Chapitre 4
But if only you could see yourself in my eyes
You’d see you shine, you shine
(Mais si seulement tu pouvais te voir dans mes yeux
Tu verrais que tu brilles, tu brilles)
Je me sens voler, tourner, virevolter. J’entrevois mon reflet dans le grand miroir, mais je continue. Je n’ai pas besoin de me voir danser, je sais à quoi je ressemble. A une fille assurée qui cache ses faiblesses, qui refuse d’être sensible.
Je ferme les yeux. Je connais les pas, je sais. Cette chanson, je danse dessus depuis que j’ai cinq ans. C’est grâce à elle que j’ai commencé la danse. Mon père n’arrêtait pas de la chanter, avant. C’était un peu notre signe. Sur cette musique, on se reconnaissait. On se comprenait, on se retrouvait.
Keep your hand inside of mine
And then when everything is over
I hope to thing of this as better times
(Garde ta main dans la mienne
Et puis quand tout sera terminé
J’espère penser à notre histoire comme à une époque meilleure)
La chanson continue et moi non plus, je ne m’arrête pas. L’air monte crescendo et mon corps bouge en rythme avec la musique. Je me sens bien. Je me sens libre.
Mes émotions, mon stress, ma fatigue. Tous s’envolent avec les notes de musique. La danse, c’est mon moment libérateur de la semaine. J’en ai besoin et, au fil des années, c’est devenu comme un besoin vital. Je ne pourrais plus m’en passer.
Il y en a qui se droguent, d’autres qui boivent de l’alcool ou fument. Moi, je danse sur Lost de Dermot Kennedy.
Les notes disparaissent peu à peu et je ralentis en même temps que la musique. Quand enfin le silence se fait dans le studio, j’ouvre les yeux. Comme à mon habitude, je suis seule dans la vaste pièce. La lumière est éteinte et je suis seulement éclairée par le soleil qui commence à colorer l’espace d’une belle couleur orangée. C’est joli.
Je reprends ma respiration et j'ai un peu d’ordre dans mes cheveux. D’un pas fatigué, je m’approche du grand miroir qui couvre un mur entier du studio de danse. J'observe mon reflet. J’ai déjà meilleure mine que ce matin ; mes cernes sont cachés, mes cheveux ont repris leur volume habituel et mon teint a repris sa couleur d’origine.
— C’était beau.
Je me retourne vers la porte pour faire face à Claire. Claire est mon professeur de danse. Elle a toujours été là pour moi. Quand je tombais, quand je me relevais. Elle a même fini par accepter de me donner un double des clés pour que je puisse venir danser la semaine après les cours. Claire a toujours rempli le rôle de ma seconde mère. Pas que je n’aime pas la relation que j’entretiens avec maman ! C’est juste que Claire est… ma maman de la danse ? Je ne sais pas si ça fonctionne, mais ça me convient.
Je la vois s’approcher de moi et je passe une main dans mes cheveux pour les recoiffer. Claire s’arrête à quelques pas de moi et me sourit.
— C’est fou comme tu progresses. Je me souviens encore de la fois où tu es tombée en essayant de faire une pirouette.
Un sourire maladroit se dessine sur mon visage. Oh oui, je m’en souviens bien. Je devais avoir autour de sept ans. Je suis mal tombée et me suis cassée le poignet. Papa et maman sont venus me trouver à l’hôpital avec Sam qui n’était encore qu’un petit nourrisson. Je crois que ce jour-là, on a tous eu très peur. Heureusement, c’était une blessure superficielle et, aujourd’hui, je préfère en rire.
— Tu ne veux toujours pas participer à un concours ? m’interroge Claire.
Je secoue la tête.
— Non, ça ne m’intéresse pas. Je préfère rester ici.
— L’un n’empêche pas l’autre, essaie d’argumenter Claire.
— Peu importe. Pas de concours.
Que ce soit Claire ou mes parents, ils ont toujours insisté pour que je participe à un concours de danse. Ils prétextent que je me débrouille vraiment bien et que je pourrais peut-être être accueillie dans une université de danse. Mais je ne veux pas. Les concours, ce n’est pas pour moi et je l’ai accepté depuis longtemps. De plus, danser est une passion, je ne veux pas en faire mon avenir. Il s’agit d’une activité que je pratique pour décompresser après une dure journée, pour souffler quand j’en ai besoin. Mais c’est tout. Je ne souhaite pas que ce soit plus.
— Bon, comme tu voudras. Mais n’oublie pas que si tu changes d’avis, je suis là.
J’acquiesce et souris à Claire. Ses cheveux blonds sont rassemblés en un chignon qui tient au-dessus de sa tête. Si je ne connaissais pas son âge, je n’aurais jamais deviné que celui-ci avait déjà passé la cinquantaine depuis longtemps. Elle paraît si jeune ! C’est à peine si une ride vient barrer son front.
— Je te fais signe si c’est le cas.
— Bien. Oh, et Léna ?
— Oui ?
— Je voulais te demander un service. Enfin, je sais que c’est un peu beaucoup, mais je-
— Dis-moi, je la coupe.
Elle me sourit. Claire sait que je ferai tout ce qu’elle me demande. C’est la moindre des choses quand on sait tout ce qu’elle a fait pour moi.
— Tu sais que je donne aussi des cours aux enfants et adolescents., commence-t-elle.
J’acquiesce. Bien sûr que je le sais ! J’ai moi-même participé à ce cours jusqu’à mes quinze ans. Aujourd’hui, je suis dans le cours adulte. Bien que j’ai dix-sept ans, Claire a déclaré il y a longtemps déjà que je pouvais danser avec les adultes, que j’avais leur niveau - si pas plus.
— Eh bien je m’étais dit que tu pourrais peut-être leur donner un cours, un de ces jours. Je suis sûre que ça ferait plaisir à tout le monde de te revoir.
Oh. C’est vrai, je les aime bien. Mais comme vous l’aurez sûrement compris, je ne suis pas vraiment douée avec les relations sociales. Enfin, si Claire insiste, je ne vais pas refuser, mais j’avoue que, si je pouvais m’en passer, je ne dirais pas non. Claire doit voir l’hésitation sur mon visage, car elle précise :
— Tu n’es pas obligée, évidemment ! Si tu veux, tu peux juste venir nous dire bonjour ou bien même participer à un cours. Je sais juste qu’ils m’ont tous demandé s' ils allaient bientôt te revoir. Tu leur manques, ajoute-elle avec un petit sourire attendri.
Elle sait comment m’avoir par les sentiments, c’est sûr ! Dit comme ça, qui pourrait refuser ? De les voir, bien sûr ! Je ne suis pas prête à leur donner cours. Cependant, participer à un cours avec mes anciennes connaissances pourrait être chouette.
— D’accord. Je veux bien participer à un de tes cours. Mais je ne me sens pas encore prête à être professeur.
— Pas de problème, me répond Claire, visiblement ravie. Enfin, je vais te laisser, il se fait tard et j’ai encore du travail pour demain. Tu fermeras en partant ?
— Comme toujours.
Elle me fait un clin d'œil avant de quitter le studio. Je la suis du regard et la regarde disparaître. Le soleil commence à disparaître et la pièce devient de plus en plus sombre. Je décide donc de partir moi aussi. Je me baisse pour prendre et éteindre mon baffle, j’enfile ma veste par-dessus mon t-shirt et mon legging et je lance mon sac sur mon dos. Dans un dernier mouvement, je chausse mes baskets et quitte le studio, comme Claire précédemment. Comme elle me l’a demandé, je ferme à clef et je m’en vais.
Je n’habite que quelques rues plus loin, ce qui me permet d’arriver chez moi en quelques minutes à peine. Je rentre et me dirige vers ma chambre. Là, je me laisse tomber sur mon grand lit, les bras écartés, et j’hume le parfum de propre du matelas. Je suis enfin chez moi, je vais pouvoir me reposer. Parce que, bien que j’ai passé une bonne journée, ma batterie sociale est épuisée…
***
Bon, comme j'avais dit, il est arrivé rapidement. J'avoue, j'ai vraiment bien aimé écrire ce chapitre et je crois que pour l'instant, c'est mon préféré. C'est vrai que je n'en ai écrit que 4 mais j'ai trouvé celui-ci plus touchant.
Dites-moi ce que vous en pensez !
Pour le chapitre suivant, ce sera un peu plus long mais il ne devrait pas tarder pour autant. Je pense qu'il sortira avant la fin de la semaine.
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