On jette un aubergiste dans un cachot où se trouve déjà un valet. Un des gardes place un barreau mauve dans un espace vide. Le prisonnier déjà là soupire. L’autre se masse le postérieur qui s’est pris quelques coups de pieds. Il finit par s’assoir.

« Tu es là pourquoi ? » demande le valet.

« A cause d’un truc tout bête. » réponds l’aubergiste. « Récemment, un chevalier est venu chez moi et a demandé une chambre pour la nuit. En effet, il était fourbu car il venait d’affronter le mage démoniaque, Hordomme. Celui-ci l’avait maudit avant de disparaitre dans un nuage de fumée… Finalement, le sorcier n’avait pas vraiment disparu, il était juste tombé dans le ravin juste derrière lui en s’enfuyant. Bref, j’étais plutôt content : le chevalier attirait la clientèle en racontant ses histoires, et tout et tout, mais il était tout de même effrayé par les derniers mots de son adversaire. Il est allé se coucher, puis le lendemain, il est redescendu et s’est étiré en disant « J’ai l’impression d’avoir dormi pendant une semaine. » Brusquement, il a eu l’air affolé et a demandé en tremblant quel jour nous étions. Le problème, c’est que je ne connaissais pas la date, et l’épée que l’autre me pointait sous la gorge ne m’aidait pas beaucoup. Du coup, j’ai dit une bêtise au hasard. Alors, le chevalier s’est mis à hurler qu’il était damné, qu’il avait voyagé dans le temps et ce genre de sornettes, puis il a brandi son arme et a tout saccagé. Ensuite, il est sorti et s’est mis à agresser les passants. »

« Et puis ? »

« Et puis il a été stoppé. J’ai été condamné pour n’avoir pas su donner la date exacte et ainsi fait une incitation à la violence. »

« Et le chevalier ? »

« Il est parti à l’asile pour fous. Et toi ? Qu’est-ce que tu as fait ? »

« Moi, je suis valet chez notre bon roi. Hier, alors que je passais dans son bureau, j’ai vu des papiers en désordre sur sa table de travail. Je les ai rangés et… j’en ai lus quelques-uns au passage. Enfin voilà, quoi… Ensuite, je suis passé dans le grand salon pour mon service. Or le roi et la reine étaient en pleine crise conjugale. Elle criait « Je suis sûre que tu aimes ta maitresse plus que moi ! » et lui répondait « Non, non ma chérie. Je t’aime plus que tout ! ». Bref, au bout d’un moment, la reine s’est tournée vers moi et m’a demandé « Combien mon  époux a-t-il écrit de mots doux à sa maitresse ? ». J’aurais pu répondre quinze, comme le roi le répétait tous les jours à ses valets, mais comme j’en avais trouvé beaucoup plus sur le bureau, j’ai donné le nombre exact. Alors, la reine s’est mise à hurler sur son mari selon quoi il aurait écrit une lettre de plus à sa favorite qu’à elle, et puis elle parlé d’un certain Aristophane et d’un grève de je sais plus quoi… Enfin bon, le roi était très en colère contre moi et m’a fait jeter ici. »

Un cri retentit dans la cellule d’à côté.

« Tiens ? Pourquoi y’a-t-il un paon ici ? » Demande l’aubergiste.

« Parce qu’il est l’entrée du diner de ce soir. »

L’aubergiste se gratte la tête, puis inspecte le barreau mauve.

« C’est quoi, ça ? »

« La couleur veut dire quatre heures. Ils doivent penser que nous sommes coriaces. »

« Coriaces ? Qu’est-ce qu’ils vont nous faire ? Je sais juste que j’ai été condamné au schnouk. Qu’est-ce que c’est, le schnouk ? »

« C’est une méthode de cuisine : on fait cuire la viande au-dessus d’un casserole d’eau. Cela donne une viande bouillie et rôtie en même temps. »

« Mais… on est où, là ? »

« Dans la réserve de la cuisine royale, pourquoi ? »