LE VOYAGEUR S'INSTALLE À CAMPO

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Le Voyageur avançait sans totalement reconnaître les lieux. Le Tremblement de terre avait modifié le paysage. Une énorme masse rocheuse s'était détachée du pic et avait glissé vers le lac qui lui semblait plus grand que dans son souvenir. La grande faille dont avait parlé l'ivrogne devait être cette entaille qu'il apercevait à la lumière de la lune, sur le flanc de la montagne.

— Que dit La Rumeur ? Garde un œil derrière toi...

Une chance que la nuit ait été claire, sinon, il aurait eu du mal à retrouver le chemin, ce qu'il en restait, autant dire quasi rien. Il avançait ouvrant un sentier à la machette. Il la portait en permanence au côté, depuis son départ, arme et outil. C'était probablement son bien le plus précieux. Son bras taillait et coupait avec force et régularité. Il avançait. De temps à autre, un animal détalait, agitant le fourré. Cette région était giboyeuse. Il se rappela être venu y chasser, très longtemps auparavant.

Chaque heure, il s'accordait dix minutes de pause et quelques gorgées d'eau. Un hibou hululait au loin. La forêt bruissait sous le vent. Il serait bien resté là pour l'éternité, laissant son corps se mêler doucement à la terre.

Bouge toi ! gronda La Rumeur.

Alors, il se releva, et repartit au même rythme régulier. Il ne se posait pas de questions. Depuis des mois, il obéissait à cette force qui l'entraînait, chaque jour plus loin, à travers ruines, forêts et routes, dans une fuite en avant qui lui avait fait du bien. Les cris dans sa tête avaient diminué d'intensité.

Malgré la fatigue, il marchait et taillait, tombait et se relevait, obstinément. La nuit était aux deux tiers passée quand la lame de la machette heurta de la pierre, à hauteur d'homme. Surpris, il repoussa les mèches de cheveux collées à son visage par la sueur et la poussière. Il leva les yeux et découvrit un morceau de mur, de vieilles pierres. Il était enfin arrivé ! Levant la tête vers le ciel et les étoiles, il remercia sans savoir qui. Il ne croyait pas aux dieux. Il avait bien vu la haine portée par les religions partout dans le Monde. Mais il remerciait, de tout son cœur, et il pleura à longs sanglots brûlants, à genoux, seul face à l'infini.

Les premiers rayons du soleil tarirent ses larmes. Les brumes entre les troncs et les sous-bois rouvrirent son âme à la beauté. Et ce fut l'avancée d'un chevreuil qui réchauffa son pauvre cœur désespéré. Il avait écouté le silence, profond comme aux premiers temps du monde et s'était relevé. L'animal avait bondi, s'arrêtant quelques mètres plus loin, l'avait regardé, les narines frémissantes puis s'était éloigné lentement, disparaissant dans le sous-bois dense. Il n'avait sans doute jamais vu d'Homme...

C'est ainsi que Le Voyageur avait décidé de rester là. Touché par la grâce, pour ainsi dire.

Cette terre a quelque chose de magique. Il arrive qu'elle ensorcelle d'amour homme ou femme. Et celui-là en est pour toujours transfiguré.

Salomon avait fait le tour des lieux, cherchant l'endroit le plus propice à son installation. Un bâtiment séparé en deux pièces et une grange avaient été rénovés, en partie, murs et toit, c'était un bon début...
Première chose, débroussailler. Et puis trouver à manger...

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