68. Géant des Flandres

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Le lapin symbolise la peur et la renaissance.

°°°°

Léana entrevoit l’orée de la forêt après avoir évité in extremis deux troncs d’arbres, mis en fuite une bande de lapins un peu trop curieux et s’être étalée une bonne douzaine de fois sur le sol. Punaise, j’ai hâte de rentrer à la maison. Tel un rappel à l’ordre, l’expression courroucée d’Iris apparaît dans son esprit et Léana grimace. Elle va tellement me couper la tête. La jeune femme adresse une petite prière à Enki pour sa survie avant de maudire ce chat sauvage qui l’avait empêchée de rentrer à la maison. Gambadant devant sa maîtresse, sa loutre d’Eau s’arrête net, se retourne et plisse les yeux. Oui, bon ça va ! Depuis quand n’ai-je pas le droit d’être de mauvaise foi ?

Soudain, une ombre se dresse sur son chemin. Plus agacée qu’effrayée, Léana soupire bruyamment. C’est le rendez-vous des casse-couilles ou quoi ? L’entraînement qui l’a façonnée pendant des mois réveille ses muscles endormis, affûte ses sens et la rend aussi alerte qu’elle l’aurait été après une bonne nuit de sommeil. Aucune angoisse ne coule dans ses veines, elle est trop fatiguée pour en avoir quelque chose à faire. Puis elle reconnaît l’inconnue qui l’avait agressée dans l’enceinte du lycée. Mais c’est pas vrai ! C’est quoi ce mauvais timing ? On se tape demain si tu veux ! Là je veux dormir ! Ces mots lui brûlent les lèvres mais elle a encore un neurone fonctionnel qui lui conseille de ne pas hurler sur une personne envoyée pour la buter.

Au lieu de s’enfoncer dans un monologue intérieur où elle citerait toutes les raisons pour lesquelles assommer cette fille et la laisser sur le bord de la route est une bonne idée, Léana détaille le visage de l’inconnue. Contrairement à l’autre fois, celle-ci n’arbore aucune expression haineuse. Ses traits ont presque l’air… apaisés.

— Je m’appelle Akali Assas’Hin, déclare son interlocutrice, d’un ton ferme. Je suis la fille du Gouverneur d’Espra, la capitale de la Province de l’Air.

Née dans les Contrées Humaines, Léana n’a jamais vécu sur le Continent. Ses connaissances lui viennent en partie de ses parents et des livres qu’elle a longuement étudiés pour le concours de l’Académie. Mais, après les révélations du bal d’Hiver, elle a supplié Iris de lui recommander d’autres ouvrages. Elle voulait absolument pouvoir soutenir et comprendre les décisions que Micah aurait à prendre un jour. Alors, elle a appris par cœur les caractéristiques des différentes Provinces, leurs atouts politiques, leur culture et leur histoire. À ce moment précis, Léana sait donc exactement à quel rang Akali appartient et quel pouvoir politique elle manie. La seule question à laquelle elle n’a pas la réponse, c’est celle de savoir ce que cette haute dignitaire fait ici et pourquoi un assassin plus discret - et peut-être plus efficace – n’avait pas été envoyé.

— Mon père a accédé au trône grâce à l’Impératrice, commence Akali. Cette faveur et ses conséquences ont plané au-dessus de la tête de ma famille pendant des années. Malgré cela, la Province de l’Air s’est enrichie jusqu’à concurrencer les régions plus proches de la Couronne. Nous effectuions des échanges commerciaux avantageux pour les Terres centrales, les tenant pour paiement de la faveur que nous avait faite l’Impératrice. Elle n’a pas vu les choses de la même façon, murmure la jeune femme. Pour réaffirmer son pouvoir sur notre peuple, elle a utilisé sa Maîtrise du Sang sur moi.

Un frisson remonte le long du dos de Léana. Elle ne souhaiterait jamais à personne d’être victime de ce pouvoir terrible. Même si cette personne a tenté de lui faire du mal quelques heures plus tôt. Elle lâche un soupir, ne pouvant s’empêcher de se sentir désolée pour son interlocutrice. J’ai vraiment un naturel beaucoup trop gentil.

— Afin de s’assurer que je coopère entièrement, elle retient ma fiancée en otage. Comme si l’action de cette Maîtrise ne suffisait pas…, souffle Akali en baissant pensivement les yeux sur le sol. Vous vous en doutez, j’ai pour mission de vous tuer, Léana Makri. Mon sang me hurle de vous trancher la gorge.

Les muscles de Léana se contractent en réaction à ces mots. Sans réfléchir, elle se campe fermement sur ses jambes, physiquement prête à encaisser l’assaut. Mais son esprit est ailleurs. Comment pourrais-je faire pour te libérer ? Ces pensées ne s’adressent pas seulement à Akali mais s’envolent vers quelqu’un qu’elle brûle de retrouver.

— Vous êtes amoureuse du Prince, n’est-ce pas ?

La question lui fait l’effet d’un uppercut. D’où… ? Comment… ?

— Ne répondez pas, lance Akali, un petit sourire naissant sur ses lèvres. Il ressent la même chose pour vous. J’en suis pratiquement certaine. L’Impératrice aussi d’ailleurs. C’est pour cette raison que les communications entre vous ont été altérées. C’est pour cette raison que James, le majordome de son Altesse, a été manipulé afin qu’il lui délivre la nouvelle de votre disparition. C’est aussi pour cette raison que l’Impératrice m’a envoyée vous tuer.

Micah me croit… disparue ? Non… Léana pose une main sur sa bouche, comme si ce geste pouvait effacer l’envie de vomir qui la prenait à la gorge. Est-ce pour ça qu’il l’a fixée avec un air aussi terrifié que perdu ? Qu’il a fui ?

Pendant que Léana essaye tant bien que mal de remettre les pièces du puzzle au bon endroit, elle remarque les spasmes qui s’emparent des bras d’Akali. Les sourcils de cette dernière se froncent, ses lèvres tremblent et sa main plane au-dessus des couteaux qu’elle porte à la taille. Elle résiste. Mais sa volonté ne me sauvera pas.

— Je n’ai rien contre vous, assure Akali tout en essayant de garder sa respiration sous contrôle. Honnêtement, je ne suis pas de ceux qui pensent qu’isoler le Prince en fera un meilleur souverain. Il en souffre énormément. Il ne dort pas, sa santé se détériore et malgré ça, il a cette volonté de soutenir son peuple, quoi qu’il lui en coûte. C’est quelqu’un de fondamentalement bon, j’en suis convaincue. Il a les épaules et l’intelligence pour nous diriger. Il saura faire la part des choses entre ses amours et son devoir.

Un petit sourire étire les lèvres de Léana. Tu inspires les gens, Micah. C’est l’une des nombreuses forces que tu es incapable de voir en toi.

Une nouvelle détermination se met à courir dans ses veines et la jeune femme serre les poings. Je ne t’abandonnerai pas. C’est hors de question. Quant à l’Impératrice… Comme dirait Kaïs, « qu’elle aille se faire foutre ».

— Pardonnez-moi, Léana. Je ne suis plus capable de lui résister.

Lorsqu’Akali se précipite sur elle, Léana est prête depuis longtemps. L’ensemble de ses familiers se mobilise pour soutenir chacun de ses mouvements et lui prêter l’énergie dont elle a cruellement besoin. Ainsi, après une grande inspiration, un vent puissant naît sous ses pieds et elle s’élance dans les airs. Elle exécute une vrille au-dessus de son adversaire avant d’atterrir souplement dans son dos. Elle ne laisse pas le temps à Akali de se retourner et l’assomme d’un grand coup sur le crâne.

Désolée.

N’ayant pas le cœur à la laisser là, Léana réduit la force de la gravité sur le corps de la noble et la prend dans ses bras. Cette fois, Iris va être vraiment ravie.

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