Fissures

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Ombre de l'Ombre, je deviens Lumière lorsque s'élèvent avec langueur les pulsations de nos cœurs endeuillés. Balivernes, je reste obscur comme ces nuits sans lune.
Entre mes doigts se cache l'objet de mes désirs prohibés. L'organe qui bat, qui tremble dans ma paume ensanglantée. Je l'ai arraché, de mes griffes acérées. Je crois que je l'aimais trop pour le lui laisser.

Le sang coulera.
Trois fois ce soir.
Deux fois demain.
Une fois avant la fin.

L'hémorragie se tarie sous mes yeux ébahis. L'hémoglobine s'épanche pourtant, tache ma peau, jusqu'à noircir le carrelage clair. La pâleur du luminaire m'aveugle. Blancheur artificielle, puis-je m'en contenter ? Lorsque le soleil ne brille plus, que le fantôme s'éveille, la noirceur enserre, comme un étau, ma gorge malmenée.
Impossible de respirer, la poigne est trop puissante, trop forte pour mon esprit aliéné.
Petit cœur meurtri, tu bats, tu vis, dans ma main alanguie.
Ton rythme est semblable au mien, tu pleures, tu cries.
Les pulsations s'éteignent, lentement, doucement ; tu meurs, tu pries.

Qui t'entends ? Dis-moi, qui te sens ?
Les échos de ta douleur s'étalent en notes funèbres, s'entrechoquent contre les parois de mon crâne fissuré. Je la ressens, ta mort. Elle me brise les os, lacère ma chair et noie mon cœur qui bat, qui vit. Je pleure, je crie. Oui, tu meurs, je prie. Je hurle et puis je fuis.

Le sang coulera.
Deux fois demain.

À travers la fenêtre, j'admire l'obscurité, puis les ténèbres de nos vies, sans bruit.
Sans bruit, l'orage gronde encore. Le tonnerre est silencieux, comme nos âmes évanouies. Les éclairs, aussi noirs que nos rires, s'assombrissent à mesure que les battements se meurent.
Je l'ai dit, te souviens-tu ? Un matin, entre les lignes, tu m'as demandé comment se terminerait cette histoire. J'ai analysé, réfléchi, puis comme par magie, j'ai compris. Le reflet de ton minois, blême dans ce miroir jauni, c'est lui, qui m'a appris la vérité derrière toute cette folie.
Dans un silence tu as hurlé, tes yeux ont saigné jusqu'à ce que tes sanglots t'emportent dans l'au-delà. Pas la mort, non pas encore. C'était trop tôt, ou peut-être trop tard ? Que sais-je ? Je t'avais prévenu, pourtant.
Le sol s'est fissuré et nos souvenirs se sont faussés. L'hémoglobine est noire lorsque l'esprit est maudit.

Le sang coulera.
Une fois avant la fin.

Les larmes me brisent la voix, je ne peux plus crier alors je prie encore. Dans un silence de mort, j'observe ton cœur. Pourquoi ne pulse-t-il plus ? Je n'ai pas serré les doigts. Je te le promets, je ne l'ai pas fait. L'envie m'a étreint, je l'admets, mais la force, je ne l'ai pas trouvé.
Ce silence me rend faible, pourquoi ne hurles-tu plus ?
Fébrile, j'avance jusqu'à la fenêtre. L'air est froid, comme l'organe qui ne vit pas. Le monde s'insurge, l'entends-tu ?
Je crois, qu'entre les planches de ton cercueil, mon cœur s'est mis en pause. Je le pose. Chut ! Il se repose.
Ton corps glacé, je le réchaufferai, enfin, j'essaierai.
Peut-être qu'en réalité, je suis mort aussi.

Endeuillé.
Seul ou à deux.

Ce sont nos vies que nous pleurons.
Les sanglots deviennent la pluie.
Oui, je gis sous l'averse de nos larmes meurtries.

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