Préparation : Chapitre 20

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Le lendemain à l'aube, les hommes du MLF avaient déguerpis et au QG, malgré tous les moyens d'informations disponibles, impossible de connaître le but de leur manœuvre. Terminer la mission devint primordial. De nouveaux rescapés seraient accueillis dans les prochaines heures. Hors de question que des civils dorment à la belle étoile au risque de compromettre l'existence encore secrète de la RF, avait fustigé le Commandant.

Ainsi, Olympe rejoignit Loïc dans le bâtiment principal où en fond se jouait La Fête de Trop de Eddy de Pretto. Le fauve ronronna, la folie s'endormit, du répit, enfin. Voyant son binôme arrivée, l'homme tout sourire l'invita à fermer les yeux. Ce collège métamorphosé en QG secret de résistance face à l'oppresseur, le conflit qui se profilait, sa liberté relative... Fermer les yeux sur la réalité de l'instant lui arracha un sourire dont la contraction sincère de ses zygomatiques l'enveloppa d'une douce sensation. Du bonheur ? Difficile à dire quoiqu'il en soit, lorsqu'il lui proposa de les ouvrir, devant elle, le Graal : Démêlant, brosse à cheveux et pour parfaire le tout, une montre.

— Mais bordel comment tu as fait pour dégoter tout ça en si peu de temps ? Hier soir tu dormais quand je suis revenue de ma douche !

— Ah ah, ça t'en bouche un coin hein ? Je ne peux pas te révéler tous mes secrets, sinon je ne serai plus indispensable dans ta vie !

Pouvait-il comprendre à quel point cette gentillesse et cette prévenance attachaient Olympe à ce que la vie pouvait offrir de meilleur ? Blottie contre son torse et sans un mot, une amitié se créait. Trop de négativités, trop d'angoisses... Ces quelques minutes légères adoucirent sa poitrine tremblante.


Après avoir achevé les préparatifs du nouveau dortoir, retour à la mission principale : l'accueil des rescapés de la matinée. La culpabilité fit rapidement surface. Comment pouvait-elle sourire alors que sa famille se trouvait peut-être séparée, perdue, blessée ou pire ? Avec les précieux instants en compagnie de Loïc, elle en avait presque oublié que dehors, la dictature s'installait. Il lui fallait des réponses et vite. Dans la cour, elle fondit sur le lieutenant. Qu'en était-il de sa meute ?

— J'ai besoin que vous alliez accueillir les nouveaux arrivants. Nous en acceptons jusque treize heures, au-delà, il sera trop tard. Cet après-midi commencera le début de la formation pratique des sélectionnés pour devenir combattants. Nous avons décidé d'avancer le timing. Donc autant vous dire que vos inquiétudes concernant votre famille, sont les cadets de mes soucis, avait-il vociféré.

La pensée s'était incrustée sur son visage et elle le savait. Le cadet de ses soucis ? Ses yeux parlaient pour elle. Ruminant sa rage et sa colère à l'encontre du seul qui pouvait l'aider, elle s'installa malgré tout au bureau. Pouvait-elle réellement lui faire confiance ou se servait-il d'elle afin d’étoffer les rangs de la RF ?


Vers midi, pour parfaire la journée n'ayant pas commencé sous les meilleurs auspices, une pluie d'orage typique de l'été, lourde et chaude, s'abattit sur les combattants et les réfugiés. En rang dans la cour, le Commandant Plantain s'adressa à tous, accompagné du Capitaine Dinter ainsi que de quatre autres hommes, dont le lieutenant Bela.

— Mesdames, messieurs, nous vous avons réunis dans cette cour pour vous faire part de quelques informations dont vous devez avoir connaissance. La plus grande ville de la communauté de communes de l'Artois est tombée tôt ce matin aux mains du MLF grâce au préfet qui a dépêché une unité de l'armée de terre française pour aider les miliciens. L’État Français a donc pris la décision de collaborer et de céder face à l'ennemi. Nous devenons seuls résistants face à la doctrine totalitaire et meurtrière du MLF. Nous coordonnons actuellement nos actions et nos moyens avec les autres branches régionales de la RF, ainsi qu'avec des groupes armés résistants anglais et allemands. Nous allons dès à présent définir les groupes d'actions qui permettront à la RF de combattre localement et rapidement l'ennemi. Quatre sections de quinze combattants, dirigées par un lieutenant et sous les ordres du capitaine Dinter et de moi-même, seront mises en place à l'issue de cette journée. Quand votre nom sera prononcé, je vous demanderai de rejoindre le lieutenant qui l'aura prononcé, prendre un paquetage au passage et la formation démarrera instantanément. 

Des trombes s'abattaient sur les rescapés immobiles, sidérés, hagards. La contrepartie d'un secours et d'une sécurité : se mettre au service de la résistance. Seules les personnalités les plus aptes à s'adapter rapidement à une situation de conflit étaient présélectionnées. Le premier lieutenant énumérera une vingtaine de noms. Le second lieutenant termina sa présélection, deux femmes avaient été nommées. Olympe comprit le soulagement qui se fondait sur leurs visages. Être une femme dans un monde d'hommes, même en 2020, avec ces événements, pouvait être dangereux et risqué. Ensemble, elles seraient solidaires, veillant l'une sur l'autre, affrontant l'adversité... Dans ses pensées, la jeune femme ne réalisa pas que le lieutenant Bela avait débuté ses appels. À chaque fois que la personne arrivait à sa hauteur, il lui serrait la main.

« Loïc Berthelot »

Paquetage en mains, Olympe sentit l'inquiétude dans le regard de ce dernier. Les noms s'enchaînaient. Le sien traînait à être cité. Dix-sept hommes derrière le gendarme. Son insistance quant à sa famille avait-elle eu raison de sa volonté de l'avoir dans ses rangs ? L'agression et son incapacité à se défendre avaient-elles révélé des faiblesses qu'il ne désirait pas dans son unité ? Tout un laïus sur sa terrasse, sa supplication à le rejoindre, et la voilà sur le carreau ? À mesure que la pluie pénétrait ses vêtements pour se déposer sur sa peau, la rage et la colère montaient. Mais pourquoi diable ? Un poste secondaire auprès d'un groupe de civils n'était-il pas plus adapté ? Aucune nouvelle de sa famille, le gendarme fuyant... S'il ne la choisissait pas, était-ce parce que sa famille était morte et qu'il la penserait alors incapable de prendre les armes ? Elle se rassura. De nature prudente, pour se protéger ils suivraient. Olympe inspira à pleins poumons. L'eau ruisselait sur son corps, dissimulant ses larmes rageuses. Les visages des rescapés accueillis, dont certains étaient déjà sélectionnés, arrivés perdus, brisés par les horreurs projetées sous leurs paupières se calquèrent sur les angoisses concernant les siens. Comment une milice pouvait abattre autant de terreur en si peu de temps ? Et pour quelle raison ? Le pouvoir. Ridicule, immatériel, dérisoire mais dévastateur... Que souhaitait-elle au fond ? Le pouvoir de vengeance au nom de Louis, sa famille et tous ces rescapés loin des leurs. Quoi d'autre ? Se venger elle. Le MLF avait ruiné sa vie par deux fois et égoïstement, elle voulait les voir souffrir en doux échos à son gouffre encore fragile et fumant. La voilà sur la touche, trempée et seule.

« Olympe Warenghem »

Enfin ! Avait-il hésité ? La pensait-il inapte ? Les yeux toujours inondés l'empêchaient de distinguer grand-chose. Elle s'arrêta néanmoins devant le lieutenant et toisa la main tendue. À cet instant, l'homme cristallisait toute sa fureur. Pour la rallier, Guillaume avait su employer les mots justes et mobiliser sa folie. Désormais, il détenait le pouvoir de sa vie et sans lui, elle n'était rien. L'attente horrible l'avait convaincue d'une chose : c'est la RF qui matérialisait cette illusion d'espérance.

Espoir : drogue dure à haut pouvoir de dépendance, la voilà dans la merde.

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