DÉPART DE ROMAN

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Iléa partit bien avant le lever du soleil, de Parahou-Petit, où elle avait accompagné une aïeule en fin de vie. Elle lui avait tenu la main jusqu'à sa fin. « C'est un beau jour pour mourir », avait murmuré la vieille femme avant de s'éteindre sereinement. Pensée héritée d'un peuple Amérindien et adoptée par les Montagnards.


***

À travers bois, suivant la piste qui avait bien besoin d'être rafraîchie, elle passa le « Col des Vents ». Le Cers* balayait le paysage secouant les arbres bruyamment.

C'était un beau jour, jusqu'à ce qu'Iléa arrive en vue du village et découvre des flammes ravageant une partie des habitations et les corps éparpillés sur le marché dévasté.

Effarée, elle alla des uns aux autres, toussant dans la fumée, trouva Rayan inconscient, le visage brûlé, près du corps de Zéline déserté de son âme. Elle sentit les larmes commencer à ruisseler sur ses joues et continua à chercher des survivants.
Glacée, elle sillonnait cette désolation quand des voix masculines la sortirent de sa stupeur. Quatre hommes nerveux, visiblement pressés de s'éloigner, chargeaient des sacs sur un chariot déjà lourd de butin.
La voyant seule et sans défense, ils abandonnèrent l'équipage dans l'idée de se saisir de cette proie facile. C'est à ce moment qu'elle découvrit Roman, le corps de Roman, sans vie, dans une flaque de sang, à côté du cadavre de son cheval ami, mort lui aussi.
Elle s'approcha, livide, et tomba à genoux. Le visage caché dans les cheveux dorés de son amour défunt, elle gémit de douleur, respirant son parfum de liberté, tandis qu'un cri montait de son ventre comme une tempête brutale. Il la fit se redresser, puis se relever, le regard ravagé brûlant de haine.

Le cheval des pillards, effrayé par la fumée, les plaintes des blessés, l'odeur de la mort s'était éloigné emmenant la charette et son chargement. Les hommes avançaient vers Iléa, armes à la main, le meurtre au bord de l'âme mais ils n'eurent pas le temps de quoi que ce soit.
Elle avait oublié toute sagesse, toute retenue. Oubliés, la conscience, ses conseils, ses remontrances.

Elle tendit les mains vers ces charognards, l'esprit saturé d'horreur et de rage. Et cette fois, le feu lui obéit. Les deux premiers flambèrent comme des torches, en quelques secondes. Le troisième n'eut que le temps de crier pitié avant de subir le même sort. Quant au dernier, elle l'arrêta en pleine course et son image s'éparpilla en une longue traînée de poudre grise. Alors elle libéra un cri déchirant issu de son désespoir, de sa victoire, suivi d'un rire plein de ronces qui s'acheva par des sanglots lourds comme des pierres. Finalement, vidée de toute énergie, elle s'effondra sur le sol dans un silence glacé, évanouie.

Voilà comment Adesha me raconta ce douloureux épisode de notre histoire.


Plus tard, Iléa reprit connaissance, se releva et partit d'un pas pesant comme le plomb, l'esprit en déroute, le cœur brisé. Adesha, occupée à donner les premiers soins aux blessés, l'aperçut s'éloignant comme un fantôme vers la forêt. Elle la vit croiser Séréna, sans répondre à ses questions. La guérisseuse, descendait en hâte, ayant capté les vibrations de détresse des villageois et les appels pressants de Camilion déjà sur les lieux.

* (en catalan : el cerç) est un vent de terre,venant du nord-ouest de Narbonne, parfois très violent, soufflant dans le Languedoc.



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