La mer et le vieil homme

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- Tu es vraiment sûr de savoir te servir de cet engin ? Demanda Clarisse à Franck

- C’est une ambulance, pas un tank, répondit sèchement le dit Franck

Franck était un homme d’une trentaine d’année, chauve, grand, musclé, des yeux gris patibulaire et des bras couvert de tatouage. Clarisse quant à elle était un petit bout de femme, les cheveux noirs, les yeux marrons, l’air sympathique. Ils formaient un duo inséparable et atypique.

Elle soupira.

- Ok, je te fais confiance. Alors c’est parti pour l’hôpital St Jean.

Sans lui répondre, il mit le moteur en route. Ils arrivèrent sans encombre à destination. Clarisse sortit de l’« engin », soulagée.

- Je vais aller chercher le patient.

Franck laissa tourner le moteur. Clarisse revint quelques minutes plus tard, accompagnée de deux infirmières et d’un vieil homme sur une civière. Elles le montèrent rapidement dans le véhicule. Clarisse se glissa à l’arrière avec le patient et ils quittèrent l’hôpital.

- Bonjour Monsieur, je suis Clarisse et le chauffeur s’appelle Franck. Nous sommes censés vous transférer vers l’hôpital des Trois Collines mais votre famille nous a expliqué votre situation et souhaite vous offrir un dernier cadeau. Elle nous a dit que vous vouliez mourir en regardant la mer entourée de votre famille. Est ce bien cela ?

Les yeux du vieil homme se mirent à briller et un sourire se dessina lentement sur son visage. Il n’avait même plus la force de bouger la tête. À cette vue, Clarisse lui rendit son sourire.

- Je vois que vous êtes d’accord, nous allons donc vous mener à la plage où votre famille vous attend.

Le voyage se passa sans encombre, Clarisse discutant pour trois. Le Soleil commençait à se coucher quand ils arrivèrent. La famille du vieux monsieur se trouvait déjà sur la plage. Une fois l’engin arrêté, les quatre fils les aidèrent à le descendre. Une chaise longue l’attendait. Son dernier frère encore vivant, ses belles-filles, ses petits-enfants et même son arrière-petite-fille l’entourèrent, l’embrassèrent. Chacun eut un mot, une anecdote à partager. Ils lui dirent à quel point ils l’aimaient et l’estimaient. Puis ils s’assirent autour de lui en silence et contemplèrent le Soleil disparaître sous l’horizon. Quand les derniers rayons touchèrent la mer, Clarisse s’approcha du vieil homme et le regarda droit dans les yeux, un frisson les parcourt. Malgré l’obscurité ambiante, elle lui prit délicatement le bras et enfonça l’aiguille. Il fixa avec intensité la mer et le sourire aux lèvres quitta ce monde.

Après plusieurs minutes de recueillement ponctué de sanglots, ils finirent par le re-transporter dans l’ambulance afin de l’amener à l’hôpital des Trois Collines. Clarisse et Franck s’apprêtaient à partir quand le fils aîné leur tendit une enveloppe remplit de billets. Franck en vérifia rapidement son contenu. Le fils aîné les remercia d’un hochement de tête et alla rejoindre sa famille éplorée. Franck démarra l’ambulance. Le trajet se fit en silence. Clarisse nettoya le visage du mort et apposa un drap. Arrivés à l’hôpital, ils expliquèrent que le patient avait eut un arrêt cardiaque durant le transport, qu’ils avaient tenté de le réanimer mais en vain. Le médecin de garde vint confirmer la mort du vieux monsieur et son corps fut conduit à la morgue. Après avoir quitté les urgences, ils ramenèrent le véhicule à l’agence de location. Les modalités terminées, ils se dirigèrent vers leur restaurant favori, ils s’assirent à leur table et commandèrent deux ragoûts de mouton, la spécialité du lieux. C’était leur rituel d’après mission. Quand leur commande fut servi, Clarisse entama la conversation :

- J’aime bien ce genre de travail où tout se déroule bien et où le client est satisfait. J’ai presque l’impression d’avoir accompli une bonne action.

- Mmh, oui.

Franck continua à manger sans trop lui prêter attention. En tant qu’ancien militaire, la satisfaction du client n’était pas sa priorité. Ce qui lui importait était que tout ce soit passé selon le plan, sans encombre. Ces missions duraient maintenant depuis trois ans. Trois ans qu’ils formaient une équipe soudée, depuis que le boss les avait présentés. Il aimait travailler avec elle, elle inspirait confiance au client, rendait une part d’humanité à leur travail.

- Bon allez, il est temps que j’y aille ! La nuit est déjà bien avancée et je suis épuisée! S’exclama Clarisse, coupant Franck dans ses réflexions. On se voit demain chez le boss!

Elle se leva d’un bond de sa chaise, claqua une bise sur la joue de Franck et quitta le restaurant. Elle continua à agiter la main dans sa direction jusqu’à ce qu’elle disparaisse au coin de la rue. Il resta seul à leur table, finissant tranquillement son ragoût. Enfin un peu de calme.

Elle lui manquait déjà.

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