Face Cachée

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"Concentre-toi sur ce que tu fais", répéta la Boucha. Ses yeux envoyèrent des éclats rouges : elle n'était clairement pas là pour rire. Pourtant, tout le monde avait salué son coup d'éclat, à la cantine ! Qui pouvait bien affirmer que les batailles de nourriture n'étaient pas le meilleur divertissement de toute cette fichue colonie ? Et puis, les gardiennes de fer le savaient bien qu'il n'aimait pas les radis, Nikola. Ceux que l'on faisait importer de la Terre pouvaient parfois trouver grâce à ses yeux ; mais ceux cultivés dans le sol lunaire, jamais de la vie ! Il n'en pouvait plus de cette parodie de goût qui lui faisait tirer les pires grimaces. Alors, à l'image du jeune Bonaparte plusieurs siècles plus tôt, il avait instigué les enfants à déclencher le grand changement. L'objectif : repeindre les murs de la cantine avec cette satanée bouillie de légumes.

La réponse avait été impitoyable. La deuxième poignée avait à peine eu le temps de s'écraser sur le mur que les Bouchas avaient déclenché une intervention musclée. Tous les élèves, dont notre Napoléon en devenir, s'étaient jetés tête la première sur les tables. Les matriarches l'avaient attrapé par le col de sa combi et tiré jusqu'au bureau du Directeur des Affaires Pédiatriques et Pédagogiques. L'Histoire du Premier Empire Lunaire n'avait pas duré plus de cinq minutes. L'élève était désormais coincé avec le ppad-dapp - déformation de l'acronyme du titre du directeur, utilisée par les enfants pour en parler sans que les surveillantes ne se doutent de rien -, à qui il prêtait volontiers des origines anglaises. Après de longues remontrances de la part du joufflu aux lèvres camouflées sous un épais rideau de moustache, la sentence était tombée. Il serait condamné à l'exil. L'heure de Sainte-Hélène était déjà arrivée. Si seulement il avait gardé à l'esprit la fuite de son idole depuis l'île d'Elbe, peut-être aurait-il gardé espoir !

On l'avait escorté dans le couloir central. Certains de ses plus fidèles camarades feignirent de jeter des radis cachés au creux de leurs mains. D'autres, la plupart à vrai dire, étaient simplement curieux et gloussaient sur le passage du condamné.

"Un journaliste confédéré fait état de tensions inédites au niveau du Golfe d'Amsterdam. Des diplomates du monde entier affluent à la Grande Cour d'Europa afin de régler le contentieux...".

Il n'eut ni le temps ni l'envie d'écouter la fin du journal projeté sur le mur de la Salle Commune. La Boucha lui ordonna d'entrer dans sa chambre, ce qu'il fit en gardant la tête haute. Il ne fallait montrer aucune faiblesse ; rester digne dans l'humiliation, solide dans les moments où tout chavirait. Pourant, il le savait, le robot n'avait que faire de ses humeurs. L'agitateur aurait pu sauter partout, taper sur les murs, pleurer, exiger de voir sa mère : la réponse aurait été la même. L'androïde aurait déclaré, avec son inflexion habituelle, qu'elle ne faisait qu'exécuter les ordres et n'était pas décisionnaire.

"Quelle excuse de merde ! N'allez pas me faire croire que vous n'avez aucun avis !" cria le petit général, tandis que la boîte de fer s'éloignait.

Aucune réponse. La frustration était totale. L'ordibureau projeta la sentence qu'il devrait purger. Son visage se décomposa.

"Motif de la sanction : gaspillage de nourriture, incitation au désordre et mauvaise influence sur le comportement général des enfants du secteur. Proposition de travail en compensation (Nikola avait toujours eu horreur de la présence du mot "proposition" dans ce genre de situations) : recopier trois fois à la main et apprendre par cœur la fable La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf, rédigée par Jean de la Fontaine en l'an -535 av.G.R. Une récitation devra être faite à Madame Nelli avant seize heures."

Effondré, l'adolescent avait attrapé un stylo et sacrifié quatre feuilles de dessin à cette tâche stupide. La Boucha était revenue et se tenait droite, derrière l'entrebâillement de la porte. Il croisa son regard ; elle s'était mise en état de veille. Il soupira et débuta l'écriture.

"Une grenouille vit un Bœuf

Qui lui sembla de belle taille.

Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,

Envieuse s'entend, et s'enfle, et se travaille"

Il pesta. "Ce n'est pas s'entend mais s'étend", grogna-t-il. Un long raclement s'échappa de sa gorge. Il froissa la feuille de papier et en attrapa une autre. Dehors, il aperçut ses camarades faire une partie de volley-0G sur le grand terrain et se sentit stupide. Au-delà de la cloche de verre, on pouvait distinguer la pointe des Montes Spitzbergen émerger derrière la Colonie.

***

"S'enfla si bien qu'elle creva.

Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :

Tout Bourgeois veut bâtir comme les grands Seigneurs,

Tout petit Prince a des Ambassadeurs,

Tout Marquis veut avoir des Pages. "

Il avait répété le passage une vingtaine de fois au moins, devant la terrible tentation que représentaient les étendues de gazons baignées de lumière solaire. Mais tandis qu'il exécutait une énième lecture de cette maudite fable, l'alarme bleue fit trembler toute la Colonie.

Le bruit des sirènes perça chaque mur et s'infiltra dans tous les recoins de la Nouvelle-Montpellier. Il aperçut une troupe de matriarches s'engouffrer sur le terrain de volley et attraper ses amis par les épaules, avant de les ramener dans le bâtiment mère. Il remarqua que, sous leur air blasé, elles agissaient avec plus d'empressement qu'à l'accoutumée.

"Que se passe-t-il ? demanda le petit général.

- Concentre-toi sur ce que tu fais, répondit la matriarche.

- Mais... Il se passe quelque chose !

- La récitation de la fable pourra être effectuée dans le bureau de Madame Nelli à partir de quinze heures cinquante. Il vous reste... (la voix du robot marqua de longues pauses entre chaque mot) Une... heure... et... trente... trois minutes."

Bon, rien à faire... pensa-t-il. Bien que la réponse était des plus frustrantes, elle le rassurait quelque peu. Au moins, si l'androïde ne l'extrayait pas en vitesse de sa chambre comme les autres sur le grand terrain, c'est que la situation n'était pas aussi urgente qu'elle le laissait paraître.

Le futur Napoléon lunaire tenta tant bien que mal de se reconcentrer sur sa récitation, malgré le vacarme assourdissant des alarmes et des bottes qui martelaient le sol. "On ne court pas dans les couloirs !" avait-il eu envie de s'exclamer avec la même intonation que la Boucha. Mais celle-ci ne semblait vraiment pas disposée à plaisanter. Certaines d'entre elles, au fil des ans, avaient développé un ersatz de sens de l'humour; ce qui les avait rendues tout de suite plus sympathiques auprès des enfants. Mais la numéro 0804 n'avait été mise en marche que trois ou quatre mois auparavant. Autant dire qu'il n'y avait pas plus d'expressivité à attendre de sa part que d'un nourrisson de moins d'une semaine.

Le brouhaha perdura une demi-heure, durant laquelle le cerveau de l'adolescent se déconnecta totalement. Ses yeux erraient sur l'écran de l'ordibureau. Il feuilleta à plusieurs reprises le livre de ce satané Jean de la Fontaine, à la recherche d'images amusantes parfois calées entre deux fables. Puis les bottes cessèrent de taper sur le sol, avant que ce ne soit au tour de l'alarme de s'arrêter. Le calme était retombé sur la ville.

"Dis-moi, est-ce que je peux aller faire la récitation dès maintenant ? demanda le petit général, qui, en vérité, n'avait bien appris que la moitié de son poème.

- Nous devons encore attendre... cinquante... sept minutes, répondit l'androïde.

- Mais, j'ai déjà tout retenu ! mentit Nikola.

- Je regrette... Nous devons encore attendre... cinquante...

- C'est bon, c'est bon, j'ai compris".

Un je-ne-sais-quoi dans l'air lui indiqua que la situation n'était pourtant pas normale. Que la Colonie reprenne un peu son calme après l'orage de décibels était tout à fait appréciable; mais désormais, on peinait à distinguer le moindre bruit depuis le couloir, mis à part celui d'une brosse de Boucha qui frottait le sol.

Nikola se résolut à attendre durant les cinquante cinq minutes restantes, puis l'androïde l'invita à quitter sa chambre pour se rendre dans le bureau de Madame Nelli. Il constata avec effroi que tous les néo-montpelliérains s'étaient volatilisés. Pas un seul de ses camarades ni des adultes en costume de teflon n'arpentait les rues centrales, d'habitude si bruyantes. Seules étaient restées les Bouchas et leurs bruits ménagers, ainsi que les bips occasionnels qu'elles produisaient après avoir accompli une tâche. Un profond malaise s'était emparé de lui. Ces sales boîtes de ferraille avaient-elles liquidé toute la Colonie ? Avaient-elles déclenché un nouveau dix-huit Brumaire ? Pourquoi avait-il été épargné par cette atrocité ?

Il n'eut pas le temps d'achever ses réflexions ; la porte du bureau se présentait déjà à lui. L'androïde vérifia que le condamné était bien entré, puis déclencha un signal sonore avant de s'occuper d'une autre tâche.

La porte se verrouilla derrière lui. Il observa un instant le dos du grand fauteuil, tourné vers lui. Un large écran holographique diffusait un documentaire sur la conquête de la face cachée de la Lune. C'est donc ce qu'elle fait quand elle est supposée travailler ? pensa-t-il.

"Madame Nelli ? Je... je viens pour le poème."

Seules les premières phrases du célèbre discours de Lù Yuè, le conquistador chinois devenu célèbre après avoir soumis les civilisations sélénites souterraines, lui répondit.

"L'Humanité, aujourd'hui, entre dans un nouvel âge... La grande entreprise civilisatrice que nous avons accompli en ce lieu est la marque des infinies possibilités du genre humain. Notre espèce, depuis toujours...

- Madame Nelli ?" répéta l'adolescent, franchement mal à l'aise.

Il passa derrière le large bureau en chêne terrestre, comportement qui pouvait valoir quinze heures de colle à un élève. Il fallait absolument trouver une explication à toute cette situation. Au diable les centaines de lignes à écrire ! La professeure comprendrait, et si elle ne comprenait pas, elle pourrait au moins le rassurer. Nikola regretta amèrement de ne pas avoir le même courage que son idole. Comment aurait-il agi, dans cette situation ? se demanda-t-il.

Sa poitrine se comprima lorsqu'il arriva au niveau du fauteuil. C'était bien la première fois de sa courte vie qu'il aurait tout donné pour tomber nez-à-nez avec sa professeure. Les heures de colle auraient valu cent fois le soulagement.

Mais rien, absolument rien. La femme à grandes lunettes et aux choix de combis hasardeux était absente. De plus, elle qui était toujours des plus austères en ce qui concernait les dépenses énergétiques de la Colonie avait osé laisser tourner son écran holographique. Nikola était seul avec les images du retour triomphal de Lù Yuè sur la place Tian'anmen, après les Missions Sélénites.

Il se figea l'espace d'un instant, ne sachant que faire. Puis il se rappela de la porte bloquée derrière lui, et se résolut à fouiller dans le bureau de sa professeure sous l'œil attentif de sa caméra de sécurité personnelle. Ses affaires étaient dans un chaos absolu ! Pourtant, cette maniaque professionnelle n'avait de cesse de rappeler au futur Napoléon et ses camarades de bien respecter les marges des cahiers, de toujours classer les cours dans l'ordre, de faire attention à ce que stylos et crayons ne se côtoient pas dans la trousse...

Quand les autres sauront ça ! pensa Nikola. La vision de la Nouvelle-Montpellier vidée de ses habitants lui revint alors. Ses couloirs désespérements propres et silencieux, les brosses et les bips de Bouchas pour seule compagnie... Il eut envie de pleurer.

"C'est une attitude indigne... marmonna-t-il en trifouillant dans un énième tiroir. Que dirait l'Empereur, s'il me voyait ?"

L'idée de devoir s'expliquer face à lui dans l'après-vie le poussa à reprendre son calme. Au même moment, ses yeux se posèrent sur ceux d'un homme musculeux au torse bardé de dragons et d'icônes intimidantes. Sous son pantalon en cuir, une femme blonde aux seins pendants se tenait à quatre pattes, le visage recouvert d'un masque de chat. Il éclata de rire.

Dès que j'aurai retrouvé les autres... Il s'imagina Hélio, Fergus, René et Auguste se rouler par terre chacun leur tour, lorsqu'il leur décrirait le contenu des fameux "livres" que Madame Nelli se vantait de dévorer auprès des élèves. Oh, bien sûr, il avait aperçu les noms de Pouchkine, Dumas, Platon et d'autres sur certaines couvertures, mais force était de constater que les magazines avec des personnages aux costumes et poses improbables formaient de loin la plus grande pile.

L'adolescent extraya les ouvrages culturels de sa professeure et fit défiler les couvertures. Un rire de hyène s'échappa de son ventre à chaque découverte. Puis, entre le numéro 48 et 49 du Club des Esprits Libres, il découvrit une petite clé magnétique argentée.

"Super ! s'exclama-t-il. Maintenant, il va falloir trouver un moyen de quitter l'endroit sans que les boîtes de fer viennent m'embêter."

Ses yeux se posèrent sur l'ordinateur, laissé sans défense. Il intégra parfaitement le fait qu'une intrusion sur le matériel d'un professeur de la Colonie pourrait lui valoir plus d'heures de colle qu'à aucun autre élève avant lui. Il n'y avait pas d'autre solution. Et puis, il sentait que l'étoile Murat -ainsi avait-il renommé 80 Ursae Majoris, faute de connaissances astronomiques- lui portait chance, depuis l'extérieur de la fenêtre.

Il ouvrit le Portail de l'Académie Montpelliéraine Spatiale et entra dans l'écran de gestion des sanctions. Les professeurs leur avaient maintes fois expliqué le processus, à titre d'exemple, lorsqu'ils punissaient un élève. Nikola, dans un accès de toute-puissance, se permit d'accorder une note à sa récitation, qu'il classa comme "excellente", s'offrant non moins qu'un 20 sur 20, auquel il attribua le coefficient 6, soit le maximum. Sa moyenne de français bondit, passant de 8,23 à 14,45.

Avec ça, les matrones devraient le laisser tranquille pendant un moment. Il lui sembla même se rappeler du fait qu'elles diffusaient des messages de félicitations aux élèves atteignant une telle note pendant toute la journée après son obtention. L'adolescent avait hâte de vérifier la véracité de cette impression. Dernière touche d'insolence, il laissa les magazines douteux de Madame Nelli éparpillés sur le bureau, en évidence pour le premier visiteur qui passerait par là.

***

"Félicitations, élève Séperd", répétèrent les androïdes pour la quinzième fois, tandis que Nikola profitait du rab de spaghettis à la cantine. Il avait fini par regretter de s'être attribué le 20 sur 20. De toute façon, aucun de ses amis n'était là pour l'entendre se vanter. Ça n'avait probablement servi à rien. L'adolescent avait arpenté tous les espaces de la Colonie à la recherche d'un signe de vie. Il aurait mangé des radis jusqu'à la fin de l'année pour revoir Hélio et les autres, qu'on lui annonce que tout ça n'était qu'une mauvaise blague. Il les aurait bénites, ces plâtrées de crudités de malheur !

Quelqu'un sembla avoir entendu sa prière. Un signal sonore puis une voix s'éleva dans le réfectoire. Le disciple de Bonaparte se retourna à toute vitesse vers la source.

"Madame, Monsieur, bonsoir..." déclara la voix.

L'adolescent retomba sur sa chaise.

"Au programme de ce soir, la bataille de Paris fait rage, tandis que la Confédération Américaine vient de reprendre le contrôle du Golfe du Mexique..."

Une vision d'horreur appuyait les propos du journaliste. Nikola reconnut sans mal le blason sibérien inscrit sur les divisions de tanks bipèdes qui faisaient feu à travers la Ville-Lumière. Les toits haussmanniens volaient en éclats sous la pression des tirs plasmiques. L'air de l'ancienne capitale impériale était bouillant. Des masses grouillantes de réfugiés hurlaient à l'approche des sibériens et tentaient d'évacuer la ville. Le journaliste aux yeux rougis continuait de commenter la situation à mesure que les tanks s'approchaient de la Tour Eiffel. L'adolescent n'entendait plus rien. Le choc l'avait tétanisé.

"Félicitations, élève Séperd, déclara la Boucha 2007 alors qu'elle débarrassait la table.

- La ferme ! Ferme-là !" hurla Nikola en y mettant tout son coffre.

L'expression de l'androïde -si tant est que l'on puisse parler d'expression- se figea un instant. Puis on entendit les turbines abdominales s'activer. Un papier thermique dépassa de la fente.

"Vous avez obtenu... un... avertissement. Cause de... l'avertissement, deux points...

- Laisse-moi tranquille !" beugla l'accusé avant de quitter le réfectoire en courant.

La matrone ne broncha pas et poursuivit son discours. Nikola aurait eu envie de toutes les éclater à coups de crosse de hockey aérien, ce soir-là. La dernière phrase du journal, qu'il avait entendue entre deux commentaires inutiles, repassait en boucle dans sa tête.

"Des renforts, accompagnés de la totalité des populations civiles lunaires, devraient débarquer dans moins de deux jours."

Moins de deux jours, rumina l'adolescent. Cela veut dire qu'ils devraient embarquer dans quelques heures. Comment ont-ils bien pu m'oublier... ? Comment ?!

Il étouffa des cris dans les coussins de son lit.

"Tout ça à cause de ces robots et ces fables de merde !" beugla-t-il avant d'asséner un coup sur la porte de sa chambre.

Aucune réponse. Désormais, même les bruits de brosse avaient cessé. Si seulement on l'avait laissé interpeller les foules dans les couloirs... ! Si les adultes avaient été plus attentifs... ! Si le règlement avait été juste et avait puni les autres élèves qui avaient participé à la Bataille de la Cantine... !

Sa colère se mua progressivement en désespoir, puis le désespoir devint fatigue. Alors que les "si" se bousculaient dans sa tête, son corps s'abandonna à la fatigue accumulée.

***

La poitrine de Nikola se souleva à son réveil. Combien de temps avait passé ? Pourquoi, par la vénéria, s'était-il laissé envahir par le sommeil ?

Un rapide coup d'œil lui indiqua qu'il n'avait dormi qu'une heure et demie. Les lumières, à l'extérieur de sa chambre, étaient passées en mode nocturne. Il ne fallait pas perdre de temps. Les yeux gonflés, la gorge sèche, il fouilla dans ses affaires avant d'extraire un tube d'énergo qu'il avala goulument. Le picotement chaleureux se faufila dans sa gorge et vint irriguer chacun de ses membres. Il se jeta sur la boîte et dévora trois doses supplémentaires. Son corps se transforma en fournaise. Ses yeux gonflés avaient repris leur taille normale. Son pouls s'accéléra. Ses sens étaient aussi affûtés que les couteaux du chef cantinier. Un dosage hasardeux d'énergo comportait des risques, mais Nikola savait qu'il lui fallait disposer de toutes les capacités de son corps pour se sortir de cette situation.

Il attrapa son sac de randonnée et y déposa le reste des tubes. Neil Armstrong, l'icône de la marque, semblait approuver la manœuvre. Il récupéra sa trousse de survie, un convertisseur de CO2, un recycleur hydrique et de quoi s'occuper si le voyage vers la Terre était trop long. Il enfila sa combi d'extérieur, empoigna sa crosse de hockey aérien, attacha la clé de Madame Nelli autour de son cou et se décida à quitter sa chambre.

Il se faufila à travers le couloir est-4, s'abritant à l'ombre d'une poubelle ou d'une plante tropicale lorsque les Bouchas passaient un peu trop près de lui. Il connaissait les moindres recoins de la Nouvelle-Montpellier comme sa poche. Il faut dire que depuis qu'il était sorti de sa mère, il n'avait connu que les interminables suites de longs couloirs et grandes salles sous dôme. À l'occasion de sorties scolaires, il avait bien sûr parcouru la surface à l'extérieur de la Colonie, mais il était encore trop jeune pour avoir le droit de s'y aventurer seul. L'ère du changement était arrivée.

La clé, son dernier espoir de retrouver les siens, pendait au niveau de son nombril. Les androïdes, trop peu à l'affût, ne remarquèrent même pas les cliquetis qu'elle produisait en entrant en contact avec le métal de sa combi.

Jamais les robots ne seraient en mesure d'égaler les capacités d'un homme, aussi stupide et faible soit-il. Cette idée, que Nikola transportait en lui depuis déjà plusieurs années, se confirma pour de bon. La situation était ridicule ; jamais un œil humain fonctionnel n'aurait raté la chose. Un humain, de toute façon, aurait maintenu Nikola sous surveillance absolue, puisqu'il était le dernier habitant de la Colonie. L'adolescent avait eu envie de rire à plusieurs reprises face à l'aveuglement des matrones.

Le couloir est-4 déboucha sur une grande porte blindée. L'endroit était plongé dans le silence. Nikola se cacha derrière une palette de pièces mécaniques et observa la scène. Les deux androïdes chargés de surveiller l'endroit étaient inactifs depuis au moins cinq minutes, puisque leurs yeux étaient passés en mode veille. Le petit bonapartiste tâta le manche de sa crosse. Il fixa la grande porte, repéra l'emplacement de la badgeuse, prit une profonde inspiration...

"À la guerre, l'audace est le plus beau calcul du génie". La phrase de son modèle martela son crâne pendant plusieurs secondes.

Sa poitrine se gonfla, l'énergo déferlait dans ses veines. Il quitta sa cachette et hurla : "Pour l'Empereur !".

Les Bouchas s'extrayèrent du mode veille et menacèrent l'adolescent de sanctions très lourdes s'il ne se laissait pas ramener jusqu'à sa chambre. Rien à faire, sa détermination était totale. Il écrasa la lame de sa crosse sur le crâne de l'androïde de gauche, qui, après avoir vu sa voix se déformer jusqu'à en devenir méconnaissable, s'éteignit.

"Elève Séperd, vous venez de recevoir une sanction. Motif de la sanction...

- Tais-toi !", beugla l'accusé.

Il écrasa sa lame sur le crâne du robot. Ses bras atrophiés étaient incapables de se saisir de la crosse et pataugeaient dans le vide. Les coups s'abattirent deux fois supplémentaires avant de le faire sombrer dans le silence. L'adolescent bouillonnait, il ne se rappelait pas s'être senti aussi vivant depuis bien longtemps. Son souffle était entrecoupé d'un gémissement de victoire, sorte de cri animal semblable à ceux prononcés par ses ancêtres de la Préhistoire dans les documentaires.

La célébration fut de courte durée. Il n'y avait pas de temps à perdre. Des bruits de roulettes venaient du bout du couloir. Nikola se jeta sur la badgeuse. Le vacarme des sirènes de sécurité engloutit tout. Les poulies s'activèrent. Les portes s'ouvraient avec une lenteur désespérante.

Une escouade de cinq Bouchas apparut au coin du couloir. Le fugitif s’enfonça tant bien que mal dans la petite ouverture créée par les portes. Il découvrit un long passage taillé à même la pierre lunaire, éclairé ça et là par des lampes torches. L'escouade resta coincée à l’extérieur, les bras mécaniques dépassant trop largement de la fente pour pouvoir s’y engouffrer. Les turbines abdominales fonctionnaient à plein régime.

L’adolescent courut aussi vite que son épaisse combinaison le lui permettait. A mesure que la sueur s'accumulait, il sentit la gravité décroître. Il tomba,au bout de la galerie, sur une voile de matière étanche. Les bruits des roulettes avaient envahi le couloir. Il distingua le son de quelques voix occupées à lui faire des remontrances. La paroi ne lui inspirait pas confiance. Jamais on ne lui avait fait traverser des voiles de ce genre lors des sorties scolaires.

L’accumulation de ses infractions ne lui laissait pourtant plus le choix. Il inspira profondément et se jeta à travers.

Il déboucha sur un grand hangar où était entreposée une vingtaine de rovers. L’air s’était considérablement rafraîchi. Sa combi lui indiqua que le taux d’oxygène était passé à 0%. Bien que tout autour de lui soit encore le produit de la main de l’Homme, Nikola avait réellement atteint le vide spatial. Une sensation grisante de liberté s’empara de lui. Il courut maladroitement à cause de la trop faible gravité, tandis que sa combi s’ajustait aux changements autour de lui.

Les Bouchas n’étaient plus très loin. Il s’arrêta devant le premier rover disponible, le déverrouilla à l’aide de la clé de Madame Nelli, et se jeta sur le siège avant. L’air se pressurisa, les portes se refermèrent et le loquet s’activa.

Il contempla le tableau de bord avec la même curiosité que Champollion avait dû ressentir face aux hiéroglyphes, autrefois. Les androïdes étaient arrivés dans le hangar. Nikola pressa plusieurs boutons, ce qui déploya les phares du rover et activa l’autoradio. De la musique classique, signée Michael Jackson, se répandit dans l’engin. Il chercha le bouton pour régler le volume mais ne réussit qu’à amplifier la force des basses. Il tenta de conserver son calme dans ce brouhaha.

Une pince de métal toqua à la fenêtre. Nikola crut s'évanouir. Tout était perdu. Du moins le pensa-t-il un instant. Une deuxième, puis une troisième pince frappèrent la porte, tentèrent d'activer la poignée ; sans succès. Il était prêt à voir les Bouchas briser la vitre et l’extirper de l’appareil. Il n’en fut rien.

Elles continuaient d’imprimer des avertissements et sanctions sur des papiers-thermiques. Il se rappela, entre deux pressions de boutons, de l’interdiction qu’elles avaient d’abîmer le matériel de la Colonie. Est-ce que cela veut dire que… ?

Il éclata de rire. Il se hasarda même à faire des doigts d’honneur aux robots. Il se savait en sécurité absolue. Encore une fois, l’Humain avait prouvé sa supériorité sur le métal. Nikola oublia l’espace d’un instant le but de son évasion et se contenta d’observer les matrones, impuissantes, vautrer leurs pinces misérables sur la vitre. Les éclats rouges qu’elles envoyaient ne l’intimidaient plus. Il avait gagné.

Après une énième manipulation, il trouva enfin l’endroit où activer le rover -pourtant présenté à de nombreuses reprises lors des cours de mécanique de Monsieur Vertaon, durant lesquels il piquait ses meilleures siestes-. Le bruit du moteur parvint presque à endiguer les sortes de gémissements poussés à outrance par Michael Jackson dans ses chansons. Une douce chaleur se glissa dans l’appareil.

Des Bouchas se placèrent devant le rover et agitèrent leurs papiers thermiques dans le vide. Nikola n’eut aucun scrupule à appuyer sur la pédale. Le rover défigura les pauvres boîtes de métal qui s’écrasèrent un peu partout dans le hangar. Les silhouettes des survivantes s’effacèrent dans l’obscurité.

Après quelques secondes, l'appareil atteignit une ouverture directe vers l'extérieur de la Colonie. Sur le répertoire des destinations, il sélectionna la rampe de lancement du spatioport Saint-Roch et redécouvrit avec admiration la surface lunaire, noyée sous une lumière radieuse. Le rover sursautait par moments sur les nombreuses cicatrices de l’astre. L’adolescent distingua les restes d’anciennes expéditions et de camps de sélénites nomades.

L’effet de l’énergo commençait faiblir, mais cela n'avait plus d'importance. La liberté, dopant bien plus efficace, le rendait extatique. Il fixa longuement la planète-mère, à l’horizon et laissa s’échapper quelques larmes de joie. Il repensa à sa petite maman qui devait l’attendre sur un siège de la Grande Fusée, à tous ses pauvres amis, certainement paniqués par son absence. Il s’imagina leurs réactions, lorsque tous comprendraient ce qu’il avait accompli pour les retrouver. Sa gloire, à l’image de celle de l’Empereur, ne s’éteindrait jamais.

Il parcourut en esprit les étendues herbeuses du Sahara, s'amusa à attraper des poignées d'herbe terrestre gorgées de rosée, et fit un tour à dos d'éléphant au bord du lac Agadès. Il explora le Palais Englouti des Doges de Venise, toisa l'entièreté de la savane parisienne depuis le sommet de la Tour Eiffel… Son corps était gonflé par l'excitation.

Le rover fila à toute vitesse pendant une vingtaine de minutes. Le spatioport, au départ simple point de couleur perdu dans ces steppes noires et blanches, se mit à grossir. Nikola finit par distinguer la coiffe de protection dorée de la Grande Fusée, puis ses réacteurs, et enfin de larges lumières s’échapper des propulseurs.

Il appuya férocement sur la pédale. Son corps fut assailli de sueurs froides. Le moteur s’emballa et grimpa sur la colline qui menait au spatioport. Des gerbes de cailloux volèrent dans tous les sens. Le rover était pris de vibrations intenses. L’énergie libérée par la fusée commença à se faire sentir.

Il aperçut enfin les différents hublots et détails mineurs de la Grande Fusée. Malgré l'opacité des vitres, il put distinguer quelques silhouettes assises. Il se demanda si le rover disposait de fusées de détresse ou quelque autre moyen de se signaler. Les nuées de boutons ne semblaient pas disposées à répondre à ses questions.

Tandis qu'il se perdait dans les explications du manuel de pilotage, ce dernier culbuta sur une roche bien plus épaisse que les autres. L’énergie libérée par l’impact renversa l’appareil, qui, après deux tonneaux, vint s’écraser au pied de la colline.

La voix de Michael Jackson avait disparu. Un froid mordant s’était répandu tout autour de lui. Ses pauvres jambes lui faisaient un mal de chien ; il sentit une traînée de sang se former sur sa joue droite. Jamais il n’avait ressenti une telle douleur. Les airbags lui avaient évité des blessures trop graves. Sa combi s’était comprimée et lui collait désormais à la peau. Il s’extraya du véhicule au prix d’un effort douloureux et s’écrasa sur le sol lunaire. La taille de la fusée s’était réduite.

“Eh ! Attendez-moi !” tenta-t-il de crier.

Aucun son ne s’échappa de sa bouche. Des larmes chaudes vinrent tapisser ses yeux. Une entaille au niveau de son bras laissait le niveau d'oxygène de sa combi se réduire dangereusement. La défaite était totale. Sa mort par asphyxie imminente.

“Ça ne sert à rien, petit”, déclara une voix.

Il se raidit, jeta un oeil aux alentours, sans arriver à en déterminer l'origine.

“Ici”.

Un mouvement quasi-imperceptible se produisit sur un amas de rochers. Des couleurs se mirent en mouvement, des yeux dorés se révélèrent. Nikola sursauta, avant que ses jambes meurtries ne le clouent à nouveau au sol.

Un sélénite, en chair et en os ! Les adultes avaient l’habitude d’en parler avec le même détachement que celui qu’on employait en abordant une bataille napoléonienne. Bien sûr, un ou deux vieillards fous dans la Colonie avaient assuré en avoir croisés, mais presque personne – encore moins chez les enfants – ne les croyait.

L’extraterrestre et l’adolescent se dévisagèrent un instant.

“Tu n’es pas des leurs, déclara le sélénite, le corps figé.

  • Comment ça, je ne suis pas des leurs ? Et comment est-ce que vous arrivez à… Et où avez-vous appris le français ?" aurait voulu demander l’adolescent, dont les poumons se comprimaient douloureusement.

Les yeux de l’extraterrestre se plissèrent un long moment. Le taux d’oxygène de la combi venait de passer en-dessous des 9%.

"Beaucoup de questions à la fois, petit. Il n’y a pas que le son qui permet de communiquer. Quant à ma connaissance de ta langue, je te rappelle que les Humains souillent nos terres depuis plusieurs générations… Elle a fini par s’infuser en nous.

  • Mais pourquoi dites-vous que je ne suis pas des leurs… ? demanda Nikola, qui voulait comprendre avant de rendre son dernier souffle.
  • Vous dites bien qu’une image vaut mille mots ?” répondit le sélénite.

Son corps passa d’une boule rocheuse recroquevillée à un être ne dépassant pas le mètre cinquante. Sa musculature était saillante. L’adolescent sentit son cœur battre à toute vitesse, conjugaison de l’asphyxie et de l’angoisse que l’extraterrestre lui inspirait. Ce dernier bondit, et, avant qu'il n’ait le temps d’y opposer la moindre résistance, lui agrippa férocement le bras sur lequel se trouvait l’entaille. D’un coup de ce qui ressemblait à des crocs composés d’une matière inconnue, le sélénite se mit à l'élargir. Une douleur furieuse embrasa son corps épuisé. Les derniers restes d’oxygène s’enfuirent pour de bon dans le ciel lunaire. D’épaisses bulles de sang s’échappèrent et vinrent tapisser le corps de l'autochtone. Après son attaque, il bondit à nouveau et se figea sur son rocher. Des larmes plus chaudes qu’avant envahirent le visage et la combi de l'adolescent.

“Regarde ton bras, petit”, ordonna l'extraterrestre.

Le pauvre enfant était abasourdi, son cœur pris de palpitations.

“Regarde !” répéta l’extraterrestre.

Nikola s’exécuta et découvrit avec horreur les restes de son bras malmené. Sous les épaisses traces de sang et de peau déchirée, on pouvait distinguer nettement des alliages d’acier à l’emplacement de ses os. Des ensembles de vis et de pompes s’activaient dès que l’adolescent effectuait un mouvement.

***

“Cela devrait suffire, normalement”, déclara le sélénite. L’aiguille bouillante perça sans difficulté la combi et un liquide chaud, bien plus chaud que l’énergo, se déversa dans son corps. Les spasmes de ses poumons cessèrent, la douleur dans son bras s’éteint après une quinzaine de secondes. L'autochtone, penché au-dessus de lui, l'examina longuement.

“Comprends-tu, maintenant ? demanda-t-il.

  • Comprendre que… ?
  • Tu n’es pas des leurs. J’aurais eu bien du mal à te le faire accepter avec de simples paroles. Excuse-moi d’avoir été si brutal avec toi. Tu ne t’en rends pas compte, mais je t’ai sauvé la vie.
  • Comment ça ? demanda Nikola.
  • Le liquide que je t’ai injecté a neutralisé les derniers restes de ta fausse humanité. Il a aboli tes besoins en oxygène et en nourriture. Il a révélé ta vraie nature.”

L’expression "fausse humanité" sonna comme un coup de marteau. Sa petite maman, ses amis, ses professeurs, le marchand de jouets du couloir Sud-6 qui lui donnait fréquemment des bonbons en douce... Comment cet étranger avait su en un coup d'œil ?

L’image des Bouchas lui revint en tête. Comment se pouvait-il qu’il ait plus en commun avec ces satanés androïdes qu’avec les habitants logés bien haut dans la Grande Fusée ?

“Je comprends tout à fait ta réaction. Tu n’es pas le seul dans ta Colonie à avoir vécu cela. Tes amis nous ont longuement parlé de toi.

  • Où sont-ils ? demanda Nikola.
  • Là-bas, sous terre, désigna le sélénite. Nous te proposons l’asile. C’en est fini de cette satanée peste humaine, la Face Noire soit louée. Nous ne pouvons pas vous blâmer pour votre existence... vous êtes, tout autant que nous, des victimes de l’incurable barbarie des Humains. Mais tout cela est terminé.
  • Comment ça ? N’y a-t-il pas un moyen pour que je les rejoigne ? Les miens m’ont oublié.
  • Ne les sous-estime pas, petit. S’ils t’ont laissé sur place, c’est bien car ils considèrent ta vie n'a pas la même valeur que celle d'un humain de chair et de sang. En tant qu’êtres de roche, je te garantis que nous connaissons très bien le mépris des Humains pour toutes les autres formes de vie, y compris celles qu’ils ont créées. De toute façon, tout est terminé.
  • Que voulez-vous dire ?
  • Regarde, petit, regarde”.

Il aida l’adolescent à se relever et lui intima de regarder la vaste Terre qui se tenait en plein milieu du vide spatial. Il distingua une lueur orangeâtre aux alentours de la plaine du centre d’Europa. Une seconde, moins d’une minute plus tard, apparut un peu plus bas sur le globe, aux alentours de la Méditerranée. Deux autres tâches vinrent s’ajouter au tableau. Puis, dans une grande orgie lumineuse, la Terre fut recouverte de ces petits points oranges, comme le désert se couvre de fleurs dès que la moindre averse s’y abat. Les côtes d’Europa, de Chine du Sud, d’Afrique Australe ou du Brésil furent avalées par ces lumières. Bientôt, on ne distingua plus que les océans et les épaisses traînées de fumées qui avaient envahi l’air terrestre. En silence, Nikola et l'autochtone assistèrent à ce spectacle macabre.

L’adolescent pensa à toutes ces générations qui s’étaient battues pour éviter cette fin à la race humaine. Il se figura la Tour Eiffel dont il ne devait plus rester que de la poussière de fer, les restes de son empereur favori annihilés par cette dernière guerre. Il s’imagina les dizaines de milliers de familles avalées par ces épaisses fleurs atomiques qui s’étaient partagées le globe au dépens de toute vie à l’exception des cafards. Ses larmes s’étaient taries. Il fut incapable de décrocher le moindre mot. Le sélénite contempla la Terre jusqu’à la dernière détonation atomique, au milieu d’un coin d'océan quelconque. Des nuages de fumée vinrent obscurcir le ciel, et, bientôt, on ne put plus rien voir de la planète, à l'exception de la mer grise qui avait tout avalé.

“Si les Humains avaient accepté de t’embarquer, ce dont je doute, voilà où tu aurais fini. C’est pourquoi j’ai placé cette pierre sous ton véhicule. (L’adolescent n’eut pas la force de ressentir une quelconque colère à l’encontre de l’extraterrestre pour lui avoir causé tant de douleur.) Tu as fait preuve d’un courage et d’une détermination exemplaires. J’espère que tu pourras mettre ces qualités au service de notre civilisation qui, je le crois, devrait enfin avoir la capacité de sortir de ces cavernes. Certains de tes amis ont indiqué que tu vénérais un ancien empereur de la Terre…

  • Napoléon Bonaparte, oui, répondit l'adolescent, détaché.
  • Nous t’offrons la possibilité d’égaler la grandeur de ses faits, car il va nous falloir des hommes courageux pour reconquérir les terres occupées par les androïdes.”

Le sélénite tendit sa main à Nikola et lui indiqua le chemin de sa nouvelle vie. L’adolescent jeta un dernier coup d’oeil à la Grande Fusée, qui avançait inexorablement vers l’enfer nucléaire, puis il s’enfonça dans la galerie sous la surface.

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