79. Interruption des programmes

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Julia

Arthur me rejoint sur le lit, nu comme un vers, magnifique et désirable. Il me serre dans ses bras et nos lèvres se retrouvent avec autant de douceur que d’envie, et je savoure ce moment hors du temps, comme chaque fois que nous réussissons à nous voir pour plus qu’une attention. Son sexe bandé entre nous est un délicieux appel à la débauche, et je remonte ma cuisse sur sa hanche pour presser mon intimité contre sa virilité toute fière. Les mains d’Arthur enflamment ma peau autant que mes caresses se font pressantes, et il agrippe ma cuisse alors qu’il bouge lentement des hanches pour nous stimuler l’un et l’autre. Ce moment est divin, magique et tellement naturel à la fois. Il n’y a plus d’humanitaire et de lieutenant, ce n’est qu’Arthur et Julia, un homme et une femme qui se retrouvent et unissent leurs envies, leurs corps et je crois leurs coeurs aussi. Ce n’est qu’un “nous” dans cette folle vie, une parenthèse que ni l’un ni l’autre ne semble avoir envie de refermer.

Je crois que je ne vais pas sortir indemne de cette histoire. Evidemment, je me suis attachée à lui. Plus que ça, même. Mais moi, je rentre dans à peine deux mois, quand lui va rester six mois de plus. Que va-t-il advenir de ce “nous” si nous sommes si éloignés ? Et puis, il a beau ronchonner parce que sa mère et moi voulons le protéger, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter de le laisser ici en rentrant au pays. Mes parents vont me tuer en apprenant que j’ai demandé à prolonger ma mission, mais l’avenir me fout la trouille. Déjà, d’habitude, le retour de mission est compliqué. Le retour à la réalité n’est pas ce que je préfère. J’ai toujours l’impression d’être déconnectée de la vie ordinaire, je prends la mouche pour pas grand-chose, m’énerve pour des broutilles, et finis par m’isoler quelques temps chez moi, en tête à tête avec Joker pour ne pas charger mes proches qui n’y sont pour rien dans tout cela. Là, en sachant Arthur en Silvanie, avec ce contexte qui le place dans une position bien difficile… Et lui et moi, dans tout ça ? Je savais que j’allais trop m’attacher, que terminer cette histoire avec la fin de ma mission ne serait pas sans conséquences.

- Julia, tu es avec moi ?

- Oui, oui… Je suis là, pardon, souris-je en caressant sa joue barbue du bout des doigts.

- Tu étais partie bien loin, là, rit-il. Heureusement que je ne suis pas susceptible, sinon je bouderais.

- Tu es susceptible, Arthur, me moqué-je. Mais c’est aussi ce qui fait ton charme.

- Hum… Si tu le dis. Tout va bien ? Des soucis ?

- Il y a toujours des soucis ici. Mais rien qui ne puisse attendre. Excuse-moi, Arthur.

- Tu sais que tu peux me parler si tu as besoin, Julia.

Je l’observe un moment en silence. Il a vraiment l’air inquiet, quand bien même ses yeux expriment aussi le désir. Honnêtement, comment ne pas tomber amoureuse de cet homme ?

- J’ai besoin d’autre chose que de parler, là, Arthur, murmuré-je finalement à son oreille. J’ai besoin de n’être connectée qu’à toi, besoin de te sentir en moi, besoin de jouir et de te voir, t’entendre et te sentir jouir.

- Eh bien ! Madame a l’air d’être bien impatiente !

- Toujours quand il s’agit de toi, ris-je en empoignant son sexe bandé pour le caresser.

- Alors, Madame va être contente de savoir que je n’ai plus envie d’attendre ! Je te veux toute à moi ce soir !

- Prie pour que personne ne vienne frapper à cette porte alors…

- Je ne suis pas croyant, moi, tout ce que je sais, c’est que je n’ai plus envie d’attendre, me dit-il d’une voix rauque alors qu’il me pénètre lentement et profondément.

Je savoure cette divine sensation, toujours aussi forte, toujours aussi intense, et m’agrippe à lui comme si son contact m’était vital. Sa main fermement campée sur ma cuisse, Arthur commence à aller et venir lentement en moi alors que ses lèvres retrouvent les miennes. Ses coups de reins s’accélèrent petit à petit, autant qu’enfle le plaisir qui prend naissance dans mon bas-ventre. J’accompagne ses mouvements de mes hanches, avide de plus, cherchant la délivrance, quand nous sursautons tous les deux au son de l’ordinateur sur mon petit bureau. Je mets un moment à percuter alors qu’Arthur a ralenti la cadence mais poursuit ses assauts au creux de mon corps.

- Pardon, je suis désolée, soupiré-je en l’embrassant sur la joue. Il faut que je décroche, Arthur.

- Ah non ! Pas maintenant ! Tant pis, tu rappelleras, non ? dit-il en continuant à aller et venir délicieusement au fond de mon intimité qui ne demande qu’à ne pas arrêter.

- Je… Non, merde, je peux pas. Excuse-moi, bougonné-je en rompant le contact pour me lever alors qu’une seconde sonnerie s’ajoute à la première. Si je ne réponds pas, ma mère va faire une attaque…

Tout mon corps crie au scandale, et il n’y a qu’une infime partie de mon cerveau, malheureusement celle qui commande, qui se dit qu’il vaut mieux prioriser les choses de la sorte, plutôt que de causer davantage de stress à ma famille parce que je préfère m’envoyer en l’air plutôt que de répondre.

- J’avais totalement oublié cet appel, continué-je en enfilant un tee-shirt et ma culotte en vitesse. Ne m’en veux pas, je t’en prie.

- Tu abuses là, Julia, soupire-t-il sans toutefois se mettre vraiment en colère avant de rire, amusé par la situation. Tu as mis ton tee-shirt à l’envers en plus.

- Bordel, ronchonné-je en le remettant dans le bon sens sans oublier de lui jeter un regard noir. Fais-toi discret si tu ne veux pas de walk of shame, beau gosse.

- Tu ne veux pas me présenter ? Je suis sûr qu’ils apprécieraient le spectacle de me voir passer nu derrière toi, continue-t-il de se moquer. Dépêche-toi de répondre plutôt que de traîner, ils vont s’inquiéter sinon !

Je lui tire la langue et déplace mon ordinateur pour que le lit ne soit pas dans le champ de la caméra avant de décrocher. Le tableau qui s’affiche sous mes yeux me serre le cœur autant qu’il me remplit d’amour. Mes parents, mes frangins et ma belle-sœur sont installés dans le canapé de la maison où j’ai grandi, et leur sourire appelle le mien.

- Ah ben quand même ! s’exclame ma mère qui a toujours le don de mettre les pieds dans le plat. Je commençais à me demander si tu n’étais pas en plein combat ou pire…

- Tout va bien, Maman, soupiré-je en me recoiffant. J’étais au lit, excusez-moi. Je suis contente de vous voir tous.

- Au lit ? A cette heure-ci ? Tu es malade ou quoi ? Je trouve d’ailleurs que tu es bien rouge. Tu as de la fièvre, ma chérie ?

J’entends derrière moi Arthur qui pouffe doucement et j’espère que personne ne l’a entendu de l’autre côté de la caméra.

- Non, Maman, je suis fatiguée, c’est tout. Je te promets que tout va bien. Les journées sont longues et chargées. Et vous, comment allez-vous tous ? Vous avez bonne mine ! Même toi, Microbe, ça m’inquiète, ris-je en me moquant gentiment de Hector.

- Oui, on fête l’anniversaire de ta belle-sœur et on voulait que tu partages ce petit moment avec nous. Tu n’avais pas oublié quand même ?

- Non, enfin… J’ai un peu perdu la notion des jours, ris-je. Alors, vieille branche, ça fait quoi de prendre encore une année ?

- Tu nous manques, Juju. Et en plus, tu n’as vraiment pas l’air dans ton assiette. On dirait que tu es préoccupée, indique Sarah en se rapprochant de l’écran pour mieux me voir. Tu as beaucoup de soucis au camp, c’est ça ?

- Bordel, vous êtes pires qu’un interrogatoire de l’armée, bougonné-je en levant les yeux au ciel. Je suis à la guerre, Sarah, forcément que j’ai des soucis. Mais ça va, le camp est protégé, tout roule. Fais gaffe, tu commences à ressembler à ma mère, ma Poule. Joyeux anniversaire !

- Merci ma puce ! Alors, raconte, il y a des beaux militaires que tu as pu draguer ? Tu as des détails croustillants à nous donner ? Ton sergent, dont tu parlais la dernière fois, tu l’as mis dans ton lit, finalement, ou pas ? On veut tout savoir, tu nous manques trop !

- Bien sûr, m’esclaffé-je, je vais raconter ça devant mes parents, Sarah ! T’es vraiment terrible ! Tu veux que mon père débarque dans le premier avion pour venir torturer tous les mecs du camp ou quoi ? Et je te l’ai déjà dit et répété, il ne se passe rien et il ne se passera rien avec Mathias.

- Chérie, j’ai entendu qu’il y avait de l’agitation en Silvanie, en ce moment, tu es sûre que tu es en sécurité ? Tu ne te sens pas trop seule pour gérer le camp ? intervient ma mère.

- Je ne gère pas vraiment le camp seule, tu sais. C’est surtout tout ce qui touche à la sécurité. Pour l’organisation, on bosse main dans la main avec le responsable de l’ONG sur place, dis-je en me contrôlant pour ne pas jeter un œil à Arthur. Quant à l’agitation, c’est vrai que ça se corse… Mais on gère.

- De toute façon, tu rentres bientôt, non ? me demande mon père. On a hâte de te revoir !

- Heu… Oui… Pas sûre que je rentre en février, finalement, dis-je, mal à l’aise. Ma mission sera peut-être prolongée de six mois.

Je jette un rapide coup d'œil à la raison principale de mon envie de rester ici, et attends la sentence de mes proches alors que les voix se lèvent dans un brouhaha pas possible.

- Mais c’est honteux ça ! Tu devrais te plaindre ! Un an de mission, ça n’arrive jamais ? Ou alors, tu es punie pour quelque chose ?

Les voix et les questions des membres de ma famille se croisent et envoient chacune des petites piques à ma conscience déjà torturée.

- C’est moi qui veux rester, finis-je par avouer, instaurant un silence quasi religieux qui pourrait me faire sourire si je n’étais pas certaine que cela précède les soucis.

- Julia, il se passe quoi ? intervient Sarah. Tu as un chagrin d’amour ici que tu ne veux pas retrouver ? Tu nous caches des choses, toi ! Pourquoi tu ne nous en as pas parlé avant ?

- Ça n’a rien à voir avec ça, Sarah. J’ai envie d’aller au bout des choses, ici, et de protéger les personnes qui sont dans ce camp. Effectivement, ça chauffe ici, pour certaines personnes plus que pour d’autres, et je ne me vois pas les abandonner maintenant…

- Mais tu ne peux même pas avoir une permission entre deux ? Genre tu rentres pour deux ou trois mois ? me demande ma mère, presque implorante.

- Je ne sais pas, Maman… Ça ne se fait pas beaucoup, ce genre de choses. Mais rien n’est fait, tu sais, je n’ai pas encore de réponse. Je vous tiendrai au courant.

Je ne m’étale pas, vraiment pas à l’aise de leur annoncer ça. Je fais ce choix égoïstement et j’en ai conscience. Ils vont m’en vouloir et ce sera mérité. Je crois que, pire que les interventions de tout le monde, c’est le silence de mon père qui m’angoisse.

- Oh oui, tiens-nous au courant, pleure presque ma maman, on est tellement inquiets pour toi au milieu de cette guerre.

- Je suis désolée, Maman, lui dis-je, la gorge nouée. Tu sais que je ne fais pas ça pour… Enfin, je vous aime, vous me manquez tous beaucoup. Fêtez bien l’anniversaire de la vieille Sarah, on se rappelle, d’accord ?

- Oui, ma chérie, porte toi bien surtout ! Donne de tes nouvelles, ma puce !

- Bonne bourre ! crie Sarah, toujours aussi délurée dans ses propos, mais cela a au moins le mérite de me tirer un petit sourire.

- Bisous à tous, prenez soin de vous !

Je raccroche sans attendre les larmoyants au revoir, considérant avoir déjà eu ma dose pour la soirée, et reste plantée un moment devant mon écran avant de soupirer lourdement. Je sens les mains d’Arthur se poser doucement sur mes épaules. Il reste derrière moi, sans un mot, juste présent pour moi. Je finis par me lever et me love contre son grand corps.

- Désolée pour la réunion de famille…

- Non, je suis désolé pour toi. Ils n’ont pas l’air d’apprécier ton souhait de rester ici pour six mois de plus… Tu es sûre de ta décision ?

- Oui, je suis sûre de moi. Je ne dirais pas non à quelques semaines au pays, mais je sais ce que je veux. Et ce que je veux, c’est rester ici et protéger au mieux toutes les personnes de ce camp, toi inclus, peu importe ce que tu en penses.

- Tu sais bien ce que j’en pense. Je serai content si tu peux rester avec moi. Mais je m’en veux un peu de t’éloigner ainsi de ta famille.

- Je ne fais que repousser les retrouvailles. Si ma demande est acceptée. Tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça, souris-je.

- Je n’ai vraiment pas du tout envie de me débarrasser de toi, tu sais ? me répond-il en accentuant son câlin.

Et qu’en sera-t-il si je rentre en France dans deux mois ? J’hésite à poser cette question qui me brûle les lèvres et me prend déjà bien trop la tête, mais je ne pense pas être prête à entendre la réponse, alors je m'abstiens et l’embrasse tendrement. Il est temps de reprendre là où nous nous sommes arrêtés plutôt que de ruminer cet appel avec ma famille ou ces interrogations dignes d’une comédie romantique et bien loin de l’image que je donne de moi au quotidien.

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