ENTRE BLANC ET NOIR

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Ça a été un matin comme on voudrait qu'il n'y en ait jamais. Il a fallu rassembler les blessés dans les deux seules maisons intactes. On les a installés comme on pouvait sur des lits improvisés avec ce qui n'avait pas été brûlé ou emporté.
Les morts avaient été posés côte à côte dans l'herbe. Les nôtres et les autres.

Ils n'ont même pas emporté leurs compagnons tombés au combat. C'est écœurant. Mais bon, était-ce un combat digne de ce nom...

J'ai voulu participer à l'enterrement général, mais pas moyen de forcer sur mon épaule qui semble souffrir d'un genre d'entorse, sans compter les deux entailles, une dans le dos et l'autre au bras gauche, récoltées à un moment dont je n'ai pas non plus le souvenir et qui me rappellent à l'ordre.

* * *

J'ai beau réfléchir, chercher, je ne me rappelle quasiment pas de ce qu'il s'est passé ni de comment j'ai été blessé. Autant tout au long de ma carrière, j'ai, en mission, toujours gardé un certain sang- froid, autant cette nuit je pense avoir lâché prise avec le présent et cédé à une sorte de folie qui m'a transformé en quelqu'un que je ne connaissais pas, ou quelqu'un que j'avais oublié... J'ai peur de me souvenir et peur de ne pas me retrouver...
L'odeur de brûlé, celles de la violence m'attirent et des ombres d'autres temps m'effraient. Pourvu que je ne sois pas en train de perde pas la tête...

Je dois en parler à Séréna et Mickaël. Si je venais à perdre l'esprit, ou à n'être plus capable de rien, je veux que l'on m'aide à quitter cette vie. C'est un chapitre que j'aborderai en réunion de toute façon, et Pistoleta devra noter les directives et désirs de ceux qui en auront.

Notre société a trop attendu pour légiférer dans ce sens et on a laissé/obligé des gens à continuer une existence affreuse contre leur gré. C'est inhumain.

* * *

Séréna et Zohra ont proposé, ou plutôt décidé, que nous allions tous à Bugarach. Elles estiment dangereux de rester ici, diminuant ainsi les forces de leur groupe en les partageant. Tactiquement, elles ont raison. Les blessés peuvent tous supporter le trajet à pied. Il n'y en aura que deux à transporter dans le petit chariot tiré par l'âne qui n'a pas été emporté. On ne sait rien de nos agresseurs, et ce n'est pas confortable.

* * *

L'infirmerie est installée dans l'ancien presbytère. Il compte plusieurs chambres et cheminées et un confort relatif. J'ai fini par m'endormir, épuisé par les événements et la douleur lancinante. Je ne voulais pas prendre de ces remèdes qui assomment. C'est sans doute idiot, mais être tué dans mon sommeil au cours d'une seconde attaque ne me tentait pas du tout.

* * *

Comme je peux me débrouiller pour le principal, on m'a transféré dans une maison proche du presbytère et ce soir, ce ne sont ni Alba, occupée par les cas les plus sérieux, ni Séréna qui avait besoin de quelques heures de repos, qui m'ont refait les pansements, mais Émeline, entrée après avoir frappé à la porte.

Je ne comprends pas comment je n'ai pas remarqué cette Dame avant aujourd'hui... alors que nous étions dans le même village.

Garance, pardonne-moi... Sa voix est calme, mais je sens une énergie dont la force me plaît. Ses mains ne tremblent pas à la vue du sang et sa douceur me parle de plaisir.

Garance, pardonne-moi, ses yeux étranges, parfois oranges, sont comme ces gemmes qui ont pour nom Pierres du Soleil. Pelage de renard et petit museau pointu...

Elle est en train de m'ensorceler d'amour...

C'est tout pour aujourd'hui, la fatigue est là...

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