15.Interrogatoires multiples

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Joyce

Cabinet dentaire Dudson, Comté de Jasper, Texas

Le docteur Dudson s'avéra dans un premier temps présenter comme l'exact opposé de ce à quoi je m'attendais. Un bonhomme d'une quarantaine d'années au sourire aimable, à l'attitude tranquillisante. Je comprenais pourquoi ses patients ne remettait pas en doute ni son diagnostique, ni sa bonne foi. Il ne portait absolument pas ses exactions sur son front. Alec me laissait diriger l'interview. Après avoir prévenu le docteur de la mise en marche de l'enregistreur et obtenu son concentrement, je fis ce pourquoi j'étais venue. Au fur et à mesure, le masque d'apparente bonté du docteur commença à se fissurer alors que je m'employais à l'interroger en détail sur son activité professionnelle. Sous le bureau, à l'abri du regard du praticien, Alec tapota de l'index le dos de ma main. Je la retournais instinctivement et il posa son doigt au creux de ma paume pour y tracer des lettres. Le geste envoya une vague de frisson dans tout mon corps, mais je m'astreignais à les masquer.

« J.M. Johnson. »

C'est parti !

— Vous confirmer donc que ces déclarations précédemment faites sont bien les vôtres, docteur Dudson ?

— Bien entendu, mais je ne comprends pas où vous voulez en venir.

— J'ai pris le temps d'étudier les bilans concernant les couronnes posées par vos soins auprès d'une bonne majorité de vos patients dans le comté, dis-je au docteur dont l'une des épaules tressauta. Il s'avère que ces derniers affirment qu'ils n'ont jamais subi lesdites interventions.

Le visage rouge et furieux du doc valait largement les heures que j'avais passé au téléphone à vérifier l'exactitude de chaque dossier aux alentours du lieu d'exercice du cabinet, finalement.

— Il y a du y avoir une erreur d'enregistrement, voilà tout, mademoiselle. De quoi est-ce que vous m'accusez ?

— Pourtant elles leurs ont été facturé, insistais-je alors qu'un nouveau tracé d'Alec dans ma paumes m'orientais vers vers le bilan fiscal. Les fausses déclarations sont passibles de sanctions financières lourdes Monsieur Dudson, soulignais-je en abandonnant le titre de médecin. Il serait de bonne foi de procéder au remboursement intégrales des sommes trop-perçus, vous ne croyez pas ? Honnêtes comme vous semblez l'être, nous sommes certains que vous n'y manquerez pas.

— J'ai peur de mal comprendre, grogna presque l'escroc, perdant partiellement son sang-froid. Vous n'êtes pas venus comme vous le prétendiez pour valoriser le travail du cabinet. Vous vous prenez pour qui ? S'insurgea-t-il. Vous n'êtes ni contrôleurs fiscaux ni représentants des forces de l'ordre, je vous...

« Cites-les lui. », m'enjoint Alec.

— Vous comprenez parfaitement bien, l'interrompis-je sous l'injonction du rédacteur-en-chef d'A.J. Investigation. Nous ne sommes en effet pas agents, mais l'article que nous allons mettre sur pied grâce à vos bilans intéresseront lesdites institutions. Kelly et Frank, vos frère et sœur seront également entrainés dans votre chute en temps que complices directs. Seules vos assistantes, elles auront la possibilité de se retourner contre le cabinet. Les chefs d'accusations contre vous sont multiples, à commencer par abus de pouvoir, abus de fonction, abus de confiance, escroquerie, détournement de fonds...

— Qu'est-ce que vous voulez ? S'étrangla Dudson, dont le teint avait pâli à l'énonciation de sa fratrie. De l'argent ?

— L'argent n'est pas notre moteur, docteur Dudson, répondis-je avec calme avant de tourner la tête vers Alec, qui avait serré mon poignet pour m'interrompre.

Le sourire aux lèvres et le regard froid qu'il dardait sur le médecin me suffit pour frissonner. Il se pencha vers l'avant et éteignit l'enregistreur devant nos yeux submergés par l'incompréhension, autant ceux du doc que les miens.

« Vous souhaitez ne pas y laisser toutes vos plumes Marvin, je peux l'entendre. Dans ce cas de figure-là, je peux vous offrir une échappatoire. »

— Laquelle ? Souffla le praticien, au bord de ses lèvres.

« Vous n'êtes qu'un poisson dans la vaste marre. Livrez-nous les éléments et les conversations qui vous lient au groupe Evy-health, ainsi que tous les éléments qui prouvent son implication. »

Je masquais difficilement ma surprise. Alec voulait frapper plus haut ? Pourquoi les aveux qu'il venait d'obtenir du cadet des Dudson ne lui suffisait pas ? Le but n'était-il pas de liquider l'affaire frauduleuse des praticiens de ce cabinet et de les obliger à indemniser les victimes, à l'amiable ou par recours judiciaire ? Où est-ce que ça allait l'amener, d'avoir des éléments à charges contre le groupe pharmaceutique ? Ne me dis pas que tu comptes directement t'attaquer à eux ? Nuire à l'image du géant était un risque déjà énorme. Chercher à le faire tomber était suicidaire. Le docteur semblait à deux doigts du malaise.

— Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous me demandez, chuchota-t-il en fixant Alec avec inquiétude. Je risque bien plus que de la prison si...

Il déglutit, s'essuya les tempes et jeta un nouveau coup d'œil implorant à Alec dont l'inexpressivité ne varia pas d'un yota.

— Je ne peux pas faire ça.

« J'espère que vous avez d'excellents avocats. Vous connaissez nos coordonnées si vous changez rapidement d'avis. »

Je considérais Alec alors qui se levait. S'il avait pu parler... J'étais persuadée que sa voix aurait été plus caverneuse que celle de l'appareil. Je me levais d'un bond pour le suivre. Une fois hors du bâtiment, je m'agrippais à sa manche et pianotais des doigts dessus. Il observa mon geste avant de poser sur moi un regard assez éloquent. Ne poses pas de questions, Carson. Sauf que c'était mal me connaître.

— Pourquoi ? Pourquoi tu...

Il s'empara de ma main pour ouvrir ma paume.

« Tu as été parfaite, Carson. »

Ses doigts quittèrent les miens, emportant avec lui la chaleur qu'il y avait incrusté, me renvoyant des années en arrières.

Lycée public de Springer, Oklahoma

Janvier 2011

Alec envoya un coup de poing rageur sur le volant de sa voiture à l'arrêt. Les prévisions météorologiques annonçaient des chutes de neige les plus importantes jamais enregistrées alors que nous quittions le lycée, sommant les gens de rentrer au plus vite ou de rester à l'abris. Et sa voiture venait de crever en plein milieu de la route. Génial.

— J-j'aurais mieux f-faait de prendre le b-b-bus finalement, râlais-je pour moi-même.

Le conducteur me foudroya du regard. Il rédigea un message sur son portable et me le brandit sous le nez.

« Ils ont suspendu les lignes de bus depuis plus de deux heures, sombre idiote, mais si tu veux rentrer à pieds et te les geler, vas-y. »

Ben je vais pas me gêner. J'ôtais ma ceinture et m'apprêtais à ouvrir la portière, mais Alec se saisit de mon bras et m'attira vers lui d'une poigne contre laquelle je n'avais aucune chance. Mon regard plongea dans le sien, à mi-chemin entre l'émeraude et le néant de colère. Je baissais les yeux sur son portable pour y voir le message qui suivait.

« Arrêtes de me prendre la tête avec tes réflexions et restes assise. Y a le chauffage dans ma caisse, au moins. »

Il me libéra en soufflant et je me réinstallais en lui accordant une œillade discrète. Je ne pu m'empêcher de sourire, ce qu'il remarqua et haussa un sourcil.

— Tu râles b-beaucoup, mais en v-vrai, tu es loin d-d-d'être mauvais.

Alec me fixa jusqu'à ce que je me sente presque mal à l'aise avant de détourner les yeux vers la route qui avait disparu sous la neige. Etrangement, le calme ambiant n'était pas dérangeant. Mon voisin était silencieux, peu démonstratif, mais c'était le côté le plus reposant de lui. Je me risquais à l'observer une nouvelle fois. Il avait fermé les yeux, mais je le savais éveillé. Il semblait savourer le silence. J'avais entendu toutes sortes de spéculations le concernant, et pour ceux qui s'y osaient, c'était en cachette des oreilles d'Alec évidement.

Ses yeux s'ouvrirent et il grogna légèrement en attrapant son portable.

« Je sais que je suis à tomber mais arrêtes de me mater comme ça B.B. Ca devient emmerdant. »

Sans prêter attention à son hostilité, je m'emparais de son appareil et tapais à mon tour. Il ne m'interrompit pas, attendant de savoir ce que j'allais écrire.

« Pourquoi tu ne parles pas ? »

Ses yeux s'arrimèrent aux miens à la fin de sa consultation. Quelque chose de profond y brillait. J'étais incapable de savoir quoi, mais j'avais le souffle coupé.

« Tu n'oses pas me poser la question de vive-voix ? Alors que tu ne crains pas de me les briser à longueur de semaine. Où sont passées tes burnes, Carson ? »

J'avais sans conteste abordé un sujet trop personnel. C'était un comportement que j'avais fini par comprendre chez lui. Dès qu'un sujet l'approchait de trop près, il se montrait vulgaire, provocateur ou méchant.

— Je n-n'ai pas p-peur de t-toi, me vexais-je.

Un demi-sourire s'étendit sur son expression moqueuse.

« Pourtant tu bégaies de trouille. »

—Très drôle, J-Jones, grognais-je à mon tour.

« D'où ça te vient, les bégaiements ? »

Son interrogation était sérieuse, je ne discernais aucun sarcasme dans ses prunelles alors je pris le parti de lui répondre. Je me tournais vers le pare-brise et suivait le mouvement des essuie-glace qui chassaient vainement les flocons de neige.

— Mon p-p-père... il a été a-a-a-a-assassiné le soir de n-noël il y a t-t-trois ans. J'ai p-p-p-pas pu endi-di-diguer le s-s-saignement. J'ai rien pu f-faire. On n'a j-jamais re-retrouvé le m-meurtrier. A-a...

Je ne parvenais plus à enchaîner le moindre mot. Le flot d'émotions été toujours là, il me trouait la poitrine pour étouffer mon cœur. Le psy avait assuré que les balbutiements s'estomperaient lorsque j'aurais fait mon deuil. Il en avait de belles, celui-là. Personne ne m'avait jamais expliqué comment on faisait le deuil d'un être cher qui avait encore plusieurs décennies devant lui...

Une pression douce et chaude entoura mon poignet. Je tournais les yeux vers la gauche, délaissant mes souvenirs. Alec me dévisageait en silence. Ses yeux, devenus plus expressifs, exprimaient la compréhension, une sorte d'empathie dénuée de toute forme de pitié. Comme s'il pouvait appréhender ce que j'avais vécu. Mes lèvres s'entrouvrirent lorsque son bras se leva vers mon visage. Du bout du pouce, il estompa avec délicatesse la larme qui m'avait échappé. Ce fut à cet instant que je prenais conscience de mes pleurs silencieux.

— P-p-pourquoi tu e-es m-muet ?

Ses dents se serrèrent et il laissa retomber sa main avant de prendre son portable.

« Je préfère quand tu parles. Fais ce que je ne peux plus faire. »

Il ne souhaitait pas répondre, et je n'insistais pas. Notre attention fut détournée par un bruit inquiétant, l'arrêt des essuie-glace concurremment à celui du contact. Et donc, du chauffage.

— Merde, soufflais-je. L-la la tempête s-s'intensif-fie a-avec ça.

Nos espoirs de retourner au sein de nos domiciles respectifs ce soir venaient de partir en fumée. Au bout d'une heure, en dépit de nos blousons, le froid commençait à se faire sentir, pour ma part du moins. Mon voisin secoua la tête en me voyant trembler.

— Q-quoi ?

Je m'attendais à ce qu'il saisisse son téléphone pour me répondre, mais à la place il sortit du véhicule et claqua fermement la portière. Où il allait ? Qu'est-ce qu'il fout ? Il va me laisser là ? Avant que je ne m'inquiète davantage, la portière arrière s'ouvrit et claqua de nouveau. Alec déverrouilla tranquillement son portable.

« Bouges-toi de me rejoindre à l'arrière Carson, j'en peux plus de t'entendre claquer des dents. »

Qu'est-ce que ça allait bien pouvoir changer, avant ou arrière ? J'aurais pu lui rétorquer à quel point sa suggestion était stupide, mais je m'abstins. Il venait encore de m'appeler par mon nom. Je sortie à mon tour de la voiture et me précipitais vers la place à côté d'Alec. Les secondes que j'avais passé à l'extérieur m'avait transit de froid. Je me tournais vers lui en haussant un sourcil, alors qu'il tendait tranquillement sa main vers moi. Devant mon inaction, il souffla bruyamment.

« Je vais pas te bouffer ni te cogner. Viens. Je suis plus chaud que ton blouson. »

Je découvris un sourire carnassier sur son visage en jetant un œil à la dernière phrase. Dans tes rêves Jones. Je croisais les bras de refus et son regard changea.

« M'obliges pas à t'alpaguer de force. Je vais pas te regarder te transformer en glaçon sous mes yeux, Joyce. »

— In-incroyable, m'émerveillais-je sardoniquement. T-t-tu c-c-connais m-m-mon pré-nom.

Il leva les yeux au ciel en ouvrant son blouson, se cala contre la portière et me fit signe d'approcher.

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Bonjour à tous !!!

Alec et Joyce prouvent dans ce chapitre qu'ils pourraient (si l'un d'eux y mettait du sien x), former une excellente équipe d'investigation. La journaliste semble avoir pour le moins bien menée son interrogatoire (s'il est convainquant d'après vous bien entendu ^^)

Leurs moyens de communiquer, loin de se limiter au support papier, évoque à Joyce plus d'un souvenir qu'elle escompte bien nous partager au prochain chapitre... à bientôt !

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