3615 ma vie, épisode 2

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Aujourd’hui, tout est permis, enfin ! Ce n’était pas prévu comme ça, mais quand même un peu. Parce que ça a d’abord carburé dans la tête avant de me sentir prêt à le faire. Juste un peu. 20 ans. C’est un peu long me direz-vous, niveau maturation.

L’idée de départ était de me faire percer l’oreille. Mais à vingt ans, je n’osais pas. Fichtre non. À l’époque, je n’osais pas totalement sortir du placard et être moi-même : un garçon qui aime les garçons, et encore moins porter un petit anneau argenté. Même pas en rêve. La honte. Dans ma tête, ça signifiait : hé, ho, les gars, regardez, j’en suis. Je la sors enfin… Ma pancarte, avec écrit en gros : PD et fier de l’être ! Dans ma tête, oui, je sais, c’était pas mal le bordel (pas plus que ce sacré Julien, mon dernier personnage dont j’ai écrit une petite historiette au début de l’été). J’enviais les mecs qui en portaient, qu’ils soient hétéro ou homo, peu importe. Je leur trouvais un petit côté sexy craquant qui me plaisait beaucoup. Je me collais moi-même, tout seul comme un grand, des préjugés et des idées préconçues quant à la signification de cette fameuse “boucle”. Fallait-il la porter à gauche, à droite ? A gauche, on m’avait dit que c’était un signe d’affirmation de son homosexualité… Aux Etats Unis, dans les années 80. Sauf que moi, j’étais en France, en province, à la fin des années 90.

Bref, le temps a passé. J’avais cru avoir enterré ce projet une bonne fois pour toutes… Sauf que… Il y a évidemment un Sauf que. Sinon, ça ne serait pas drôle. Je vous parle de cette petite musique lancinante qui rôde dans votre tête quand il y a un truc qui somnole en vous et qui remonte à la surface de temps en temps. Ça vous dit quelque chose ? Mais oui, j’en suis sûr… Pitié, dites moi que cela vous arrive à vous aussi. Le truc que vous avez bien planqué sous le tapis, et que vous redécouvrez “comme par hasard” de temps en temps quand vous faites le ménage… Dans votre tête.

J’avais plusieurs fois évoqué cette envie à ma moitié d’orange, histoire d’avoir son opinion sur le sujet. Il avait accueilli le truc sans grand enthousiasme, sans intérêt particulier, lui n’étant pas friand de ce genre de bijoux. Cela ne m’avait ni encouragé à progresser sur la question et encore moins à me donner le moindre élan. Sa réponse avait été néanmoins la suivante : si tu en ressens le besoin, vas-y, fonce. Tu es bien libre de faire ce que tu veux avec ton corps.

Mais revenons à ma tête. Cette année, on va dire que ce fût un grand nettoyage dans la mienne. Surtout ce printemps. Inconsciemment, l’écriture (sur cette plateforme) a dû aider. J’ai même réalisé (juste avant de franchir le pas) que, cet hiver, j’avais écrit là-dessus (Merci à mon personnage Tristan d’avoir osé avant moi). Et ce printemps, une amie me dit que je suis véritablement en train me choisir dans la vie (non pas que je l’avais jamais fait auparavant, mais ayant franchi la quarantaine, il s’est avéré qu’un nouveau chemin s’ouvre à moi et qu’il serait dommage de ne pas l’emprunter). Sa phrase me fait pas mal réfléchir, elle a fichtrement raison.

Et voilà qu’au début de l’été, au détour d’une conversation, toujours avec cette amie, je formule à voix haute que j’ai toujours voulu me faire percer une oreille et que… Bêtement, je ne l’ai jamais fait. Elle désamorce le truc en me disant, que ce n’est pas du tout bête de ma part et qu’avant tout, il faut le sentir, le truc. À ce moment, je réalise que toute l’appréhension ou les clichés que je portais en moi depuis des années n’existaient plus. Envolés, finis, nada. Comme si j’écoutais enfin mon intuition. Au lieu de reposer la question de savoir pourquoi je le voulais et qu’est ce que cela m’apporterait. Je réalise qu’à ce moment précis, c’est une évidence. J’ai juste envie de le faire. Non pas pour m’affirmer ou par provocation, mais juste envie de le faire pour moi. J’avais tant imaginé mon visage avec une boucle à mon oreille que je trouvais ça presque ridicule d’avoir attendu tant d’années pour le réaliser. À ce moment-là, je perçois aussi un regard différent chez ma moitié. Un encouragement, son assentiment. Il sait que je suis prêt.

Le lendemain, ni une, ni deux, je commence à me renseigner où je peux me faire percer. Mon rendez-vous est pris chez un bijoutier. C’est décidé, je le fais après mes vacances au bord de la mer, car on m’explique qu’il est préférable de le faire après mes baignades dans l’océan, pour des questions d’hygiène et de cicatrisation. Il va donc falloir attendre trois semaines. Trois longues semaines. Trois semaines à frétiller, à cogiter sur le choix de l’oreille (ah ah ah, décidément, je suis méga grave).

Ok, j’attends. J’arrive donc en vacances au bord de la mer, dans ma station balnéaire préférée où je traîne les pieds depuis plus de quinze ans. C’est l’été, il fait chaud, les garçons sont bronzés (aucun rapport, je sais, mais c’est vrai, ils le sont) et je suis décontracté… Et j’ai bien envie de passer devant l’enseigne d'un tatoueur et perceur, histoire de me renseigner, juste comme ça…

Quinze minutes après, je ressors avec l’oreille percée… Avec un beau piercing, tout simple, tout beau à l’oreille…Gauche. Le truc que je n’avais pas du tout envisagé ! Le mec qui m’a reçu m’a tout de suite été sympathique. Il a bien su m’expliquer les choses, m’a mis en confiance direct, et m’a assuré que me baigner avec ne craignait absolument pas (fais pas non plus du sous l’eau pendant une heure “jeune homme”). Et à la question de savoir si le perçage était douloureux, il m’a juste répondu : pas pire que lorsqu’on t’arrache deux poils de cul. Évidemment, j’ai foncé.

Aujourd’hui, cela fait 15 jours que je porte ce piercing. Mon mec kiffe à mort. C’est comme si je l’avais toujours porté. Il fait partie de moi. Je suis ravi.

(Août 2022)

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