Chapitre 8: Cas de conscience.

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Si Yanz savait désormais ce qu'une partie de son avenir lui réservait, il ne l'acceptait pas si facilement. Il voulait rester maître de son destin, et jusqu'au dernier moment de sa vie s'il le pouvait. Cela ne l'empêchait pas de penser aux paroles de Marianna. Il pouvait certes continuer de fuir avec elle encore et toujours, mais il pouvait aussi se trouver un but, un nouvel objectif à atteindre, ne pas rester passif. La succube l'avait dit : les morts revenues sur terre, ce n’était ni l'enfer ni le paradis. Enquêter sur la cause de cette apocalypse zombie l'occuperait, lui ferait passer le temps jusqu'à son trépas. Cela le soulagerait et lui rendait espoir. Peut-être que s'il y parvenait, le type d'en haut pourrait le libérer de Marianna et de son destin démoniaque. Ou peut-être trouverait-il le remède dans sa quête.

Cela lui posait cependant un problème. S'il le faisait, il ferait exactement ce à quoi son pacte avec la diablesse l'obligeait. Il enquêterait pour le compte du grand cornu, et ça, c'était contraire à sa volonté de trouver une solution. La fatalité se muait en espoir. Et Marianna dans tout ça ? Elle n'avait pas besoin de savoir son plan. Du moment qu'elle était obligée de le suivre, et elle ne pourrait pas l'empêcher d'agir comme il le voulait. Il la regarda dormir, prenant à malin plaisir à imaginer sa tête quand elle comprendrait enfin ce qu'il faisait.

Sa première décision fut de se préparer à quitter la ville. Cette fois, il ne le ferait pas dans l'urgence et prit le temps de rassembler le nécessaire : couvertures, provision, faire entretenir son épée, et une nouvelle robe pour Marianna, pour qu'elle attire moins l'attention, l'ancienne s'usant vite à force de voyage chaotique parsemé d'obstacles et d'ennemis. Le plus dur serait de la lui imposer, il en avait bavé la dernière fois.


Encore fallait-il réveiller la diablesse.

  • Allez, debout !

Pas de réponse. Il recommença en élevant de plus en plus la voix. Mais aucun résultat.

  • Si c'est comme ça...

Yanz décida d'employer la manière forte. Il poussa la succube, mais celle-ci se contentait de rouler, et de revenir en place. Elle se payait même le luxe de se prélasser comme un félin, ronronnant par la même occasion. Il ne se désarma pas, la bouscula encore une fois, mais celle-ci se mit immédiatement à faire un caprice.

  • Vilain le Yanz ! Laisser Marianna dormir, ou venir la rejoindre pour un câlin.

  • Pas question, j'ai déjà choisi notre future destination

  • Mais Marianna vouloir rester au lit ! Y'a quoi de plus drôle et intéressant à faire que ça ?

  • Tu as bien dit qu'on ne savait pas d'où venaient les zombies ? Moi j'ai envie de savoir donc on va remonter leurs pistes et en trouver l'origine.

  • Mais ça veut dire taper des trucs moches et puants donc moins de câlin ! Marianna veut pas !

  • Je ne te laisse pas le choix. De toute façon on a un pacte qui t'oblige à me suivre, non ?

  • Ha ! Maintenant ça t'arrange ? Avant Marianna devait toujours te le rappeler. Mais tu sais que si on va faire la bagarre, va falloir nourrir ta Marianna. Tu devoir faire beaucoup de câlin.

  • Donc de quoi tu te plains ? Tu auras ce que tu veux et moi aussi. Par contre, je n’ai pas envie qu'on se fasse remarquer, donc tu vas porter cette robe.

  • Pas besoin, si on va là où y'a les trucs tout moches, y'aura pu personne pour se soucier de la tenue de Marianna. Puis, même si Marianna avoir câlin en route, elle être quand même déçu. Marianna vouloir passer ses journées au lit avec son Yanz.

L'intéressé ne répondit pas. Il savait très bien que cela serait une perte de temps. La succube n'en faisait qu'à sa tête quand il cherchait à négocier. Ainsi rassembla t-il ses affaires et quitta la maison, conscient que Marianna serait forcée de le suivre. S'il devait commenter la situation, il l'aurait qualifié de calme, apaisante, limite ennuyante parfois. La succube ne faisait que bouder, frustrer de devoir repartir en voyage.

Traversant une forêt baignée de lumière contrastant merveilleusement avec l'ombre des feuilles, il aurait dû apprécier cette situation. Mais pas cette fois. Il voulait de l'action, de la confrontation.


Qu'il fut content lorsqu'il rencontra enfin autre chose que des arbres sur son chemin ! Des centaines de zombies, et une bande de brigands et de déserteurs suffisamment nombreux pour s'en sortir seuls. Oui, mais c'était sans compter sur Yanz.

Ce fut avec joie et amusement que le jeune homme se jeta sur les morts-vivants. Il les taillait en pièces avec décidément plus de facilité qu'avant. Force, vitesse, dextérité, tout semblait s'être amélioré chez lui depuis quelque temps. Cela aurait dû l'interpeller, mais non. Il souriait du carnage qu'il faisait, les autres humains présent aussi, heureux du renfort qu'il représentait. Ils déchantèrent bien rapidement, quand ce même Yanz s'extasia et rigola à gorge déployée en continuant sa percé jusqu'à eux.

Comme il prenait du plaisir à trancher et démembrer les zombies, et n'arriver pas à trouver cela gênant. Pas plus lorsque ce fut les brigands et les déserteurs à qui il fit subir le même sort, léchant leur sang lorsqu'il giclait sur son visage. Seul debout à milieu d'une marrée pourpre, il s’exaltait de son carnage. Cette sensation, c'était la même qu'il avait déjà ressenti et vécu Presburg. Non, cette fois c'était différent. Il avait haï cette situation à l'époque alors que là, il la trouvait agréable : il aimait ça !

Puis, autre changement de scénario, le comportement de Marianna. Celle-ci n'essayait pas de le stopper ni de le calmer. Elle le regardait avec le visage malicieux, excité, pervers. Elle aussi semblait se délecter de la scène, fait qu'il pensait temporaire, qu'elle ne faisait que durer le plaisir. Lorsqu'elle s'approcha, il pensa qu'elle mettrait bientôt un terme à sa folie sanguinaire. Mais très vite, il douta des intentions de la succube. Elle lui tournait autour tel un fauve autour de sa proie. Alors, Yanz chercha à comprendre :

  • Tu ne vas pas essayer de me canaliser comme la dernière fois ?

  • Marianna pas envie.

  • Pourquoi ? Tu as peur de te retrouver submergé à nouveau ?

  • Non. Marianna ne courir aucun risque. Et puis, c'est surtout que Marianna n'avoir pas besoin de faire ça. T'as fini de tout massacrer, du coup c'est trop tard, et y'a plus de témoins.

  • Et les anges ?

  • Bah, ça changerait pas grand-chose. Ils sont déjà débarqués chez les vivants. Non, Marianna juste envie de profiter de l'instant.

  • Profiter, hein ?

La succube le dévisagea avec étonnement. Si Yanz avait pu se voir dans un miroir à cet instant, il en aurait été lui-même choqué. Le sourire carnassier d'une bête féroce, le visage déformé par la folie, le regard empli de vice. Oui, il venait littéralement se sombrer dans ses ténèbres intérieures. Ou plutôt, d'y faire encore un pas. Était-ce définitif ? Impossible à dire, mais en cet instant, il n'y avait plus que son corps qui conservait une part d'humanité. Son esprit, lui, dictait des intentions bien plus malsaines.

Ce visage vicieux, Marianna l'avait déjà vu une fois. La fois où Yanz lui avait volé l'initiative d'une nuit bestiale. Elle s'attendait à revivre un acte similaire dès qu'ils auraient trouvé un lieu adéquat. Elle s'imaginait très bien la scène, tellement qu'elle ne comprit pas le comportement du jeune homme: il l’attrapa, arracha sa robe, baissa sa culotte de cuir et la plaqua dans la marre de sang. Oh oui, Marianna fut très surprise. Surprise, certes, mais pas déçue. Et cependant, ce n'était en rien comparable à la dernière fois où il avait pris les devants.

Le décor ? Une forêt sombre et humide. Leur couche ? Un sol ensanglanté, crasseux, effrayant. Lui ? Le mal incarné tant dans ses gestes que dans son regard. Et malgré tout, la succube souriait. La main de Yanz l'étranglait tandis qu'il la culbutait. Elle adorait ça. Les griffes de Marianna pénétraient le torse et le dos du jeune homme, faisant couler son propre sang qui se joignait à leur lit d'hémoglobine: il en était heureux. Yanz enfonça ses ongles pointus dans la poitrine de la démone, son liquide de vie se mélangeant à celui du monstre sur elle. Elle irradiait de bonheur.

Il la giflait, l'écrasait, la traitait comme une chienne, mais elle riait comme une démente. Elle le griffait, l'écorchait, le mordait, et il se gaussait. Il l’humiliait, la fessait si fort qu'elle en saignait, la culbutait avec violence, elle en redemandait encore et toujours plus, hurlant sa joie et son plaisir. Puis, ils finirent enfin par tomber d'épuisement, recouvert de sang et de boue telles deux bêtes enragées vautrées, roulées, emboîtées dans la fange. Bien sûr, un esprit sain trouverait la scène cauchemardesque.

Et d'ailleurs, en ouvrant les yeux et en contemplant Marianna, Yanz comprit aussitôt qu'il avait passé un palier de plus vers l'enfer. Et malgré tout, il avait toutes les images bien implantées dans son cerveau, et n'éprouvait aucun remords face aux sévices infligés à la succube. Il en était même fier tout en se sachant monstrueux. Car monstrueux il l'était.


Il connaissait très bien les circonstances. Que s'il avait fait subir cela à n'importe quelle autre femme, il ne se le serait jamais pardonné . Mais Marianna n'en était pas une malgré son apparence, tout comme lui  ne tenait plus de l'homme que par le nom.

Deux monstres de vices et de cruautés, voilà ce qu'ils étaient, et plus jamais Yanz ne pourrait revenir en arrière. Il le savait , mais n'arrivait toujours pas à l'accepter. Ou plutôt, pas entièrement. Pourtant, une ironie dans la situation se marquait sur le visage de la diablesse. Celle-ci était aux anges.

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