ARKAN CHEZ SAPHIRA SECOND ACTE, À CUISINER À PETIT FEU...

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Barral prit possession des lieux et de son client, l'examinant en connaisseur, vérifiant son pouls et sa respiration. Diagnostic : quatre côtes et l'avant-bras gauche brisés. Conclusion :

— Ça va durer. Il est en santé et motivé. Messieurs, si vous aviez quelque chose de prévu, il vous faudra remettre à plus tard.

— Pas de problème, répondit Kerryn.

— Misère sur moi, pesta Razel, son collègue. J'avais rendez-vous avec une très jolie fille qui va probablement me maudire et passer la nuit dans les bras d'un autre !

Alors, tu vois, patron, ce type, je vais en prendre un soin tout particulier...

— Pas d'excès, Razel. C'est un morceau de choix, à cuisiner à petit feu. Ordre de Thorian !

— Ça m'ira. J'ai le temps, maintenant.

Son sourire s'égara... Ils traînèrent le corps inerte au centre de la pièce et le suspendirent à une poutre, bras en croix. Ses chevilles furent, de la même façon, arrimées au sol. Kerryn répandit une épaisse couche de sciure sur les dalles et, voyant qu'il reprenait connaissance, lui dit sur un ton goguenard :

— On va te saigner comme un porc, mais beaucoup plus lentement...

— Va te faire foutre, grogna Arkan.


— Reprends-toi, Musicien, s'exclama Saphira en se levant. Elle se rapprocha rapidement et lui administra un revers qui lui ouvrit l'arcade droite. Elle réajusta les mitaines de cuir cloutées qui protégeait ses mains fines et gracieuses, précieuse attention de sa Bête.

— J'ai horreur de la vulgarité, sache-le !

Ils étaient arrivés alors qu'il était toujours inconscient, et s'étaient fait servir un vin chaud, en attendant la fin des préparatifs. Arkan observait Saphira, subjugué par la robuste volupté de ses formes que soulignait sa robe blanche aux reflets bleutés, composée de plusieurs voiles aériens. Le murmure de La Rumeur s'insinua dans l'esprit du prisonnier, faisant monter sa peur d'un cran :

Des deux, c'est elle la plus cruelle...

— Forces bonnes, donnez-moi le courage, souffla-t-il dans une intense prière.

Saphira présenta un coffret de bois finement orné d'arabesques d'argent ciselé à Barral, lui conseillant de faire bon usage de son contenu et elle ferma les yeux, prise d'un trouble étrange, subtile alchimie de fureur, d'admiration, mépris, désir et venin. Barral ouvrit le coffret. Une lueur surprise et curieuse passa furtivement dans ses yeux. Il évalua, sans un mot, la qualité et la beauté de l'instrument qui lui était offert, puis, d'un léger signe de la tête, il remercia Saphira et présenta l'objet aux yeux de chacun. Thorian émit un sifflement appréciateur. Aiguillonné par la peur, Arkan eut un mouvement de recul, stoppé net par les chaînes, et baissa la tête, livide.

— Mon beau gibier, écoute-moi bien. Je l'ai fait fabriquer, tout exprès pour toi, par un artisan hors du commun. Il est agrémenté de quelques billes de métal et de courtes lames superbement aiguisées. Et, comble de raffinement, cet homme exceptionnel y a ajouté quelques hameçons. Les pierres qui ornent le manche sont des saphirs.

—Tu es beaucoup trop généreuse, Saphira, ironisa-t-il d'une voix blanche.

—Tu n'as pas peur ?

— Bien sûr que j'ai peur. Mais peut-être était-ce aussi mon rêve secret... être à ta merci, répondit-il avec toujours ce sourire qui la perturbait profondément.

Très pâle, elle l'observa de longues secondes. Comment osait-t-il la combattre avec ses propres armes ? D'un regard brûlant, il lui effleura la poitrine, la faisant tressaillir, lèvres frémissantes. Périlleuse provocation. Thorian, blême de rage, dégaina son poignard, une arme massive et lourde, comme il les affectionnait et s'approcha de ce rival qu'il dominait d'une bonne tête. Arkan pria pour qu'il lui porte un coup fatal, lui épargnant ainsi la suite du programme. Mais il se contenta de lui planter la lame sous la peau, le long des côtes, la faisant ressortir quelques centimètres plus loin. Blessure sans gravité, mais si douloureuse que le captif en eut le souffle coupé.

— Attention à ce que tu dis, Musicien ! Saphira est ma femme, gronda Thorian en faisant brutalement tourner la lame dans la plaie.

Arkan hurla.

Dans leur cellule, Enguerrand et Sans Part sursautèrent et se réfugièrent dans un silence désolé. Par le manche de son arme, le tortionnaire sentait le corps de sa victime se cabrer et frémir, répondant superbement à la moindre sollicitation. Tremblant, ruisselant de sueur, Arkan murmura d'une voix rauque, souffle saccadé, prunelles de feu :

— Saphira, je t'adore...

Thorian fit, de nouveau, tourner la lame, lentement cette fois, et savoura le cri de ce corps tétanisé soumis à sa poigne. Saphira dévisageait son étonnant flatteur avec curiosité. Jusqu'où irait-t-il ? Quand il releva le front, c'est à Thorian qu'il s'adressa, avec un mépris évident :

— Quoi que tu fasses, Thor, tu ne pourras jamais donner à ta femme ce que je lui offre aujourd'hui.

— Et elle saura t'en remercier, répondit le maître en dégageant son arme d'une brusque secousse.

Dans les yeux de l'homme blessé, Saphira vit alors sa propre mort. Effleurée par une peur naissante, elle hocha la tête, à peine, et ordonna froidement :

—Tu peux commencer, Barral.

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