RAYAN DÉCOUVRE LE «POUSS»

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Comme lézard au soleil, sur un vieux banc de pierre le long de la maison plusieurs fois centenaire, Rayan finissait sa tisane, en regardant des enfants jouer aux billes. Le breuvage était fade, légèrement piquant et, contre toute attente, assez agréable. Il était arrivé deux jours auparavant, sous une pluie battante. Par chance, il avait trouvé de quoi gagner ses vivres dès le lendemain, aidant à consolider le toit d'une étable à l'odeur âcre et lourde, en échange de quoi, on lui avait offert le gîte et le couvert plus quelques vêtements.

Dans la lumière de l'automne, ses cheveux noirs qui lui couvraient les épaules avaient des reflets métalliques, et, dans son visage pâle aux joues creuses, à demi caché par la repousse de sa barbe, s'étiraient deux lacs profonds, brillants et bleus, des eaux limpides, comme aux premiers temps du monde.

Il s'était senti rougir quand deux jeunes femmes étaient passées un peu plus tôt, le détaillant du regard en riant, accrochées l'une à l'autre comme deux cerises. Il ne se rappelait pas que cela lui soit déjà arrivé. Avant que tout cela commence, il avait parfois même du mal à se persuader qu'il était un humain, un être vivant. Il pouvait rester des heures immobile, silencieux, apparemment déconnecté de la réalité, indifférent à tout ce qui était autour de lui. C'était d'ailleurs ce qui avait alerté son professeur. Rayan n'allait pas bien ! Il avait un problème d'adaptation ! Et chacun savait bien ce que cela voulait dire : des ennuis, gros comme des montagnes, direction le centre de rééducation ! etc... Ses parents avaient tu sa différence aussi longtemps qu'ils avaient pu, mais ils finissent toujours par les trouver, les malades. On ne peut se cacher toute une vie, c'est un fait établi. Ici, il se sentait mieux. Il n'était plus aussi transparent. On le remarquait et il en ressentait une joie vivifiante.

Cri de victoire, un des gamins venait de remporter la partie et de rafler un joli butin. Les autres, déconfits, hésitaient à relancer le jeu. Ce fut une fillette à longues tresses brunes qui les décida:


— Moi, je rejoue ! On ne va pas le laisser gagner cette fois !

Chacun posa une bille au sol et l'envoya, jusqu'à ce que l'un d'eux place la sienne dans le cercle et gagne. Stupéfait, Rayan se frotta les yeux à plusieurs reprises, tout en se levant lentement. Il s'approcha et les observa un long moment, avec une incrédulité grandissante. Puis, poussé par une curiosité fébrile, il se tourna vers la vieille femme, assise sur l'autre banc :

— Excusez-moi, qu'est-ce qu'ils font ?

— Ils jouent, répondit-elle, avec un étrange sourire en coin dépourvu de dents.

— Oui, j'ai vu. C'est pas ça. C'est... comment ils font ça ? Ils... ils ne touchent pas les billes pour les lancer... précisa-t-il, en fronçant les sourcils.

— Je ne sais pas.

— Mais...


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