Damian

Dans la belle et grande maison de Londres, les plafonds hauts n'étaient plus signe de luxe, mais d'unsilence assourdissant. Depuis que sa mère, scientifique, est morte, l'espace était devenu glacial. Son père, avocat, passait désormais ses jours tapis derrière l'épaisse porte de son bureau, fuyant la réalité dans ses dossiers.

À seize ans, Damian avait cessé de l'attendre pour le dîner. Il avait cessé de l'attendre tout court. Son père n'était plus qu'une lumière sous une porte, un fantôme qui signait des chèques et n'accordait plus de temps à son fils. Cette maison n'était pas un foyer ; c'était un endroit hostile, le mémorial figé d'une vie qui n'existait plus.

La décision fut rapide, lourde et définitive.

Il tira les deux sacs de sport pleins et la vieille valise bleue. Le frottement de la toile sur le parquet résonna dans le long couloir vide, brisant le silence. Il se sentait lourd, mais incroyablement libre.

Arrivé à mi-chemin, la porte du bureau s’ouvrit brusquement.

• Où vas-tu avec tout ça ?

La question de son père était mécanique, sans émotion, le regard rivé sur un dossier à moitié fermé. C'était cette indifférence totale qui acheva de confirmer le départ de Damian.

• Je pars d'ici.

Damian ne se donna même pas la peine de se retourner pour regarder le fantôme qui se tenait dans l'encadrement. Il accéléra, traversa le couloir, et tira sur la lourde poignée de la porte d'entrée. Il s'éclipsa avant même que son père n'ait pu laisser échapper le moindre mot. Il avait décidé d'aller vivre quelques temps chez un ami.