme. Je connais bien leur anatomie et leur métabolisme. Trois ans de deuxième bureau section Études Spé en zone protégée à les étudier. Aucune chance qu'il ne retrouve la conscience avant 48 heures. Pas d'inquiétude à avoir. Dans une grosse heure la petite merveille que je lui injecte aura pondu à la base de son cerveau un Inconscient Artificiel qu'il ne remarquera jamais. Une fois à maturité, il nous transmettra toutes les informations auquelles ce centaurien aura accès. Peut-être même qu'on pourra le manipuler. Un peu. En tout cas influencer ses décisions. Une espèce de taupe Alienne. Ou plutôt une mule. Bestiaire mise à part, on a gagné la guerre sergent !"
-"Ouaip." A quel prix ? "Vous lui avez donné un nom à votre bébé IA ?"
-"Gabriel. Comme l'archange."
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