CHAPITRE XXV : Un bref instant de bonheur (1)
Une nuit réparatrice
Flore, Marianne et Thibaut étaient arrivés à la maison de Marianne en fin d’après-midi, exténués. Le trajet depuis le camp avait été long, car il avait fallu avancer doucement à cause des lourds chargements de charbon de bois. Deux familles, dont celle du Henki, avaient rejoint leur hébergement d’hiver juste à l’entrée de Dànn pour le plus grand malheur de Guer qui comprit qu’il serait difficile de continuer à voir Cendrine. Passée la porte nord, le groupe s’était dispersé, une dizaine d’hommes avaient conduit le chargement aux dépôts, le long de la rivière. Les familles des deux tourtereaux avaient trouvé une cabane accolée à l’hospice qui pouvait les accueillir tous, ce qui était un peu contraignant, mais ils y bénéficiaient de plus d’espace qu’au camp. Ils purent même loger Alix et Hugon.
Marianne décida de préparer un bon dîner, Flore la rejoignit. Elle avait ressassé les événements tout le long du trajet et elle voulait se vider la tête. Thibaut erra dans la boutique du bas, puis décida de marcher un peu le long des rues. L’agression l’obnubilait et des sentiments confus lui occupaient l’esprit en permanence. Une question l’obsédait « pourquoi moi ? ». Il fallait qu’il parle à Ancelin. Malgré lui, il restait sur ses gardes, surveillant les badauds qui le croisaient. Par deux fois, il se surprit à sursauter lorsqu’une personne surgit de la pénombre de la rue à peine éclairée par quelques lanternes. Cela le mit en colère. Il s’en voulait de laisser sa peur prendre le dessus et jeter une ombre sur sa vie et surtout sur leur vie de couple. Il passa à l’auberge du chat noir, mais n’y trouva pas Ancelin, il rejoignit les deux femmes. Flore eut de la peine en voyant Thibaut. Elle ne savait pas comment le réconforter. Le repas fut servi et les deux femmes arrivèrent à détendre l’atmosphère et même à le faire rire. Tout le monde fut d’accord pour se coucher tôt.
— Maintenant je ne me sens plus responsable, vous pouvez prendre la chambre que vous voulez, dit Marianne avec un sourire. Je suis désolée pour votre nuit de noces.
Flore haussa les épaules et regarda Thibaut.
— Pour le moment, le cœur n’y est pas, dit-elle d’un air las.
— Bonne nuit.
Dans l’intimité de leur chambre, Thibaut et Flore s’assirent côte à côte sur le lit. Elle posa sa tête sur son épaule, et il caressa sa joue, sentant sous ses doigts la fatigue qui pesait sur ses traits. Ils s’allongèrent sans un mot, leurs corps pressés l’un contre l’autre, et sombrèrent rapidement dans le sommeil.
Bien après le milieu de la nuit, Thibaut s’éveilla. La chambre était lourde de silence, et il réalisa qu’ils dormaient encore habillés. Lentement, il se déshabilla, puis se tourna vers Flore. Son souffle régulier lui parvenait comme un murmure paisible. Il posa une main légère sur sa hanche, la caressa doucement, appréciant la chaleur de sa peau. Elle ouvrit les yeux à demi.
— Tu peux enlever ma tunique…
— Oui, peut-être, répondit-il avec un soupir.
Il l’aida à retirer sa tenue, découvrant avec émerveillement ce qu’il avait tant rêvé d’effleurer. La douceur de sa peau sur son ventre lui parut irréelle. Son regard se brouilla d’amour et de désir, mais, avant qu’il ne puisse prolonger l’instant, elle se tourna sur le côté, et le sommeil la reprit aussitôt.
Il soupira doucement, étouffant le désir qui montait en lui. La nuit serait longue, songeait-il, en se retournant sur le dos. Pourtant, il ne se plaignait pas. Chaque souffle partagé, chaque silence était un pas vers un avenir qu’il refusait de voir assombri

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