Chapitre 3: The End
"Pâques est une magnifique journée."
Pawn 10/16
Il fait bien sombre, au loin, dans la bruine, une nuée de torches porte une mégère sur l'épouvantail de leur croyance, il fallait que tout le monde voie la pureté de cet oiseau souillé par les langues rouges.
On voyait les dévots ricaner et jubiler du chant de la colombe étouffé par le ciel, l'œil fermé semblait satisfait.
Des monticules blanchâtres attendaient qu'on les accroche comme des tableaux sur des murs de bois.
Les saintes tocsines sonnaient à tue-tête, les vibrations résonnaient dans toute la vallée, pour les fidèles.
C'est une belle journée pour renaître.
Des capuches sortaient du cloître sculpté par les morts, j'allais à contresens, je sentais leurs épaules s'entrechoquer contre les miennes, une gigantesque armée, la chaîne autour du cou, esclaves de leur foi.
À l'intérieur, les voix des éprouvés chantaient des prières hypocrites.
Les pierres étaient tachées de sang coagulé, il avait séché et sentait le métal, l'entrée se refermait comme une gigantesque mâchoire.
Les croyances existent pour nous donner un repère, nous dire que notre existence peut être expliquée, elles nous rassurent.
Nous dictant des dogmes tous plus absurdes les uns que les autres.
Sans cette pensée, le monde serait qu'une gigantesque boule écarlate, et les corps, cherchant une explication à leur malheur, se dévoreraient sans pitié ni pardon de quiconque.
La voie sainte et la décadence sont des créations, rien n'existe après le trépas et, même si c'était le cas, alors personne ne rejoindrait notre bâtard qui est aux cieux.
Il est finalement mort dans son fauteuil, ultime crachat de sa part à notre égard.
L'espoir est tout ce qu'il reste dans la boîte des malheurs.
Nous persuader que notre place s'obtient par de nombreux sacrifices et de l'abnégation n'a aucun sens.
Faire face à une vérité est plus douloureux que mille mensonges.
Le néant nous attend et nous attrape chaque jour un peu plus.
Notre sablier est percé et le sable s'écoule entre nos doigts.
Pourrit et devient de la poussière, on le retournera, ne t'inquiète pas, mais tu ne seras plus là pour voir le résultat, quel dommage.
J'ai envie d'être comme vous, pauvre et ignorant.
Mes sanglots ne seront jamais écoutés, et c'est bien ce qui me ronge, vivre dans un halo baigné d'une lumière aveuglante aurait été si facile...
Mes yeux sont clos et se noient dans la vacuité, dans un flot incessant de vacuum.
À travers le vitrail, je voyais la douce et magnifique ironie danser avec joie autour de l'être saint aux ailes écrabouillées par des clous rouillés.
Qui sont les véritables vénérables ? Oh ! êtres omnipotents et bienveillants !
Je fermais la porte et mon esprit, me retrouvant face à ma pièce obscure au recoin sans lueur.
Je posais ma main sur le verre poli, me mettant à nu.
Les cheveux avaient été consumés, des boursouflures cuirassées parcouraient mes jambes, mes bras, mes mains, ma cage thoracique, mon crâne.
Je détestais ce que je voyais.
L'eau perlait sur mon corps, transi, glaciale, telles des griffes qui m'arrachaient le dos, taillant mes muscles jusqu'aux fibres.
Je me sentais comme l'être sortant du ventre de la création, malingre et frêle, avalant de grandes bouffées de rubicond jusqu'à étouffer ses poumons.
Je tenais dans mes bras le dernier élément de ma litanie, il était lourd et épais comme un rocher d'onyx.
Ma corde métallique s'enfonçait doucement dans mes tissus, de tous sens et directions, le liquide coulait au sol sur les peintures blanches, tracées à la craie, modelées avec la fange rampante et les cendres des phénix peuplant les arbres du cloître.
La douleur parcourait mes os comme le serpent s'enroulant autour de mon tronc, comprimant mon abdomen, tout semblait flou et je toussais pour expulser le vin pâteux et visqueux qui essayait de rentrer dans ma gorge.
Accepteras-tu cette dernière offrande ?
Les cloches et les trompettes faisaient bourdonner mes tympans, les bruits stridents étaient comparables à une aiguille qui s'enfonçait doucement dans mon crâne.
Le cercle brillait d'un éclair safran, déchirant l'espace et le temps, de ma peau exhalait un méphitique relent de pourriture infectieuse.
Mes nerfs commençaient à fondre comme si je baignais dans un puits d'acide, peu à peu mon épiderme se décollait, faisant des flaques brûlantes et bouillonnantes sur le sol, je ne ressentais presque plus rien.
Mon visage suivait le même sort abject, je sentais déjà la malédiction dévorer mes joues, j'entourais ma gorge, tirant de toutes mes forces.
Mes paupières se fermaient, laissant rouler ma tête sur le carrelage, il se désintégrait, se désagrégeant dans l'atmosphère en une poudre noire...
Un silence avait pris place, je n'entendais que le bruit d'un objet qu'on traînait au sol.
Apaisé.
"- Se réveillera-t-elle de son éternelle torpeur ?
- Le marionnettiste n'a pas fini de tordre sa poupée, quel triste destin que d'être le jouet d'un être indicible... et sûrement imbécile par ailleurs.
- Y en a-t-il un autre ?
- Probablement, mais je vais te dire une chose... Quand on est finalement arrivé à la conclusion logique qu'on n'est qu'une image illusoire dans la conscience somnolente d'un autre individu – sûrement omnipotent –, mieux vaut à mon avis se taire... Quel étrange monde, Sophie... quel étrange monde...
- Aurons-nous un jour le repos ?
- Le seul moyen de pouvoir être réellement libre serait de disparaître à jamais, d'être à ses côtés... Pour échapper à ses yeux, il faut pouvoir s'effacer des lignes quelles qu'elles soient...
- Nous sommes donc... condamnées ?
- Tant qu'il l'aura décidé, oui...
- Ils sont mauvais...
- Pas tous... mais celui-ci, oui. Si nous avions du pouvoir, serions-nous un être saint ou un tyran ?
- ...Qu'en est-il d'eux ?
- Eux ? Ce ne sont que des spectateurs de notre désarroi. Seul l'horloger peut arrêter sa machine...
- Je vois...
- Rendors-toi... tu en auras besoin pour plus tard..."
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