Chapitre 4 – La magie, ça vous zoug-zoug le ciboulot

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Léandre entendit Quilo hurler depuis sa chambre. Et comme parfois c’est au pire moment qu’arrivent les pires catastrophes, pour Léandre, c’était quand elle enculait délicatement Maël avec un straps.

Elle entendit son coloc beugler entre deux gémissements de plaisir et se retira si vite que, au bord de la jouissance, Maël expulsa autant de gaz que de magie dans un petit cri de plaisir. L’image aurait paru loufoque si la gobeline, en débarquant dans le salon, n’était pas face à un jeune ventou au sol en proie à des convulsions violentes qui le faisait se frapper contre les coins tranchants des murs. Les plafonniers clignotaient, la télé beuguait et des volutes de lumières bleutées coloraient l’air entre deux clignotements. Volutes qui prenaient leur source du ventou.

— Putain de merde ! ne put-elle que dire en se précipitant.

Là encore, le tableau d’une gobeline portant un straps marchant à toute berzingue est, à lui-seul, un spectacle poilant. Léandre balaya l’humour de cette scène quand elle fut à côté de Quilo ; elle le toucha. Grossière erreur : je vous ai dis plus loin que toute chose est magique. Quilo est, malgré son état de Brisé, « magique ». Sauf qu’il n’a aucun moyen de libérer cette énergie comme on le ferait de façon naturelle – voies anales, vaginales, orales, occipitales & Cie.

La magie, instable comme chez tous les Brisés, réagit violemment au contact de celle de Léandre, fraîchement épanouie après un rapport. Elle jaillit et projeta la gobeline sur la table de salon. Quilo continuait de se débattre et j’imagine que vous comprenez pourquoi : la magie, à l’intérieur de lui, le rongeait. C’était la raison pour laquelle on les considérait comme « non-choisis ». Parce qu’elle les abandonnait avec une force aussi inouïe qu’aléatoire. Et croyez-moi, ça fait très, très, très mal.

Quand Maël débarqua dans le salon, sa partenaire lui hurla dessus :

— Il fait une crise ou j’sais pas quoi ! Appelle les secours !

L’elfe ne resta pas planté là sans rien faire et obéit – l’avantage d’être quelqu’un de tassé. Il composa le numéro du centre hospitalier et attendit qu’on lui réponde quand… tout s’arrêta. Les plafonniers, la télé, les appareils électroniques. Léandre et Maël, stupéfaits face à un tel phénomènes, s’arrêtèrent eux aussi. Tout comme le calme après la tempête, l’appartement avait retrouvé sa sérénité.

Quilo se réveilla. Tout frais, sans aucune autre séquelle qu’un léger mal de tête. Et une envie folle de se jeter par la fenêtre ou d’avaler un litre de liquide vaisselle. Sans se préoccuper de sa coloc et son petit copain, il se précipita vers son sac et y sortit un flacon de comprimés. Il en prit trois au lieu de deux et les avala tout sec.

Puis se retourna vers les deux estomaqués et eut un sourire d’une crispation plus élevée que celle qu’on ressent en regardant un article sur la question de « doit-on laisser les gens avorter ou non ? ».

— Surprise ?

* * *

— Attends, attends, attends… Tu dis que t’as jamais couché avec personne ?

Quilo se retrouvait face à Maël et Léandre, tous deux ayant mis des sous-vêtements. Par habitude ou par souci pour lui, il l’ignorait, mais la question de sa colocataire lui glaça le sang. Il fit donc ce qu’il savait faire de mieux :

— Si. Mais ça a pas marché.

— Ah merde… désolé. Je pensais que les Brisés avaient pas fait l’amour.

— Non, c’est juste… un handicap comme un autre.

Maël prit un air de pitié qui ne lui plu pas, mais alors pas du tout, au point de vouloir lui coller un pain dans la face. Il se retint de justesse ; c’était toujours comme ça après les crises, ses émotions vrillant d’un bout à l’autre du spectre. Une respiration plus tard, l’elfe demanda :

— Et du coup… Tu prends des médocs ?

— Oui, mais ils me fatiguent énormément et il y a d’autres effets secondaires qui sont vraiment pas ouf.

— Tu les as pris ?

La crainte se lisait sur ses mains qu’il tordait dans tous les sens. Léandre, elle aussi, semblait attendre sa réponse. Le ventou acquiesça et en eut la nausée : savoir qu’ils le considéraient comme une bombe à retardement lui collerait à la peau le restant de sa licence.

Visiblement, Léandre remarqua son désarroi car elle frappa Maël dans le bras avant de se taper sur les cuisses.

— Ok, coloc. Est-ce que tu as besoin d’aide ?

— Non, répliqua Quilo d’un ton abrupt.

— Super. Parce que je veux pas être à deux doigts d’appeler les secours tous les soirs.

Le ton moqueur qu’elle venait de prendre, plus le regard en coin à Maël, firent leur effet : Quilo baissa la tête en souriant légèrement. Il ressentait la même gratitude envers elle qu’envers Tac.

J’aurais pu attester avec certitude que ce moment était un de ceux qui avait mis notre jeune ventou dans une position délicate : sa grande force était de se tenir caché derrière des mensonges mais, comme toute grande force, elle était aussi sa faille la plus profonde.

Maël insista pour rester dans la soirée et proposa qu’eux trois regardent un film. Cela délassa l’atmosphère de sa tension rêche et moite de mauvaises âmes sous les répliques acides d’Ulrich envers Zagi dans Omelette à la sauce yaourt. Les rires des jeunes adultes noyèrent les soucis de Quilo jusqu’à très tard dans la nuit, quand le compagnon de sa coloc rentra chez lui et cette dernière partit se coucher.

Dans la pénombre et allongé sur son lit, le ventou avait son visage de la même couleur que la brume dans la lumière du téléphone. Ses traits s’étaient crispés dans cette inquiétude dévorante qui touche tous ceux qui n’ont pas compris que rien n’est vraiment grave. Il ouvrit la conversation de ses amis pour écrire avec hésitation :

22h47

Quilo

Les gens, vous êtes là ?

23h13

Lu.

Il éteignit son téléphone et resta éveillé longtemps, avec l’impression nette d’être un raté. Ses amis du lycée avaient d’autre chose à faire que de s’occuper de lui et… Non ! Il ne fallait pas qu’il pense de cette manière, se dit-il en serrant sa couverture. Ses pères le lui avaient dit : pas de spirale négative.

Il pensa à des choses heureuses : son premier jour de cours réussi, sa première amie à l’université qui partageait son secret. Enfin, pas tout le secret mais… c’était déjà bien. Il s’y accrocha à la façon d’un nouveau-né à la vie, à la première respiration.

Il pensa aussi à André, la vraie raison pour laquelle il était venu à Hallioce. C’était, sans lui avoir jamais dit son secret, la personne qui l’avait le plus compris durant ses années de collège, déjà lointaines. André et son sourire d’ange. André et ses mots révélateurs et plein de bon sens. André et sa philosophie de comptoir qui, malgré leurs façon brutes de décoffrer, décoiffaient tout simplement l’esprit en un rire.

Quilo chercha dans son album photo un souvenir, qu’il trouva rapidement : lui et André, bleu et beige, ventou et humain, en maillots de bain devant la mer. Le selfie transpirait l’adolescence par leurs larges sourires benêts et leurs yeux pétillants de malice, avec une complicité si évidente entre eux-deux qu’on les aurait crû siamois.

La dernière fois qu’ils s’étaient vus, c’était sur la rame du train qu’allait prendre son meilleur ami à Hallioce. Quilo – et il s’en voulait encore en présence de Lou, Syndara et Joan – ne s’était jamais senti aussi bien avec quelqu’un.

— Attends-moi, murmura-t-il en éteignant son téléphone avec la peur de retrouver quelqu’un de changé.

* * *

Le lendemain fut brutal à cause des médicaments ; Quilo, complètement à plat, dut littéralement se traîner hors du lit jusqu’à la salle de bain. Sa tête lui faisait si mal… et plus encore quand il vit combien de messages Tac lui avait envoyé.

Heureusement, ce ne fut pas des messages de panique – il avait eu l’habitude avec ses amis du lycée, qui connaissaient ses crises sans en savoir l’origine véritable. Il s’agissait de shorts insta, de memes avec des loutres et de dizaines de photos du fleuve Tourbier en pleine nuit, piqueté de cent milles soleils endormis. Même sans avoir la tête à ça, le cœur y était – et il en envoya des tas !

J’avoue avoir beaucoup de mal avec les technologies actuelles et les messages que peuvent receler les emoji. Mais Quilo les employait avec une perfection que je ne pouvais qu’applaudir ; on aurait pu le voir discuter uniquement de cette manière ce qui, à mon humble avis, est un sujet d’étude linguistique. Bref, notre ventou enfila une chemise chocolat, un jean noir et des bottines beige – la grande classe – avant de se mettre du gel dans les cheveux, comme chaque matin, pour rajuster ses boucles.

Dans la cuisine, Léandre n’était pas partie et, quand elle vit arriver son coloc, elle lui lança un « Salut » entrebâillé. Les deux s’installèrent avec quelques sourires et lancèrent leurs projets de journée. La plus âgée irait s’occuper de réparer le pont avec ses collègues, depuis la récente inondation d’il y a deux mois. Le plus jeune s’enthousiasma de commencer le « vrai » cours théorique. Il dévora son petit déjeuner, prit son sac et partit à l’université.

Sur le chemin, il découvrit sur Instagram qu’il y avait de plus en plus de gens qui parlaient de l’attaque de la kelpie. Heureusement, toujours aucune photo ou vidéo en HD n’avait été postée sur le net ne permettait de le voir ; seulement l’immense corps du monstre envahissait les écrans.

Il retrouva Tac dans le métro, qui l’attendait au changement de station. Il commença à lui expliquer la vraie raison de sa venue à l’Université :

— Donc c’est pas pour la magie mais pour cet André que tu es venu ? Attends…

— Pourquoi tu fais une tête comme si t’avais vu un fantôme.

— Quil ! T’as peut-être un crush sur lui !

L’information fit un looping dans sa tête, passa deux stations avant de le percuter en pleine face :

— Hein ?

— Me « hein » pas !

— Tu te rends compte – des gens sortirent de la rame, d’autres rentrèrent – que c’est complètement fou ce que tu dis ?

Tac chercha ses mots pendant trois stations, laissant Quilo s’imaginer des choses. Lui, un crush ? Il n’en avait jamais eu ! Il était un Brisé incapable d’aimer, et de ce fait incapable de faire de la magie. C’était biologiquement irréfutable.

— Écoute, je vais dire un truc et promets-moi de pas t’énerver.

— Quoi ? Pourquoi je…

— Promets. Le. Moi.

—…D’accord.

Son amie lui lança un regard entendu et il râla :

— C’est promis.

— Ok, cool. Donc mon idée est la suivante : tu trouves André, tu lui dis que tu l’aimes et tu couches avec lui.

Ils venaient d’arriver à la station de l’Université et le ventou sortit en trombe de la rame, Tac sur ses talons. Un mélange de rage, de désarroi et d’espoir bouillonnait en lui, entraînant ses jambes à faire des folies hyperlaxes. Au bout de quelques mètres à l’extérieur, la braiseuse lui attrapa le bras. Il fit volte-face et se sentit peinée : elle semblait très, très inquiète et aussi sincèrement désolée.

— Pardon. Mais tu dois me comprendre…

— Ton frère, comprit Quilo en opinant du chef.

— Ouais. Je veux pas… que ça arrive à quelqu’un d’autre… (elle hésita) Et encore moins à toi.

Il se mordit la lèvre inférieure, ses yeux cherchant la honte à ses pieds. Rien, pas la moindre miette. Il leva le menton et força le dessin d’un sourire sur sa face, quoique toujours chamboulé. Il posa sa main sur celle de Tac.

— Y a pas de mal, je comprends. Et crois-moi, ça me va droit au cœur ce que tu fais.

Le duo resta là quelques instants. Autour d’eux, les étudiants passaient en leur jetant parfois des regards intrigués. Le soleil brillait fort, ce matin-là et tout le monde portait une casquette ou se protégeait d’une ombrelle. Quilo se rendit compte qu’il n’avait prit ni l’un ni l’autre.

— Donc ton idée, reprit-il en pesant ses mots, c’est que je demande à André de faire l’amour avec moi ?

— Si ça te gêne pas.

— Je ne sais pas, je… verrais sur le moment.

Tac hocha la tête. Elle comprenait, enfin, non, elle savait sans comprendre. Quilo pouvait aisément voir le visage doux d’André se profiler dans sa tête, s’imaginer le contact de ses doigts sur son épaule, se rappeler le son de son rire. Lorsqu’ils se remirent à marcher, le ventou repensa à tous ses souvenirs avec son ami de collège et oui, il avait ressenti comme une attirance, un magnétisme à l’époque.

— Raconte-moi comment tu l’as connu, s’enquit Tac en voyant son air refermé.

— Au bar. Y avait un monde dingue…

* * *

Le petit ventou enfila une gélule dans sa bouche et but d’un geste sec une gorgée de limonade. Le médicament agit presque instantanément, sembla déformer sa bouche dans des proportions monstrueuses et la rendit pâteuse. Quilo grimaça et épongea son front.

Il régnait dans l’Atender une chaleur digne des neufs cercles. La musique, puissante, tambourinait à ses oreilles en lui donnant l’impression de la voir se propager dans l’air comme des vagues. Des gens papotaient, riaient et criaient à droite et à gauche, leurs sueurs mêlées faisaient naître une odeur âcre, étouffante. L’after de la fête d’anniversaire d’Emily, la fille la plus cool de la classe, battait son plein. Un gâteau d’anniversaire à moitié défoncé tronaît sur le comptoir, où l’on pouvait y lire : « Jyx Vrse, ly » à la manière d’une formule magique comme dans les vieux contes.

Si Quilo avait été invité, c’était surtout par acquis de conscience que par dépit ou pitié. Emily était une bonne samaritaine, le genre qui aidait son prochain en ayant la certitude que son karma augmentait. Elle s’était sûrement dit, pensait Quilo en avalant de la limonade, que le ventou se sentirait bien aux côtés de ses semblables et « adelphes ». La communauté ventou était très soudée car d’origine nomade, alors forcément Emily avait fait le geste dans les bonnes valeurs.

Notre jeune ami, alors âgé de quatorze ans, regarda passer deux filles bras dessus, jambes dessous passer quand une autre onde parcourut la salle. L’odeur du tabac froid et du thé trop macéré.

Un humain vint s’installer à côté de lui. Quilo ne l’avait jamais vu. L’humain en question avait des cheveux d’un noir corbeau atypique et des yeux bleu glace qui tranchaient la salle avec la même force qu’un roi-liche. Enfin, sans le côté mégalo et dominateur de nations, mais vous voyez le genre.

La chose qui l’étonna le plus fut son sourire, ou plutôt comment ce sourire transformait ce faciès sensiblement morbide en un portrait noble et saisissant. Directement, Quilo fut captivé par cet individu qui, verre à la main, désigna Emily qui caressait le magasin d’un demi-orc timide en lui murmurant des mots doux à l’oreille.

Lui, il va pas passer un bon moment.

Pardon ?

L’humain lâcha un bruit similaire à un évier qui reprend son souffle à plusieurs reprises. Le ventou mit un instant à comprendre que c’était son rire.

Le truc, c’est que notre hôte ci-présente n’est pas du genre bottom, si tu vois ce que je veux dire.

Quilo était peut-être puceau, mais pas idiot. Il avait lu et vu de nombreuses choses sur internet pour se préparer à sa première fois. Aussi opina-t-il avec l’expertise que se donnent les adolescents de son âge. L’humain le dévisagea un instant, son sourire figé… qui disparu immédiatement lorsqu’il lui tendit la main.

André Ross, le seul humain de la soirée.

Sa voix avait l’accent d’une huile sur le feu.

Quilo Tramontane, un ventou parmi d’autres.

Ah, ouais, j’ai entendu parler de toi. Le petit qui se fait bully, hmm ?

Ce n’était pas vraiment le cas : on l’ignorait plus qu’autre chose. Cependant, la façon dont André le dit, avec un sourcil rehaussé et sa paille dans la bouche qui aspirait bruyamment l’alcool… Cela fit rire Quilo. Le sourire d’André revint et parut plus sincère.

Tu crois que je suis une victime, sérieusement ?

Je crois que tu es un petit gars en mal d’amour qui veut trop en donner.

Un petit grain de sable se coinça dans son cœur. André, comme s’il l’avait senti, ajouta à haut débit :

Désolé, c’était pas sympa… Je te paye une limonade ?

La limonade payée et ramenée, les deux garçons s’échappèrent de la grande salle pour aller dehors et mieux s’entendre. Et comme prévu, ils s’entendirent très bien. André, déjà en première au lycée d’à-côté, raconta qu’il était un va-nu pieds peu enclin à obéir aux lois absurdes de la scolarité qui prétextait qu’étudier était la meilleure façon de réussir sa vie.

Je préfère peindre et pleurer devant une bonne comédie musicale feel’s good. L’école t’apprend pas à pleurer, à rire ou à chanter pour ton cœur. Elle t’apprend qu’à respecter les règles d’un monde qu’on t’impose.

Pour y survivre, opposa Quilo. Tu crois que les bébés gnolls sont content de savoir qu’ils doivent pactiser avec un dieu du chaos pour pas être déchiquetés par leurs pairs ? Ou bien que les trolls sont heureux de rester à l’ombre du soleil pour ne pas se changer en pierre ? C’est pareil.

André le regarda un instant, sa bière au bord des lèvres. Puis, sans prévenir, ce fut son cœur qui y passa et par dessus le muret où ils s’étaient assis. Le jet atterit pile poil devant de malheureux passants et ils durent se cacher, retenant leurs rires et aussi un peu de bile. André rota et dit :

Désolé, mais ton argument était indigeste. On n’est pas des gnolls, putain de merde ! On a le droit de se battre pour une société meilleure.

T’es activiste ?

Est-ce que taguer les murs de bâtiments admnistratifs pour dire qu’ils font beaucoup de merde socialement, ça rentre dans la définition ?

Pour lui prouver ses dires, André le prit par la main et le redressa, l’entraîna à travers les rues. Quilo riait, son cœur battait à la chamade. Il courait vite mais se fatiguait à la même allure. À bout de souffle, ils arrivèrent derrière la mairie, sur lequel un dullahan tagué tenait sa tête, mortifiée par des formules de maths, des citations d’auteur.ice.s diverses et d’autres idiomes sociétaux. Ce tag, Quilo l’adorait et maintenant…

Il se tourna vers André.

C’est de toi ?

De moi l’artiste fit une pose théâtrale en chair et en os !

C’est… (le ventou observa l’oeuvre, l’émotion faisant vibrer sa voix) magnifique.

Ce jour-là, André cessa de le regarder comme le petit du collège. Il le regarda avec un air de surprise et de sincère reconnaissance. Ce jour-là, Quilo se fit un véritable ami.

* * *

—…Puis on a vécu des aventures de fou, ajouta le Quilo jeune adulte en montrant des photos à Tac.

— Silence !

Il rangea son téléphone caché derrière son ordinateur, sous le regard impérieux de M. Yvain, qui reprit son cours. Tac et Quilo échangèrent un regard complice.

— La véritable forme de la magie est contenue des cristaux de pouvoir. C’est une chose que vous avez vu pendant vos années de lycée, mais je vous faire l’affront d’un rappel pour ceux qui seraient un peu en retard, appuya-t-il en jetant un regard sur la salle qui s’attarda sur Quilo. Les cristaux se forment dans des zones à forte densité magique, surtout après que l’on ait lancé de puissants sorts, ou dans les tanières de créatures magiques imposantes. On les utilise pour alimenter toutes sortes de machine au point qu’aujourd’hui, peu de technologies fonctionnent à l’électricité. On les utilise également comme indices historiques car ils stockent des informations de diverses sources, liées aux conditions de leur formation.

Le professeur s’approcha de la première rangée de l’amphithéâtre et demanda aux élèves de se passer la boîte contenant les cristaux en question. Lorsqu’elle arriva au niveau de Quilo, il fut époustouflé par le sien : le sien était d’un noir d’encre dans lequel dansaient des lumières de cendre, des volutes de brumes et des sillons améthyste.

— Tout le monde a son cristal ? Bien. Vous devez maintenant sentir la magie à l’intérieur du cristal et noter ce que vous y déceler. Je veux tout : odeur, sons, images, sensations… Vous avez une demi-heure, ensuite je relèverai vos fiches pour les noter en fonction des réelles appréciations, pour voir votre degré de sensibilité.

Tac lui tapa sur la main et Quilo regarda la phrase muette se former sur ses lèvres : « Ça va aller ? ». Il lui indiqua d’un geste que tout irait bien ; certes, il n’était pas capable de lancer le moindre sort, mais question sensibilité, il s’était tellement entraîné sur le « défi de la bougie éteinte » qu’à force, sentir la magie était devenu aussi facile que respirer. D’où la cruelle ironie du sort : elle le frôlait si aisément et il ne pourrait jamais la prendre entre ses doigts.

Qui firent rouler le cristal pour en apprécier la texture lisse, usée par de nombreuses mains… ? Non, en fait, il était rugueux. Le genre qui vous apprend qu’il était tout jeune, formé il y a peu. De petites imperfections lui apprirent que la création avait été lente, douce, sujette à des erreurs. Donc lié à un sort.

Quilo ferma les yeux, s’enfonça plus profondément dans cette zone de concentration qu’on appelait « Limbes », là où la magie murmure. Il ne décela pas un éclair de génie, éclat fugace qui rend le produit brut. Non, plutôt un plan calculé, mûri par des semaines, des mois de réflexions…. Un sort d’invocation ? Non, ce n’est pas ça… il faut que j’arrête de faire des conjectures, il faut que j’écoute. La magie bulla et lança des étincelles dans son esprit, laissant apparaître devant lui des marées noires, vivantes, parcourues de formes lumineuses fugaces. Un lac. Ce n’était pas un sort d’invocation, mais de masse. Une puissante incantation qui touchait un maximum de cibles en une fois. La personne qui avait lancé ce sort devait être extrêmement puissante.

Tout à coup, une odeur. Âcre, collant à la peau…

— Regardez dehors !

La concentration de Quilo se brisa et il revint à la réalité : les étudiants s’étaient rassemblés pour regarder aux fenêtres. Lui aussi s’y précipita pour voir, prenant place à côté d’une Tac étonnéee. Ses yeux s’écarquillèrent. Les arbres brûlaient, vomissant des flots de fumée dans le ciel qui s’enroulaient langoureusement pour former ces lettres aussi violentes qu’invincibles :

SEX IS MAGIC. MAGIC IS DEAD

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