L'inconnue du quai
La première fois que je l’ai vue, c’était un soir d’hiver, sur le quai désert du métro. Elle portait un manteau rouge éclatant et fixait les rails avec une intensité troublante.
— Tout va bien ? avais-je demandé, inquiet.
Elle s’était tournée vers moi, un sourire triste sur les lèvres.
— J’attends quelqu’un.
J’avais voulu en savoir plus, mais le métro était arrivé, et elle était montée sans un mot. Pendant des semaines, je l’ai croisée, toujours au même endroit, toujours à la même heure. Parfois, elle me parlait. D’une voix douce, presque lointaine, elle évoquait des souvenirs brumeux, des fragments d’une vie qui semblait lui glisser entre les doigts.
— Il devait me retrouver ici, tu sais… Mais il n’est jamais venu.
J’avais fini par lui proposer un café. Elle avait accepté, mais au moment de sortir du quai, elle s’était arrêtée net.
— Je ne peux pas partir d’ici.
Un frisson m’avait parcouru. Je voulais comprendre. Je voulais l’aider. Alors, une nuit, je suis resté après le dernier train, décidé à percer son mystère.
— Dis-moi qui tu attends.
Elle m’avait regardé longtemps, avant de murmurer :
— Toi.
Le sol s’était dérobé sous mes pieds. Un courant d’air glacial avait balayé la station. Et soudain, tout s’était déformé. Les lumières avaient vacillé, le quai s’était estompé…
Puis j’étais là, debout, fixant les rails.
Un homme s’approcha de moi.
— Tout va bien ?
J’ouvris la bouche pour répondre, mais un détail me coupa le souffle : derrière lui, une silhouette en manteau rouge me regardait, le même sourire triste aux lèvres.
Et je compris.
J’attendais quelqu’un.
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