ILÉA TREMBLE

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Depuis quelques semaines, Iléa se sentait menacée. Ça avait commencé par un sentiment diffus d'inconfort malgré un début d'automne idéal. Elle avait ramassé les noix, les noisettes, le cynorhodon. Elle avait rentré les citrouilles, puis l'inconfort s'était mué en inquiétude, la faisant, à tout moment, regarder par dessus son épaule pour s'assurer que personne ne la suivait.

Finalement la peur était arrivée sans crier gare, au détour d'un chemin, à la nuit tombée. Elle s'était soudain trouvée face à une ombre. Prête à fuir, le cri au bord des lèvres, elle avait reconnu la voix de Roman avec soulagement. Il s'était excusé, gêné, autant qu'elle. Elle s'était excusée aussi, le cœur glacé, les mains tremblantes, les tempes serrées dans un étau.

La voyant ainsi troublée, il l'avait raccompagnée jusqu'à sa petite maison, à la lisière des bois.

— Te voici chez toi, Iléa.

— Merci, Roman.

— Si tu as besoin d'aide pour quoi que ce soit, ou si tu as des ennuis, tu peux compter sur moi.

— J'apprécie ta proposition, mais je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. Je suis juste inquiète.

— Tu sais où me trouver...

— Oui, merci. Je vais rentrer. J'ai besoin de réfléchir.

— D'accord. On se verra à la foire de toute façon. Je te quitte en paix.

Il lui avait caressé la joue et s'était éloigné sans se retourner, de son pas régulier dans la pénombre. Elle était rentrée avant de ne plus l'entendre et resta quelques instants immobile, goûtant le silence et la fraîcheur de la pièce, retrouvant ses odeurs familières.

Elle frissonna. Le feu était éteint, l'âtre froid, sans la moindre braise. Elle était restée absente plus longtemps que prévu. Elle fit un petit bûcher de brindilles et de feuilles sèches dans le foyer et tendit les mains au-dessus. Plusieurs minutes d'intense concentration lui furent nécessaires pour que naisse un minuscule point rouge sur un brin de mousse, qu'il se propage lentement poussé par son souffle léger jusqu'à ce que la pièce soit enfin éclairée par de belles flammes.

Alors seulement elle se releva et aperçut, par la porte restée ouverte, une mince silhouette qui s'éloignait rapidement. Ne voulant pas céder à l'inquiétude, elle ferma et se fit une tisane avec quelques brins des diverses plantes ramenées, enroulées dans un carré d'étoffe.

À la lueur d'une chandelle, elle découvrit, avec stupeur, l'étrange reflet de l'Autre Elle, dans la vitre et détailla avec curiosité ses cheveux hirsutes, emmêlés de brindilles et de terre, son visage barbouillé de poussière, sa robe déchirée par les ronces, ses jambes griffées, ses pieds nus et boueux. Elle avait maigri, aussi.

Partie pour quelques heures de cueillette, elle avait dû rester dans la forêt plusieurs jours. Son vêtement oté avec nonchalance, elle but sa tisane brûlante au coin du feu, enroulée dans une couverture.

Ce n'était pas la première fois qu'elle perdait le fil du temps au milieu des Grands Bois, mais ce soir, elle ne se rappelait pas ce qu'elle avait pu faire après les quelques heures passées en compagnie de Serena.

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