28. Cornaline

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Le cristal orange décuple l’énergie d’aller au bout de ses projets.

°°°

Suite à leur conversation, Hashim lui propose de rencontrer Gillian, une amie psychologue. Si Léana hésite à se dévoiler devant une parfaite inconnue, elle comprend, une fois la première séance passée, que tout cela n’a pas vraiment d’importance. Elle a rendez-vous avec elle-même. Et cette fois-ci, les solutions sont bien plus simples à trouver.

Toutefois, son coach est loin d’en avoir fini avec sa protégée.

Tout d’abord, il négocie deux semaines hors de l’école pour raisons médicales pendant qu’elle promet au directeur de l’établissement de rattraper l’intégralité des cours. Puis, son emploi du temps de l’enfer commence.

Elle s’entraîne quatre fois par jour. À petites doses. Hashim programme son lever à cinq heures du matin avant que la maison ne se réveille et la ramène, épuisée, à 20h quand tout le monde a fini de manger. Elle s’écroule, un sourire aux lèvres, sur le canapé du salon après s’être sommairement lavée.

Quelques fois, ses démons reviennent. Dans ses cauchemars, dans ses échecs, lors des consultations avec Gillian. Mais elle n’est jamais seule pour les chasser ou les réduire au silence.

Un jour, son coach ayant décidé qu’un peu de repos ne serait pas de trop, Léana s’imagine déjà se prélasser sur le canapé avec un bon chocolat chaud.

Que nenni.

Hashim la traîne dans plusieurs magasins de bricolage et d’ameublement. Les résultats de leur sortie shopping rentrent à peine dans la remorque du SUV. Ce n’est que lorsque le Maître lui demande de sortir ses affaires de sa chambre et de commencer à démonter son lit, son armoire et son bureau, qu’elle comprend. Une semaine pour tout changer ? Mission acceptée ! Sautillant d’excitation, la jeune femme obéit sans discuter. Tapisserie, assemblage, peinture… Tout y passe. Plus aucun souvenir contenu dans cette pièce ne doit la poursuivre. Un violet clair pour ce mur ? Et si je faisais ça comme ça…

Quand elle ne s’entraîne pas, elle rénove sa chambre sous l’œil bienveillant de son coach. Passer autant de temps avec l’adulte lui fait du bien. La pression qu’elle s’est imposée disparaît. Sa culpabilité s’amenuise. Mais ses ténèbres ne disparaissent jamais entièrement. J’imagine qu’elles font partie de moi maintenant. Et il faut que j’arrive à vivre avec.

Le premier samedi, Léana trouve un tas de cahiers sur le pas de la porte du salon. La mention « T’as intérêt à tout déchirer au putain de test dans deux semaines, face de gaufre » ne lui laisse aucun doute quant à l’expéditeur. Les lèvres de l’adolescente se plissent en un sourire affectueux. Grâce à Kaïs, elle a rattrapé le retard accumulé depuis le jour où elle s’est écroulée. Elle aurait voulu le remercier mais, en une semaine, elle n’a pas croisé le blond. Hashim tient à respecter ses engagements. Pas de regards extérieurs pour une confiance en soi solide.

Les entraînements reprennent encore plus intensément le lendemain. Et Léana n’est pas épargnée la semaine d’après.

Même si elle rentre éreintée de ses séances avec Hashim, sa chambre prend enfin forme. Quelle fierté l’envahit lorsqu’elle fixe la dernière vis de son nouveau bureau ! Plus de démons endormis sous son lit. Elle peut enfin recommencer à zéro.

En parallèle de ses entrevues avec Gillian, la jeune femme s’exerce à se lever de plus en plus longtemps de son fauteuil roulant. Que ce soit quelques minutes pour faire la vaisselle ou pour prendre une douche debout, Léana est fière de chaque effort accompli par son corps. Prends ton temps. Tu es sur le bon chemin.

Le dernier week-end, en complément des notes de son ami d’enfance, un petit cupcake bleu a été déposé devant sa porte. Il n’est pas particulièrement appétissant ; trop de crème, trop de colorant, trop de sucre… Micah. La jeune femme l’imagine s’arracher les cheveux en cuisine en pestant - poliment bien sûr, c’est Micah - contre son incompétence. Un jour, on en fera ensemble. Je t’apprendrai. Une rougeur court sur ses joues pendant qu’elle savoure le dessert avec plaisir. Sur l’étiquette de la boîte, une élégante écriture étend la rondeur de ses lettres : « Continue à te battre ! Tu es la meilleure ! ».

Alors que le soutien des deux garçons lui confère une nouvelle force, Léana ne lâche rien jusqu’à la dernière minute des deux semaines qui lui ont été imparties.

Lorsqu’elle se laisse tomber sur le canapé du salon le dimanche soir, un sourire satisfait étire ses lèvres fatiguées. Je vais le faire. Nergal ne me détruira pas.

Alors que les regards de ses camarades inspectent ses béquilles, Léana repense aux conseils de Gillian. Ce qui compte, c’est l’image que j’ai de moi. Pas celle que les autres ont probablement de ma personne. La jeune femme s’arrête un instant au bas de l’escalier du bâtiment pour reprendre son souffle. La sonnerie a déjà vrillé les tympans des lycéens deux minutes plus tôt. C’est vrai, elle est en retard. Mais ce n’est pas la première fois. Ni la dernière.

L’adolescente monte les marches avec la même détermination qui enflamme ses iris depuis deux semaines. Elle tape rapidement un message pour Hashim dès qu’elle est arrivée devant sa classe. Elle lui a promis de le tenir au courant de ses efforts pendant cette première journée.

Sale gosse numéro deux : Ça y est, j’y suis ! Ne t’inquiète pas, je te préviens s’il y a quoique ce soit.

Papourreau poule : Ça marche. Passe une bonne journée ma puce !

Léana ouvre le battant de sa salle de classe sous le regard aiguisé de son professeur de mathématiques. Il tient dans ses grandes mains crochues le bac blanc qu’il a prévu aujourd’hui. La jeune femme inspire profondément quand, encore une fois, tous les regards se posent sur elle et ses béquilles. Au final, un seul se détache des autres. Le seul qui ne porte pas de pitié ou de curiosité malsaine en son sein. Celui dans lequel la fierté a remplacé l’insolence habituelle.

— Bienvenue, face de lune, sourit sauvagement Kaïs.

Léana lui rend si naturellement son sourire qu’elle en est surprise. Au lieu de s’enfoncer à travers la classe pour se cacher près d’une fenêtre, elle s’assoit au premier rang, presque à côté du blond. Si le professeur lève un sourcil interrogateur devant ce comportement inhabituel, il ne dit rien, préférant rappeler que les élèves ont quatre heures pour réaliser leur devoir.

La jeune femme sort ses affaires aussi rapidement qu’elle le peut. Elle se dit que ses camarades doivent sûrement la trouver lente mais elle efface rapidement cette pensée de son esprit. Ce que pensent les autres ne doit pas influencer tes actions. Prends soin de toi avant tout.

Lorsque la feuille d’exercice lui est tendue, Léana est prête. Les conseils que Kaïs lui a prodigués à travers des petites notes dans la marge de ses cahiers lui reviennent immédiatement en tête alors que son regard parcourt les différents exercices. Elle se tourne discrètement vers le blond et lui adresse un geste de la main. Je vais tout déchirer. Le ricanement de son ami d’enfance résonne dans la salle de classe avant que le professeur ne lui ordonne de se taire.

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