Aquila

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Pardonne-moi, Aquila,

Allez, viens avec moi,

Est-ce ainsi qu'une lettre commence ? Je l'ignore, pourtant voici la missive de mon cœur épris pour le tien.

À tes yeux je n'ai guère succombé, je sais tu l'aurais pourtant souhaité.

J'ai chaviré pour ton âme, ta peine et ta souffrance, non pour la magnificence de ton minois, ma jolie croix.

Écoute, dans l'ombre de la nuit, ton prénom sur mes lèvres rend paisible ce silence bruyant. Entends-tu, au-delà de ce voile qui nous distance, la ballade que je fredonne pour toi, mon artiste passionné ? Vois-tu, dans ce ciel étoilé, les constellations dessinent ton image. Ce sont tes iris bruns que je contemple à travers les brumes de la nuit.

Emprisonné, ce sont les réminiscences de notre existence passée qui me maintiennent en vie. Ta voix, tes soupirs et puis tes rires.

Le temps file, lentement, cruellement, alors que ton corps repose loin de moi. M'aimes-tu encore après ces années de silence ? Dans mon esprit, tes mains parcourent encore ma peau, tes poings martèlent mon corps. Qu'y-a-t-il de plus beau que notre affliction, si douce déraison ? Si ce n'est cette jolie chanson ? Celle que nous chantions lorsque notre amour faisait trop de bruit. Celle qui calmait nos cœurs quand dans une impulsion amoureuse, nous faisions couler le sang de l'autre. Tu le sais, mes plus beaux souvenirs de toi, ce sont ceux-là. Ta peau diaphane où brillaient les hématomes de ma folle dévotion.

J'observe ton visage à travers les barreaux de ma cellule. Ne fais pas cette tête, je te vois dans mon esprit, mon âme connaît la tienne, nous sommes pareils. Ne te méprends pas, même la déesse lunaire n'est pas à la hauteur de la grâce de tes traits amochés. Ne l'oublie pas, si je suis ton plus beau tableau, tu resteras ma plus belle symphonie. Ma mélodie du désespoir, de l'amour, de la cruauté. Ma plus douce partition, Aquila, ce sera éternellement toi.

J'aimerais que tu voles jusqu'à moi. Déploie tes ailes majestueuses, rejoins-moi de l'autre côté de la rive sanglante.

Je sais, tu me détestes d'avoir perdu pied. J'ai peint des peaux qui n'étaient pas la tienne, brisé des corps qui n'étaient pas le tien. Mais l'hystérie, c'est dans celle-ci que l'on s'aime. Dans la haine, aussi. Toujours plus fort, mon Amour, frappe-moi encore. Fais couler l'éther pour que je me noie dans le tien, lèche ma peau meurtrie pour que je m'abreuve de toi. Panse les plaies que tu as toi même causées, pour que je m'amuse à te fissurer entre mes paumes ensanglantées.

J'ai joué pour de vulgaires moineaux, mais je suis et resterai, ton pianiste, mon bel Aquila au plumage souillé d'hémoglobine. On s'aime dans nos blessures mortelles, nos fractures éternelles. Ton âme, à jamais m'appartiendra, tout comme la mienne qui périra dans quelques mois. La peine de mort ne m'effraie pas, ce qui me terrifie c'est de mourir loin de toi. Alors, viens, accompagne-moi lors de l'ultime épreuve, pour que l'on s'aime même dans l'obscurité. Laisse-moi composer une dernière chanson pour ravir nos sourires, je te laisserai me peindre de pourpre pour raviver nos souvenirs. Pour que la flamme de notre amour ne périsse pas, même dans ce couloir noir.

Allez, Aquila, rejoins-moi dans l'Éternel, dans l'Invisible, si possible.

Entends ma détresse, mon ultime faveur, et pardonne-moi de t'avoir si lâchement abandonné. C'était ineffable, tu le sais. Regarde-moi, prie pour moi lorsque l'aiguillon fatal glissera entre mes veines purpurines. Je chanterai la berceuse de nos années bienheureuses pour t'aimer une dernière fois.

Accepte ma demande, répands ta douleur et tes pleurs sur la stèle de mon âme éprise de la tienne. Suis-moi, laisse-moi te chérir, pour nous guérir ensuite et s'adorer plus fort, dans l'Infini et plus encore. Et puis, pourquoi pas l'éternité ? Allez, meurs avec moi, dans la torpeur, mais surtout cette peur de nous perdre, celle qui anime nos cœurs amoureux.

Je t'admirerai périr lorsque l'heure sera venue, par-delà cette vitre et ces regards remplis d'aigreur, je ne verrai que toi. Montre-moi ton beau minois, ma jolie croix. Je t'emmène avec moi, pour que nous dansions sur la tombe de notre amour, jusqu'à ce que ce monde cesse de tourner, et bien après.

Personne ne le saura mieux que toi, j'ai tué des hommes pour te chérir lorsque tu n'étais pas là, j'ai fait couler l'éther pour te rendre honneur. Je t'idolâtre et te hais. Je t'adore et t'exècre, c'est ainsi qu'on s'aime, oui, c'est comme ça qu'on saigne.

Allez, Aquila, viens avec moi. Je t'accueille dans mes bras pour un voyage plein de promesses, quelques ecchymoses et cette sinistre chanson, la passion et la dévotion,

Ton Pianiste désespéré.

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