RÉAJUSTEMENT

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Sur la place, l’événement était dans toutes les conversations. Il y avait longtemps que le sénat de Lemos cherchait à assagir les Campagnards. Il ne pouvait pas laisser une partie de la population vivre comme elle l'entendait et maintenir l'autre dans l'obéissance du Livre des Lois. Les Milices étaient tout juste suffisantes à maintenir l'ordre dans les villes et demander leur intervention pour quelques " pouilleux " n'était pas bon pour la tranquillité de la région.

Après de longs mois de discussions, le sénat avait établi que l'on n'emprisonnerait plus les Campagnards qui seraient, de préférence, passibles de divers châtiments corporels. Passé le tollé général que provoqua cette décision, deux sinistres faits divers firent accepter cette aberration : L'incendie d'une prison surpeuplée qui fit près de 300 victimes, suivi d'une mutinerie dans une autre qui coûta la vie à quinze surveillants et terrorisa la population.

À ce jour, personne ne savait encore pourquoi les " Rapporteuses " n'avaient pas signalé d'agitation. Comment avaient-ils pu préparer une évasion sans frémir à aucun moment ? Sans mettre les capteurs de leurs puces en alerte? Comment avaient-ils pu neutraliser ces petites merveilles? Bien sûr, une partie des fuyards avait été abattue et les autres repris avaient été désactivés, la quasi totalité.

En fait, ils n'étaient que deux à être passés entre les mailles du filet, deux individus qualifiés d'extrêmement dangereux et activement recherchés...

Rayan écoutait d'une oreille distraite. La milice n'avait pas encore distribué son portrait dans les campagnes, mais cela ne tarderait pas. Il avait profité de la mutinerie pour s'évader. Deux mois après, le sénat avait voté les nouvelles lois, et maintenant, tout était prêt pour les faire appliquer.

Il se sentait responsable de ce fiasco. S'il n'y avait pas eu ces épisodes mortels, la loi n'aurait pas été votée. Et, la révolte, c'était lui qui l'avait couvée et faite éclore.

Il y avait de la colère, de la peur dans les propos qui circulaient. Il y avait aussi de la fatalité. Et puis, qui n'avait jamais eu envie de voir des malfaiteurs punis dans leur chair, au moins une fois dans sa vie ?

— ... mais elle n'a rien fait de mal !

— On n'en sait rien !

— Elle m'a soigné, l'an passé, quand j'ai été brûlé dans l'incendie.

— Oui, c'est sûr, et même bien !

— Mais, est-ce qu'elle ne fait que cela ? intervint Iris. Je la vois rôder certaines nuits sur le causse. Je l'ai vue cueillir des plantes, sous la pleine lune, et parler seule.

— Et tu étais où pour voir tout ça ?

— Je la surveille depuis plusieurs mois.

— Ne nous raconte pas d'histoire cornue et fourchue, on ne croit plus à ça depuis bien longtemps !

— Iris a raison. Il n'y a pas que le diable qui pue, et elle peut tout à fait manipuler les énergies néfastes si elle peut utiliser les bonnes pour soigner !

Rayan observait la scène, écoutant attentivement. Ainsi, Iléa n'avait pas que des amis. En ville, une accusation de ce genre menait le coupable à subir un séjour de neuf mois dans un centre de travail collectif assorti de séances de rééducation psychiques quotidiennes.

— On ne peut pas les laisser faire ça !

— Et pourquoi pas ? Imagine que ce soit ton fils qui soit mort, grillé comme une saucisse dans sa cellule!

— Je ne suis pas d'accord ! Et les lois sur la sorcellerie ne sont que quelques unes des mille et une façons de nous asservir !

— Tu as raison. Le premier hôpital est à cinquante kilomètres, et c'est un dispensaire où on nous fait tout payer, avec un médecin aussi minable que le reste !

— Nos guérisseurs sont bien plus efficaces !

— On doit les protéger !

— Votre attention, s'il vous plaît ! Réunion ce soir sur la place à vingt heures.

C'était Rama, la porte parole du conseil de la contrée. Elle en avait assez entendu pour savoir ce qu'elle voulait.

— J'ai la responsabilité de la tranquillité de la région et je veux que chacun soit présent.Toi aussi, Iris, et je veux savoir ce qu'il se passe ici.

— Je serai là, répondit Iris d'une voix claire et glacée.

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