L'éternel cobaye

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Je suis emmené dans un centre. Un lieu froid, impersonnel, où la science remplace la compassion. Un centre d'expérimentation. On m'enferme dans un cube. Un cube immense, aux murs blancs immaculés, illuminé jour et nuit par une lumière crue. Il n'y a pas d'ombre ici. Même mon propre reflet a disparu.

Des années passent. Des dizaines d'années. Chaque jour est identique : des tests, des examens, des analyses. Des scientifiques en blouses blanches me piquent, me sondent, me scrutent. Ils cherchent à comprendre la nature de ma monstruosité, à percer les secrets du masque.

Je suis un cobaye, un objet d'étude, privé de toute humanité. Les fantômes, silencieux depuis mon enfermement, semblent avoir disparu. Peut-être ont-ils été chassés par la lumière, ou peut-être se sont-ils lassés de mon impuissance. Je suis seul. Seul face à ma monstruosité, seul face à la science, seul face à l'éternité.


Mon nom s'est effacé des mémoires. Les détails de mon histoire, les nuances de ma tragédie, tout a été réduit à un simple conte pour enfants. Un mythe effrayant destiné à faire peur aux garnements qui refusent de dormir. On me donne bien des noms : le croque-mitaine, l'homme noir, le monstre sous le lit. Des étiquettes vagues, impersonnelles, qui ne reflètent en rien l'horreur que j'ai vécue, l'abîme dans lequel je suis tombé.

Pourtant, dans l'ombre, quelques rares familles se souviennent. Des familles d'anciennes victimes, dont la vie a été brisée par ma monstruosité. Pour eux, je ne suis pas une simple légende. Je suis une cicatrice béante, une blessure qui ne cicatrisera jamais. Ils connaissent la vérité. Ils savent qui j'étais, ce que je suis devenu. Et ils ne m'oublieront jamais.

Ils transmettent mon histoire de génération en génération, un avertissement murmuré à l'oreille de leurs enfants. Un récit sombre, terrifiant, qui sert à la fois de catharsis et de mise en garde. Ils me traquent dans leurs cauchemars, me reconnaissent dans les ombres qui dansent au coin de la pièce.

Et moi, je reste enfermé dans ce cube de lumière, prisonnier de mon passé, condamné à errer dans les limbes de la mémoire collective. Les tests continuent, inlassablement. Les scientifiques cherchent toujours à comprendre, à expliquer, à contrôler. Mais ils ne savent pas. Ils ne peuvent pas comprendre. Ils n'ont pas vu ce que j'ai vu, ils n'ont pas ressenti ce que j'ai ressenti.

Je suis une anomalie, une aberration. Un monstre né de la douleur, de la manipulation, et de la soif de vengeance. Et même si mon nom s'efface, même si mon histoire se transforme en légende, je sais que quelque part, dans le cœur brisé de ceux qui ont souffert à cause de moi, je resterai à jamais gravé. Je suis leur croque-mitaine, leur homme noir, leur monstre sous le lit. Et cela, personne ne pourra jamais me l'enlever.

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