GABRIEL PORTE LA BONNE NOUVELLE

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… Il en était certain, cette femme était la fille de son ami. Elle correspondait en tous points à la description qu'il leur en avait fait. Gabriel retourna rapidement à Montségur. Il voulait lui annoncer la nouvelle au plus vite. Celui-ci n'étant pas rentré, il eut le temps de se rafraîchir, de manger et de réfléchir aux mots qu'il emploierait. Il apportait une bonne nouvelle, certes, mais accompagnée d'un paramètre qui allait tempérer la joie de Guilhem. Ils se retrouvèrent, devant un verre de vin, entre quatre yeux. Gabriel, ayant bien réfléchi, fut direct :

— Guilhem, je crois que j'ai retrouvé ta fille.

Celui-ci, hésitant entre doute et espoir, soupira :

— Elle serait vivante... Tu crois... ou tu en es certain ?

— J'ai vu la marque de naissance sur sa hanche.

Le silence gêné qui suivit résonnait des battements de leurs cœurs. Guilhem dut faire un effort terrible pour poser la question suivante. Il avait tellement souffert de ne rien savoir d'elle, tellement imaginé d'horreurs que son cœur de père n'osait se réjouir. Il connaissait bien Gabriel aussi et sentait que cette bonne nouvelle avait quelques épines. Il finit par articuler, hésitant :

—Tu lui as parlé ?

— Non. Je n'ai pas pu.

La question suivante aussi eut du mal à éclore :

— Mais elle va bien ?

— Elle semble en bonne santé.

— D'accord... c'est déjà ça. Où est-elle ?

Nouveau silence. Le feu dans l'âtre, dans leurs têtes. Le feu des combats, celui de l'Amour...

— Je dois la voir.

— Oui, je comprends.

Nouveau silence. Gabriel était visiblement gêné, mais il ajouta :

— Il te faudra aller chez Amanda.

— Chez Amanda... Depuis quand est-elle là-bas ?

— Je ne sais pas, peut-être plusieurs mois.

— Ma fille... Je vais revoir ma petite, ma fille... j'ai failli désespérer... Merci mon Dieu, merci mon frère.

— Je t'accompagne, si tu permets.

— Oui, tu es le bienvenu dans ma joie, tu le sais. Mais je n'ai pas peur.

— Je le sais. On se connaît depuis bien des années...

— Je n'ai pas fini... poursuivit Gabriel à mi-voix.

— Je t'écoute, répondit Guilhem, dans un souffle à peine audible.

— Tu connais Amanda... Ta fille est dans ses troupes. Et elles sont sœurs d'armes... en quelque sorte...

— En quelque sorte ?

— Oui... Elles sont... un peu plus que sœurs...

Ne sachant comment s'y prendre, le rouge aux joues, il inspira profondément et murmura :

— Elles sont amantes.

Le silence, cette fois, avait duré longtemps, chacun retranché dans ses pensées, ensorcelé par le chant lugubre du vent Cers dont la fraîcheur leur glaçait les épaules. Guilhem fixait les braises. Deux larmes avaient roulé sur sa barbe. Les retrouvailles ne seraient pas telles qu'il les avait espérées. Quelque chose n'allait pas, il le sentait.
Après avoir perdu sa femme et son fils, il s’apprêtait, après tant de temps et d'angoisse, à retrouver sa fille, une femme qui avait probablement tellement changé qu'il l'avait peut-être même croisée sans la reconnaître. C'était possible... La dernière fois qu'il avait vu Amanda, c'était deux ans auparavant...

Chant du feu dans leurs yeux, dans leur cœur, et leur âme...

Cerné par la pénombre, ce père dans l'épreuve semblait avoir vieilli d'au moins dix ans. Ses traits creusés, les rides d'inquiétude sur son front, celles de douleur de chaque côté de sa bouche laissaient deviner sa fatigue et ses tourments. Gabriel se leva. Ils échangèrent une énergique accolade puis il sortit.

Resté seul, Guilhem s'agenouilla devant la fenêtre grande ouverte sur les étoiles et pria, longtemps.

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