XIX. Demain sera bien

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XIX. Demain sera bien*

Il téléphona vers 19h30. J’étais en train de lézarder comme un légume devant ma télé, avec un plaid sur les genoux et des chaussettes géantes parfaitement tue-l’amour. Il me demanda s’il pouvait passer, je dis oui et fonçai dans mon placard pour retrouver un minimum de sex-appeal. Une demi-heure plus tard, il sonnait à la porte, pull blanc, oeil vert, sourire en coin. Superbe comme toujours, remué comme jamais, il m’embrassa sur la joue avec une maladresse que je ne lui connaissais pas. Dans le jade de son regard, je lus un mélange étrange de tension, d’épuisement, d’appréhension et même, me sembla-t-il, quelque chose comme de la tendresse.

Il avait apporté des plats indiens et nous dînâmes dans ma minuscule cuisine. Il parlait peu, très doucement, il avait l’air un peu ailleurs et pourtant il était là, canon comme tout, droit sur son tabouret. Au dessert, il me prit la main par-dessus la table, j’en fus si surprise que la salière valsa par terre, ça me fit sourire et soudain il me dit de toutes ses forces: « Excuse-moi, Romy, je suis chiant et ronchon ce soir... J’ai peur, you know. Peur de la décevoir, de ne pas la reconnaître, de perdre mes mots en arabe. J’ai peur de l’ombre de mon père par-dessus son épaule. J’ai peur qu’elle ne m’appelle plus son fils. » Il me chuchota cela bien en face, sa voix était flottante comme si chaque mot était un effort. Je ne sus pas quoi lui répondre, j’avais juste envie de lui dire bêtement « Je t’aime » mais j’étais sûre qu’il partirait en courant.

Alors je serrai sa main dans la mienne et je l’entraînai dans ma chambre en slalomant dans le sel. Je le pris dans mes bras, il me tint contre lui pendant quelques secondes, je sentais sa main chaude sur ma nuque et ses lèvres fraîches sur les miennes. Il me déshabilla d'un souffle, ou presque, ma robe semblait faite pour lui filer entre les doigts ! Il descendit la fermeture éclair très lentement le long de mon dos, jusqu’au creux de mes reins. Sa langue suivit le même chemin, doucement, elle était douce et brûlante et ma peau devenait flamme au fil de ses caresses.

Je le déshabillai à mon tour, son corps frémissait comme une onde appétissante et je l’effeuillai, seconde après seconde. Il me poussa tout doucement sur le lit et nous fîmes l’amour excessivement lentement. Je connaissais par coeur les moindres recoins de son corps mais cette nuit-là avait quelque chose de neuf et de fragile, et je le redécouvris, souple et attentionné dans le noir.

Après l’amour, épisode 1, il proposa de m’accompagner à l’aéroport le lendemain : il avait changé son billet et s’envolait pour la Corse deux jours plus tôt que prévu, son avion partait une heure avant le mien, il ferait d’une pierre deux coups.

Après l’amour, épisode 2, il dit enfin oui quand je lui demandai s’il voulait rester dormir avec moi. J’eus un grand sourire niais qu’il ne vit pas dans le noir ; et je me retins de trop le câliner, pour ne pas risquer de le faire fuir, me contentant de coller mes jambes tout contre les siennes.

*Demain sera bien de Graeme Allwright, in Graeme Allwright chante Leonard Cohen, 1973.

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