JOURNAL D'ALBA, MALFAISANTS

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Il avait 36 ans et il cultivait des pêches avec sa famille, avant.

Maintenant, je sais aussi ce qu'il faisait dans la forêt. Et ce qu'il m'avait raconté n'avait rien de rassurant :

Il travaillait dans son verger, à Ille-sur-Têt, quand il avait entendu des cris de détresse, des cris de femmes. Sa mère et sa sœur. Il s'était précipité derrière la grange et les avait trouvées aux prises avec deux hommes qui tentaient de les emmener de force jusqu'à leur véhicule. Avec son père arrivé rapidement, ils avaient réussi à les mettre en fuite.

La ferme familiale n'étant plus sûre et difficile à défendre, ils avaient décidé de s'installer dans les montagnes, chez la mamé*.

Llordat, retourné chercher ce qu'ils n'avaient pu emmener au premier voyage, avait été capturé par les deux hommes, revenus solidement armés. Ils l'avaient emmené dans une sinistre bâtisse, au milieu des collines, où étaient retenues cinq femmes, toutes d'environ trente ans.

D'après ce qu'elles lui avaient dit, les plus âgées avaient été emmenées ailleurs. Là, ils l'avaient brutalement interrogé pour savoir où se cachait sa sœur, Llucià. Il avait tenu bon.

Plus tard, la nuit venue, profitant d'un moment d'absence de leurs geôliers, les femmes laissées libres dans la grange l'avaient détaché et, remerciant l'énergie que lui avaient donné les travaux de la campagne, il avait réussi à forcer la porte.

Alors qu'ils s'enfonçaient dans les bois de chênes verts proches, ils avaient entendu leurs gardiens se lancer à leur poursuite. La terreur avait éparpillé le petit groupe, chacun fuyant au hasard entre les troncs et les buissons touffus et griffus, sous la lumière lunaire. J'imaginais le cauchemar...

Il avait entendu deux détonations qui ne lui avaient laissé aucun doute, et deux autres plus tard. J'espèrais que la cinquième femme avait réussi à leur échapper.

Il m'avait raconté ça, plein de rage, ajoutant qu'il allait retourner là-bas et tuer ces ordures. Je n'avais rien dit, je comprenais... Ces hommes sont des malfaisants...

Aujourd'hui, Llordat s'est levé. Il a enfin pu prendre la douche dont il rêvait. Parfois il est étonnant de constater comme il faut peu de choses pour se sentir bien. Il en est ressorti radieux et nous avons fait le tour de la maison, lentement, en silence, paisibles, bras dessus, bras dessous. Nous n'occupons qu'une pièce alors que la bâtisse en comporte quatre. Les autres sont vides, et puis il faudrait chauffer, mais je veux économiser la réserve de bois pour cet hiver. Je ne sais pas si je trouverai du carburant pour la tronçonneuse. De toute façon, ça fait trop de bruit et mon instinct me conseille la discrétion.

* Terme de patois pour la mère-grand.

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