Seule

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Je suis seule, là, assise derrière mon pupitre. Nous sommes en deux mille six et c'est aujourd'hui que je commence mon CM1, dans cette nouvelle école primaire. Je viens d'arriver, je suis nouvelle et déjà tout le monde me toise. Je fais en sorte de ne croiser aucun regard et sors mes affaires tranquillement, avec une légère appréhension. L'enseignante commence son cours, ce matin c'est Français. Je m'applique, comme toujours. J'aime que mes cahiers soient propres et j'aime énormément écrire. Je me laisse happer par l'intéressante leçon, aujourd'hui j'apprends à classer les verbes selon leur groupe. Le temps défile et l'heure de la récréation retentit, l'horreur. Moi qui suis si timide et réservée je vais devoir me mélanger à tous mes camarades. Je sors de la classe, traverse les différents couloirs et évite de justesse un garçon qui quitte précipitamment les toilettes.

Ca y est, j'y suis. La cour bétonnée me paraît immense. Tout le monde crie, hurle, rigole et joue. J'aperçois un banc vide, je me dirige vers celui-ci et m'y assieds tranquillement. J'observe. Les enseignants sont à quelques mètres de moi, elles discutent les jambes croisées, tout en jettant un oeil sur ce qu'il se passe autour d'elles. Une fille, pas plus grande que mon mètre vingt-cinq, se plante devant moi, comme sortie de nul part. Elle me dévisage un instant, puis me demande: "Pourquoi t'as les cheveux court ?". C'est la première fois qu'on me pose cette question. Sans attendre, je lui réponds que c'est parce que j'ai toujours eu les cheveux coupés très court. Sa réponse ne se fait pas attendre "C'est très bizarre pour une fille qui n'est pas malade d'avoir les cheveux aussi courts". Puis de la même manière qu'elle est arrivée, elle s'est éclipsée. Je suis restée là, bléssée, sans n'avoir rien à dire. Quelques minutes à peine se sont écoulées, lorsqu'un garçon à la peau basanée s'approche de moi. Je ne lui souris pas et reste méfiante. Ce dernier s'assoit à côté de moi et me demande si je veux le rejoindre lui et ses amis pour jouer. Je décide de faire un effort, et de prendre sur moi. J'accepte. Je le suis quelques mètres plus loin et me place près de ses amis. Les règles du jeu me sont expliquées et pour que je m'intégre définitivement dans le groupe, mon interlocuteur à la peau bronzée me propose de me donner un surnom. Allons-y, pourquoi pas ! Ils réfléchissent, me dévisagent et se creusent les méninges. Ils chuchotent les uns avec les autres. Eureka ! ils ont trouvé LE surnom, "Poireau". Je ne comprends pas, est-ce bien ce surnom qu'ils ont choisi ? Me voyant dans l'étonnement le plus total, mon interlocuteur m'explique pourquoi ils m'ont choisi ce merveilleux surnom. "Mais oui regarde, tu as un grain de beauté juste au dessus de l'oeil et en plus il y a des poils dessus, comme un poireau !". Ils ont éclaté de rire. C'est la première fois qu'on me fait remarquer que j'ai cet horrible grain de beauté disgracieux au dessus de l'oeil droit. Grain de beauté dont je ne suis absolument pas fière à seulement dix ans.

La sonnerie a une nouvelle fois retenti, mettant fin à la récréation. Mes petits camarades de jeu se sont précipités vers l'établissement, sans même m'accorder un regard. Je suis bléssée. Les larmes montent, mais ne tombent pas. Voilà donc l'accueil quelque peu déroutant que m'a réservé cet établissement.

Ce surnom m'a suivit du CM1 jusqu'en sixième. Ensuite, il a vite été remplacé par un second surnom. Mon parcours scolaire a été un chaos social total du CM1 jusqu'en seconde générale. Le morceau de texte ci-dessus vous raconte comment tout à commencé. Il faut savoir qu'à l'époque, le terme de "harcèlement scolaire" était très peu ou même pas du tout employé, aucun enseignant n'était formé et aucun adulte ne se posait la question sur le sujet. Moi même je trouvais ça "normal" d'être traitée ainsi. J'ai longtemps hésité avant de pouvoir me livrer à ce sujet, mais tôt ou tard il faut crever l'abcès. Pour le défi, je m'en suis tenu à cet échantillon de mon parcours scolaire, mais je compte bien écrire la suite.

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