“ Tu ne sortiras pas d'ici vivant. ” ARKAN CHEZ SAPHIRA SECOND ACTE, suite 3

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“ Tu ne sortiras pas d'ici vivant. ” La Rumeur était grinçante.

Enguerrand et Sans-Part interrompirent leur conversation, en entendant des pas et virent arriver Arkan, durement éprouvé, soutenu par Kerryn et Razel. Ils le poussèrent dans la cellule d'en face et refermèrent la grille en ricanant :

— Profite bien de la pause, y en n'aura pas beaucoup d'autres !

Ses deux codétenus échangèrent un regard atterré. Il se laissa tomber et resta un long moment étendu, immobile, son dos sanglant contre la fraîcheur des dalles. Puis, reprenant ses esprits, il s'assit péniblement. Il allait parler quand les deux hommes revinrent, poussant un chariot sur lequel étaient posés une marmite de soupe bouillante et des bols de bois.

— De la soupe pour tout le monde ! Remerciez Saphira !

Ils déposèrent les rations devant chaque prisonnier et s'installèrent dans le couloir pour déguster la leur, assis sur des tabourets. Ils mangeaient à grandes goulées bruyantes, sans parler, concentrés sur la tâche.

Sans-Part saisit son bol, maladroitement, gêné par les fers à ses poignets et le poids des chaînes. Il sentit le breuvage et fronça les sourcils, interrogatif. Il hésitait, mais son estomac gargouilla bruyamment, l'encourageant à en prendre une gorgée. Arkan fit de même. La soupe de chou était fade, avec un vague goût de viande. Il en but un peu plus et s'arrêta soudain avec un hoquet de stupeur et de dégoût. Il laissa tomber le bol sur le sol, se releva en chancelant, horrifié, et se mit à hurler comme s'il avait vu s'ouvrir les portes de l'enfer. Les deux gardes souriaient en achevant leur ration. Razel décortiqua un os encore garni d'un peu de chair.

De désespoir, Arkan se frappait la tête contre le mur, hurlant toujours. La pierre rougit. Lâchant un bouquet d'injures, les gardes interrompirent leur dégustation pour le mettre aux fers. S'il venait à mourir maintenant parce qu'ils ne l'avaient pas immobilisé en le ramenant, ils savaient que la colère de Saphira leur réserverait une fin atroce. Au désespoir et malgré son état, Arkan se débattait comme une bête sauvage. Il fallut l'intervention d'un troisième homme pour le maîtriser et l'enchaîner.

— Maintenant, tu vas te tenir tranquille, conclut Razel, accompagnant cet ordre d'un coup de botte hargneux.

Il préférait manger chaud, et assis.

À genoux, bras en croix, maintenu à deux poteaux, Arkan encaissa le coup sans aucune réaction. La tête penchée en avant, le visage caché par les cheveux, il semblait anéanti. Kerryn s'adressa aux deux autres avec une joie malsaine.

— Vous voulez savoir ce qu'il a ? Finissez votre repas, on en parlera après. Et il partit d'un éclat de rire gras en se resservant.

Les prisonniers examinèrent leur portion avec méfiance. Entre les légumes, ils découvrirent, l'un une oreille, l'autre un pouce humains. Sans-Part eut une grimace écœurée et commença à faire « non » de la tête, comme un automate. Enguerrand blêmit et, incapable de soutenir la vision de l'oreille dans sa ration, céda à la rage qui montait en lui. Il jeta le bol à travers la cellule, vociférant insultes et promesses de « Mal Fin » à l'adresse de Saphira. Sans-Part répétait en boucle qu'il n'arrivait pas à y croire, jusqu'à ce que son voisin, au bord de la panique, lui hurle de s'arrêter.

— Tu as raison, balbutia-t-il. Il faut que je me calme. Je vais arrêter. J'arrête. Mais, bon sang, cette femme est complètement folle ! Ils sont tous fous ! Pauvres nous...

— Ils mangent de l'homme... » grogna Enguerrand, comme pour admettre ce qu'il avait vu.

Il s'était calmé. Il voulait réfléchir. Ils devaient sortir d'ici ! La torture c'était une chose. Mais la perspective de finir dans l'estomac de ces hommes le remplissait d'une terreur animale.

— Je n'arrive pas à y … reprit Sans-Part.

— Ne recommence pas !

Ils se turent, rongés par l'angoisse. Les gardes étaient partis. De la cellule d'en face, leur parvenait la respiration rauque et laborieuse d'Arkan, toujours prostré. C'est lui que cette épreuve avait le plus atteint. Pourtant, ce n'était pas vraiment une découverte...

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